Sexologie : une spécialité méconnue ?

Publié le 24 May 2022 à 09:41


 Enquête auprès des professionnels de santé sur leur connaissance de cette discipline et ses acteurs

Résumé : La sexualité tient une place importante dans la vie des individus. Les professionnels de la santé jouent un rôle important en conseillant ou en orientant leurs patients qui confient des problèmes sexuels. L'objectif principal de cette enquête était d'évaluer la perception qu'ont les professionnels de santé sur la sexologie ainsi que sur les professionnels qui l'exercent, en France.
Méthodologie : Cette étude a utilisé un questionnaire en ligne diffusé notamment sur des sites médicaux et sur les réseaux sociaux. Le questionnaire de l'enquête comprend 30 questions fermées concernant la sexologie et les acteurs de cette spécialité. Les professionnels de santé visés par cette enquête sont les médecins généralistes ou spécialistes, les sages-femmes, les infirmiers, les aides-soignants, les psychologues et psychothérapeutes. 754 réponses ont été recueillies, 642 ont pu être exploitées et analysées.
Résultats : Une majorité de répondants ne connaissent pas le concept de santé sexuelle bien qu'ils soient confrontés à des plaintes d'ordre sexuel de leurs patients. Très peu jugent leurs compétences dans le domaine de la sexualité comme étant totalement suffisantes et beaucoup adresseraient volontiers. Cependant les sexologues, notamment la formation, leur exercice pratique ou leur visibilité dans les réseaux professionnels sont méconnus. La sexologie est plutôt perçue de façon positive par les soignants ayant participé.
Conclusion : En France, bien que les professionnels de santé interrogés reconnaissent la demande des patients concernant la sexualité, ils ont une connaissance incomplète du sujet et des professionnels exerçant la sexologie. Définir, encadrer, homogénéiser, promouvoir la sexologie et ses spécialistes en France, semble donc être une nécessité importante pour guider et améliorer la prise en charge des patients qui consultent pour des problèmes concernant leur sexualité.

Il y a maintenant plus de 20 ans, au cours de ma dernière année d'études de sage-femme j'ai découvert une discipline dont j'ignorais totalement l'existence : la sexologie ! Je n'en avais jamais entendu parler, je ne pensais pas qu'il puisse y avoir des « professionnels » dans ce domaine... du moins des thérapeutes professionnels ! Les quelques heures d'enseignement théorique qui m'ont été dispensées à cette époque m'ont passionnée !

Puis au cours de mes 20 ans d'exercice en tant que sage-femme hospitalière je me suis trouvée régulièrement confrontée à des plaintes d'ordre sexuel de la part des patientes.  En cours de grossesse, en post-partum, dans les suites d'une IVG ou même tout simplement lors du suivi gynécologique.

Ma formation initiale ne contenait que peu de cours de sexologie et je ne me sentais pas suffisamment qualifiée pour leur apporter l'aide qu'elles sollicitaient.

Il m'est donc venu très naturellement dans ce contexte le désir de me former en sexologie et de préparer le DIU de sexualité humaine.

Seulement, force m'a été de constater que l'évocation de cette formation a très souvent suscité chez mes interlocuteurs des réactions diverses et variées mais pour le moins surprenantes ! Des sourires lourds de sous-entendus, une gêne, des commentaires grivois, des questions parfois déroutantes sur cette spécialité… Je vous avoue même m'être parfois demandé, aux vues des regards qui m'étaient lancés, si l'exercice de la sexologie n'était pas assimilé à de la prostitution !!

Que le sujet soit évoqué avec des amis, de la famille ou même des professionnels du milieu soignant, les réactions, les interrogations m'ont rapidement amenée à m'interroger : mais que savent donc les gens, et notamment les professionnels de la santé, de cette spécialité qu'est la sexologie? Quelles connaissances ont-ils des professionnels qui l'exercent ? Que savent-ils de leur formation, de leur modalités d'exercice? Ont-ils dans leur pratique quotidienne des patients qui auraient besoin d'avoir recours à un de ces spécialistes ? Adressent-ils aux sexologues le cas échéant ?

C'est ainsi que me sont venues l'idée et l'envie de mener cette enquête dans le cadre de la réalisation *de mon mémoire de fin d'études.

La sexologie
Une recherche internet pour trouver la définition de « sexologie » amène très vite à la réponse d'une encyclopédie universelle qu'est Wikipédia : « La sexologie est l'étude de la sexualité humaine et de ses manifestations. Elle étudie tous les aspects de la sexualité, à savoir le développement sexuel, les mécanismes des rapports érotiques, le comportement sexuel humain et les relations affectives, en incluant les aspects physiologiques, psychologiques, médicaux, sociaux et culturels ».

Il existe de nombreuses autres définitions de cette pratique, notamment celle de Haerberle et Gindorf qui considèrent la sexologie « comme science sexuelle qui recouvre un champ plus vaste que la sexologie médicale ou la médecine sexuelle. Ces dernières sont des pratiques de haut niveau scientifique qui traitent surtout des perturbations et des pathologies de la sexualité, La sexologie médicale est l'un des importants domaines de la sexologie, au même titre que la socio-sexologie, l'ethnosexologie, l'éducation sexuelle, les différentes formes de conseils et de thérapies sexuels ainsi que les autres domaines de la recherche et de la pratique sexologique. Ensemble elles constituent le corpus de la sexologie ». Cette définition est reprise en introduction de l'enquête de 2001 Giami et de Colomby.

Yves Ferroul quant à lui désigne plus récemment la sexologie comme étant « l'étude des éléments qui concourent à la réalisation d'une sexualité hédoniste – non reproductrice – épanouie, ou qui l'entravent, voire la rendent impossible. Elle comprend une partie médicale (la connaissance du fonctionnement du corps et du cerveau) mais aussi une partie psychologique, anthropologique, éthologique, philosophique, ethnologique, sociologique, culturelle et historique ».

Quant à Hesnard il définit la sexologie comme étant « la science de la sexualité, c'est-à-dire cette branche de la biologie (au sens le plus large) qui a pour objet l'ensemble des faits biologiques et spécialement humains, en rapport direct avec la notion de sexe ».

L'intérêt pour la sexualité est une réalité ancienne ! Si la sexologie en tant que science humaine est relativement récente, elle s'inscrit pourtant dans une histoire millénaire. Dès le Ve siècle avant JC de nombreux personnages illustres tels que Hippocrate, Aristote ou Ovide notamment se sont intéressés au sujet de la sexualité :

  • Hippocrate, médecin grec, décrit le mécanisme de l’érection et de l'éjaculation qui est repris au IVe siècle avant JC par le philosophe Aristote.
  • Ovide, poète latin qui publie « l'art d'aimer », oeuvre qui se veut être une initiation à l'art de l'amour et de la séduction.

Plus tard, de nombreux textes du théologien et philosophe chrétien Saint Augustin serviront de bases à la doctrine religieuse chrétienne sur la sexualité et le couple : seule la sexualité conjugale à visée procréatrice est acceptable. Au fil des siècles suivants le sujet de la sexualité humaine ne cesse d'être étudié et les connaissances dans ce domaine ne cessent de s'enrichir : Au XVe siècle avec notamment Léonard de Vinci qui publie en 1502 « Les feuillets de la génération : anatomie du coït ».

  • Au XVIe siècle :
    - Ambroise Paré décrit l’érection en décrivant pour la première fois la présence de sang dans le pénis.
    - Gabriel Fallope, chirurgien anatomiste italien décrit le clitoris, sans toutefois faire de description de ses fonctions.
  • Au XVIIe siècle :
    - Jacques Ferrand, Docteur en droit et en médecine est un des premiers médecins à avoir une démarche clinique et une prescience psychologique.
    - Nicolas Venette, parfois qualifié de « premier sexologue », écrit en 1675 le « traité de la génération de l'homme ou de l'amour conjugal ». Dans cet ouvrage il partage son avis de médecin sur son expérience de la souffrance conjugale observée dans sa pratique quotidienne et n'évite aucune des questions que se posent les hommes et les femmes sur les relations intimes.
    - Le XVIIIe siècle est caractérisé par l'apparition de la condamnation de la masturbation.
  • A cette époque la médecine « hygiéniste » fournit à l'église les arguments scientifiques pour combattre les pulsions sexuelles avec notamment la parution de « Onania ou le péché infâme de la souillure de soi » du Dr Bekkers ou encore le « testamen de morbis ex manustupratione », essai sur les maladies induites par la masturbation de Samuel Auguste Tissot.
  • Le mécanisme vasculaire de l’érection est démontré, entre autres, par John Hunter qui sera le premier à distinguer l'impuissance organique de celle de l'imagination (1756).
  • Au XIXe siècle, siècle puritain par excellence
    - Auguste Debay publie en 1848 « Hygiène et physiologie du mariage », un ouvrage de vulgarisation sexologique dans lequel sont donnés des informations précises et des conseils d'ordre sexuel.
    - La première description scientifique du coït est publiée par Félix Roubaud en 1855 dans son « traité de l'impuissance et de la stérilité chez l'homme et chez la femme ».
    - En 1886, c'est Richard Von Kraft Ebing qui publie une étude médicale sur les troubles sexuels : « Psychopathia sexualis ». Les pratiques sexuelles inhabituelles, les perversions, l'homosexualité, l'érotomanie, le sadisme sont dès lors considérées comme des maladies psychiatriques, sont marginalisées et une notion de « norme » de la sexualité en découle.
  • Depuis le début du XXe siècle : Selon Philippe Brenot la sexologie se développe surtout à partir de cette période et peut être divisée en cinq périodes successives : l'origine (1880-1914), la période de maturation (1914- 1939), la période expérimentale (1940-1968), la période clinique (1968-1980) et enfin la sexologie moderne (1980-2010).
  • L'origine de 1880 à 1914
    Outre Richard Von Kraft Ebing suscité pour son étude, les deux grandes figures qui vont asseoir les fondements de la pensée sur la sexualité grâce à leurs travaux sont Sigmund Freud et Henry Havelock Ellis.
    Sigmund Freud, avec la publication en 1905 de « Trois essais sur la théorie de la sexualité ». Dans cet ouvrage le médecin abandonne la conception sexologique de la sexualité pour une approche sexologique de la sexualité. En arrachant la libido sexualis à la jouissance des médecins, Freud en fait le déterminant de la psyché humaine.
    Il introduit également le concept de sexualité infantile et propose d'expliquer l'évolution de l'enfant à travers des caractères pulsionnels d'ordre sexuel qui vont évoluer au travers de plusieurs stades psychoaffectifs pour aboutir ensuite à la sexualité génitale adulte. C'est aujourd'hui une base théorique importante en psychologie clinique et pédopsychiatrie. Havelock Ellis quant à lui effectue un énorme travail : les « Etudes de psychologie sexuelle » en 14 volumes, qui constitue une des plus importantes sommes de connaissances sur la sexualité humaine dans ses composantes informationnelle, éducationnelle et thérapeutique. A noter que c'est au cours de cette période, en 1911 que le terme de sexologie est mentionné pour la première fois (Sirius de Massilie : « la sexologie : prédiction du sexe des enfants avant la naissance) mais à cette époque il n'a pas le sens qu'on lui prête aujourd'hui et fait référence à une technique permettant de déterminer le sexe de l'enfant à naître.
  • La période de maturation : 1914-1939 La période entre les deux guerres mondiales voit se développer les fondations des premières institutions spécifiques à la sexologie :
    - En 1919 le premier Institut d'études sexuelles est créé à Berlin par Magnus Hirschfeld. Deux ans plus tard s'y déroulera le premier congrès international sur la sexualité.
    - En 1920 l'institut de pathologie sexuelle de Prague voit le jour, alors qu'en France est promulguée la même année une loi visant à interdire l'avortement, la contraception et toute information sexuelle.
    - En 1927 Havelock Ellis et Magnus Hirschfeld créent la Ligue mondiale pour la réforme sexuelle qui se réunit à Copenhague en 1928. L'objectif est d'obtenir l'égalité sociale et juridique des sexes, le droit à la contraception et à l'éducation sexuelle.
    - L'association d'études sexologiques, ouvre ses portes en 1931 à Paris sur l'initiative du Dr Toulouse. Le terme sexologie est cette fois employé au sens actuel.
  • Dans les années 1930 sont fondées par Wilhelm Reich la Société socialiste d'information et de recherche sexuelles et l'Association allemande pour une politique sexuelle prolétarienne. Reich militait pour un changement radical des moeurs sexuelles afin de lutter contre le rôle de la famille coercitive et la répression de la sexualité, facteurs inhibiteurs et pathogènes (Analyse caractérielle, 1933). Son discours contribuera beaucoup à l'évolution des moeurs dans cette période d'avant guerre, grâce à ses prises de positions antifascistes notamment.
    Les connaissances et découvertes scientifiques continuent de s'étendre et permettent l'invention du stérilet en 1928 (par Ernest Grafenberg) et la méthode contraceptive basée sur l'observation du cycle : la méthode Ogino (décrite en 1931 par Kiusaku Ogino) alors qu'en parallèle le Pape condamne l'usage de la contraception même dans le cadre du mariage. A cette époque la sexologie est née, en tant que science, même si elle manque encore de méthode et d'expérience.
    Les mentalités évoluent et les publications abordant la sexualité, même en dehors du strict cadre médical, se multiplient :
    - « Le mariage parfait » de Théodore Van de Velde, ouvrage visant à déculpabiliser les rapports intimes du couple par un discours inhabituel pour l'époque et qui a rencontré un grand succès populaire.
    - « L'amant de Lady Chatterley » de D.H.
    Lawrence en 1932, roman pour le moins controversé.
    - « L'éducation du couple » d'Hannah et Abraham Stone en 1935.
    - « Histoire de sexe » de Louis Vignon en 1935,
    - « Faits et documents sexologiques » de Monique Heine en 1936.
    - « Ce qu'il faut oser dire ! Amour, fécondation... ; et avortement, fléau social » de A. Rémond en 1937.
  • La période expérimentale : 1940-1968 Cette période est caractérisée par les premières véritables études en matière de sexualité et la libération sexuelle, elle-même étroitement liée à la montée du féminisme, à la dépénalisation de l'avortement et enfin à l'arrivée de la contraception orale. Parmi les figures importantes en sexologie de cette période citons Henry Miller, écrivain combattant le puritanisme anglo-saxon et instigateur de la révolution sexuelle avec plusieurs oeuvres comme « Le Monde du sexe » ou sa trilogie « Sexus » (1949), « Plexus » (1952), et « Nexus » (1959).
    En parallèle le mouvement féministe s'amplifie comme en témoigne le nombre de publications importantes telles que « La psychologie des femmes » d'Helen Deutch (1945 et 1946), « Le Deuxième sexe » de Simone de Beauvoir en 1949, « La sexualité de la femme » de Marie Bonaparte et « Le complexe de Diane » de Françoise d'Eaubonne en 1951. Dans ce contexte, deux importantes études descriptives sur le comportement sexuel de l'homme et de la femme, menées sur un énorme échantillonnage de plus de douze mille individus, sont publiées par Alfred Kinsey, professeur de biologie :
    - « Sexual Behavior in the Human Male » en 1948 : ce rapport objectif et statistique permet notamment d'accorder un crédit à des pratiques sexuelles qui jusqu'alors étaient considérées comme marginales et déviantes (homosexualité, masturbation, fellation, cunnilingus, etc.).
    - « Sexual Behavior in Human Female » en 1953 : rapport qui donne une vision moderne de la sexualité féminine (sexualité intimiste, personnelle et autoérotique) et dans lequel sont publiés les résultats de son étude sur l'orgasme notamment.

La démarche de Kinsey constitue une rupture d’une part avec la sexologie clinique du siècle précédent qui se focalisait sur les "déviations", d'autre part, avec la théorie freudienne de la sexualité, et les modes d'appréciation de la sexualité fondés sur la morale religieuse, la médecine ou la criminologie.

Selon Alain Giami, chercheur en sciences sociales, « Kinsey fait entrer la sexualité dans le champ des sciences naturelles en tirant son argumentation de la zoologie, de la biologie, et de la physiologie et en ayant recours à la statistique et à des facteurs d'ordre sociologique. Il se situe cependant dans le droit-fil de la modernité sexuelle fondée sur la reconnaissance du caractère positif de l'activité sexuelle dont il veut élaborer une connaissance essentiellement descriptive des pratiques effectives, dépourvue de toute connotation morale et de tout jugement à priori. « William Masters, gynécologue et Virginia Johnson, psychologue vont ensuite réaliser le seul travail d'observation « in vivo » de la sexualité humaine de l'histoire de l'humanité. Ils observent pendant onze ans 694 individus ayant des rapports sexuels, soit plus de 10000 cycles sexuels complets. A l'issue de ce travail d'envergure ils publient en 1968 en France « Les réactions sexuelles ». La physiologie et les modifications physiologiques de l'acte sexuel sont désormais connues. Ils définissent notamment les quatre phases de la réponse sexuelle (excitation, plateau, orgasme et résolution) communes aux deux sexes. Grâce aux approches zoologique et sociologique de Kinsey, médicale et psychologique de Masters et Johnson de la sexualité humaine, les bases constituant la sexologie sont définies et la sexologie peut entrer dans sa période clinique.

  • La période clinique : 1968-1980 Ce sont Masters et Johnson qui initient cette période clinique. Grâce à l’expérience acquise au cours de leur longue phase expérimentale ils mettent au point des propositions thérapeutiques pour traiter les dysfonctions sexuelles et innovent en introduisant la notion de cothérapie de couple. Ils publient en 1971 en France l'ouvrage « Les mésententes sexuelles » qui représente le véritable point de départ de la sexologie clinique.
    D'autres ouvrages d'importance vont être publiés sur cette période dont :
  • « Le sexe de la femme » (1966) et « La fonction érotique », en trois volumes (1972) et « Abrégé de sexologie » (1976) de Gérard Zwang.
  • « Le guide du couple » (1969) par Pierre Vellay.
  • « Le sexe en questions » de Jacqueline Kahn-Nathan et Gilbert Tordjman ainsi que « Cette chose là » d'Hélène Michel- Wolfromm en 1970.
  • « Clefs pour la sexologie » (1972) de Gilbert Tordjman.
  • « Introduction à la sexologie médicale » (1974) de Georges Abraham et Willy Pasini.
  • « Nouvelle thérapie sexuelle » (1974) et « Les troubles du désir » (1978) de Helen Kaplan.
  • « Rapport sur la sexualité féminine » ( 1976) par Shere Hite.

C'est également au cours de cette période, en 1974 qu'est fondée la Société Française de sexologie Clinique (SFSC) qui fonctionne à la fois comme une société savante et un institut de formation. La même année se déroule le premier congrès mondial de sexologie médicale qui donnera naissance plus tard à la World Association of Sexology en 1978 (WAS).

  • La sexologie moderne : à partir de 1980 Suite aux travaux de Kinsey et Masters et Johnson, de grandes écoles de sexologie se développent aux Etats-Unis d'abord, puis au Canada, en Europe du Nord, Scandinavie, Europe du Sud, France et pays latins. Cette période est notamment marquée par la mise au point de thérapeutiques pharmacologiques, notamment dans le traitement des troubles de l'érection, avec les injections intra-caverneuses et les IPDE5. Les modalités d'accès à la sexologie, ses acteurs, ses applications seront développées plus loin dans ce travail.

Comme mentionné précédemment la première instance de sexologie fondée en France a été la Société Française de Sexologie Clinique (SFSC) le 17 mai 1974. Elle est a l'origine de la publication des « Cahiers de sexologie clinique ». La seconde grande société savante dans le domaine de la sexologie est l'Association Inter-Hospitalo-Universitaire de sexologie (AIHUS) qui est créée en 1983 et qui deviendra l'Association Interdisciplinaire Post-Universitaire de Sexologie en 2012. Ce sont ces sociétés savantes qui ont conçu et mis en oeuvre l’enseignement de la sexologie, pour lui donner ensuite une dimension nationale et universitaire. Elles ont aussi créé « Sexologies », la revue scientifique des Sexologues français et européens. Elles ont publié des recommandations à tous les praticiens pour la prise en charge thérapeutique de la dysfonction érectile, oeuvré à mettre en place la formation continue pour les médecins et les non médecins. Ces deux grandes instances de la sexologie se sont regroupées pour former la Fédération Française de Sexologie et Santé Sexuelle (FF3S). Il convient de souligner également l'existence du syndicat national des médecins sexologues (SNMS) qui a pour vocation de regrouper les médecins exerçant la sexologie, de défendre cette profession et de la faire connaître auprès du public, des confrères et des autorités. Il compte plus d’une centaine de praticiens de diverses spécialités (médecine générale, angiologie, endocrinologie, gynécologie, psychiatrie, urologie) qualifiés en sexologie.

La santé sexuelle
C'est en 1972 que l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) reconnaît pour la première fois l'existence du concept de santé sexuelle qui doit respecter trois critères :

  • La capacité de jouir et de contrôler le comportement sexuel et reproductif en accord avec l'éthique personnelle et sociale.
  • La délivrance de la peur, la honte, la culpabilité, les fausses croyances et les autres facteurs psychologiques pouvant inhiber la réponse sexuelle et interférer sur les relations sexuelles.
  • L'absence de troubles, de dysfonctions organiques, de maladies ou d'insuffisances interférant avec la fonction sexuelle et reproductive.

En 1974 l'OMS précise sa définition de la santé sexuelle : « La santé sexuelle est l'intégration des aspects somatiques, affectifs, intellectuels et sociaux de l'être sexué, de façon à parvenir à un enrichissement et un épanouissement de la personnalité humaine, de la communication et de l'amour. ». Cette définition est de nouveau modifiée en 2005 par l'OMS : « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et sociétal relié à la sexualité. Elle ne saurait en aucun cas être réduite à l'absence de maladies, de dysfonctions ou d'infirmités.

La santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d'avoir des expériences plaisantes et sécuritaires, sans coercition, discrimination et violence. Pour réaliser la santé sexuelle et la maintenir, les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et assurés. ». La définition actuelle de l’OMS est aujourd’hui posée comme fondement pour la mise en place de programmes de santé publique dans plusieurs pays. En France, où comme dans l’ensemble des pays de l’Union européenne on promeut la santé sexuelle, c’est à l’institut national de la prévention et de l’éducation sexuelle (Inpes), que revient cette mission.

Les sexologues en France
dans notre pays l'utilisation du titre de « sexologue » ou sexothérapeute n'est pas réglementée. Ainsi quiconque peut se déclarer comme étant l'un ou l'autre, avec ou sans formation spécifique. Cependant, il existe désormais davantage de réglementations encadrant ce titre, ce qui permet de limiter, sans l'exclure totalement, la pratique de la sexologie par des personnes n'ayant pas de formation reconnue par les instances de la discipline. Le seul diplôme reconnu par l'Ordre national des médecins est le diplôme inter-universitaire de sexologie (DIU de sexologie) qui est proposé dans 11 universités en France. Ce diplôme, d'une durée de 3 ans, n'est ouvert qu'aux médecins car en effet, en France, les formations reconnues en sexologie ne sont accessibles qu'à des personnes ayant une formation initiale. Seuls les médecins qui valident ce DIU peuvent porter le titre de sexologue et l'apposer sur leurs ordonnances, leurs plaques et dans les pages jaunes depuis la parution en avril 1997 des circulaires du conseil de l'Ordre des médecins n°98.009 et 98.018. Cependant, les professionnels de santé « non médecins » ont également la possibilité de se former en sexologie. Un DIU d'étude de la sexualité humaine, d'une durée de 3 ans également, est ouvert aux infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens, psychologues, psychomotriciens et sages-femmes. Enfin, un diplôme universitaire (DU) de santé sexuelle d'une durée de deux ans est quant à lui ouvert aux professionnels d'autres domaines que la santé : les éducateurs, enseignants, conseillers conjugaux. Les professionnels formés en sexologie mais n'étant pas médecins seront plus volontiers qualifiés de sexothérapeutes bien qu'il ne leur soit pas légalement interdit d'utiliser le titre de sexologue.

D'ailleurs en pratique, les sociétés savantes que sont l'AIUS et la SFSC proposent des annuaires de sexologues qualifiés dans lesquels sont également référencés des thérapeutes qualifiés mais non médecins. De même, un médecin ayant validé son DIU peut se présenter comme un sexothérapeute s'il le souhaite.

Ces deux DIU sont donc des formations complémentaires d'une profession qualifiante initiale mais ne sont pas « professionnalisants ». Ils permettent d'acquérir un savoir-faire de qualité indispensable venant combler les lacunes des formations initiales dans le domaine de la sexualité. Ils s'appuient sur un programme national et ont pour but de donner les connaissances théoriques et cliniques permettant d’évaluer, diagnostiquer et prendre en charge une difficulté sexuelle.

Le programme d'enseignement, commun aux deux DIU, comporte quatre grands chapitres :

  • Les fondements de la sexualité humaine : histoire de la pensée sexologique, anthropologie et sexualité, éthologie, sociologie et sexualité, religions et sexualité, esthétique et sexualité.
  • Les bases sexologiques : biologie (anatomophysiologie, neurobiologie du désir et du plaisir, hormones et comportements sexuels), identité (développement psychosexuel de l'enfant, identité et orientation sexuelle, rôles masculins et féminins), cycles de vie (adolescence, reproduction, ménopause, andropause, vieillissement) et l'imaginaire et l'érotique.
  • Les connaissances cliniques : la consultation en sexologie (demande et symptôme, l'examen clinique, le bilan organique, la relation soignantpatient), les dysfonctions sexuelles (masculines : troubles de l'éjaculation, de l’érection, dyspareunies ; féminines : vaginisme, trouble de l'orgasme, dyspareunies ; du couple ; les troubles du désir), la psychopathologie (névroses, psychoses, psychopathies, paraphilies), le transsexualisme, les aspects organiques (interactions des pathologies organiques, anomalies anatomiques et organiques, troubles iatrogènes), les explorations organiques, les MST (maladies sexuellement transmissibles), handicap et sexualité, conceptions psychosomatiques de la sexualité.
  • Les approches thérapeutiques : les traitements (sexothérapies, traitements médicaux, chirurgicaux), l'évaluation thérapeutique, l'éthique en sexologie, le conseil, l'information et l'éducation objectifs de l'éducation sexuelle, le concept de santé sexuelle et le rôle de l'éducateur dans le conseil sexologique).

La réalisation et la validation d'un mémoire ainsi que le suivi d'un minimum d'heures de stages doivent être justifiés par l'étudiant pour valider son DIU de sexologie ou d'étude de la sexualité humaine. Ces stages consistent à participer à des consultations de sexologie avec des sexologues ou sexothérapeutes diplômés et expérimentés, en la réalisation d'ateliers et jeux de rôles permettant des mises en situation de consultation. Les médecins et non médecins qui préparent deux DIU d'intitulés différents suivent donc les mêmes cours et passent les mêmes examens. Il existe d'autres diplômes privés, non reconnus qui assurent toutefois une formation solide dispensée par des médecins ou psychologues sur 2 ou 3 ans, comme l'Institut de Sexologie (Diplôme d'Études Appliquées de sexologie, ouvert à toutes les professions de santé) ou l'Ecole de psychosexologie. D'autres organismes proposent des formations à distance, par correspondance. Ces formations ne sont donc pas reconnues par les instances de sexologie mais apparaissent pour autant en réponse lors d'une recherche internet « comment devenir sexologue »... Soulignons que quels que soient la formation ou le diplôme obtenu, il est primordial que le professionnel en sexologie veille à approfondir ses connaissances dans les domaines inhérents à cette spécialité (médical, psychologique, sociologique, anthropologique et légal).

Les trois niveaux d'intervention décrits en 1975 par l'OMS pour l'enseignement en sexologie sont l'information et l'éducation, le conseil ou counseling et la thérapie sexuelle. Le sexologue n'a donc pas comme seule prérogative de prendre en charge des patients présentant des difficultés sexuelles. Peu de travaux sociologiques ont été effectués sur la profession de sexologue en France.

Comme cela a été décrit précédemment dans ce travail le titre de sexologue n'est pas protégé, c'est pourquoi il n'y a pas d'obligation à adhérer à une organisation professionnelle. Mais de ce fait il est donc relativement difficile d'établir des données sociodémographiques concernant ces professionnels.

Une première enquête nationale a été réalisée en France en 1999 par l'Inserm. Dans cette première enquête sont interrogés les « sexologues » figurant sur les listes publiques et annuaires fournis par les principaux syndicats ou associations professionnels ainsi que les individus se présentant professionnellement comme sexologues (utilisation du guide médical « Rosenwald » rubrique sexologie et de l'annuaire téléphonique, pages jaunes rubriques sexologues). La qualification, la compétence, la formation ou la reconnaissance professionnelle n'ont pas été prises en compte dans la « sélection » des sexologues interrogés.

Une seconde enquête nationale a ensuite été menée en 2009 afin de décrire les évolutions du groupe professionnel des sexologues en activité en France. Cette fois le questionnaire a été adressé par courrier postal aux participants potentiels des Assises françaises de sexologie et de santé sexuelle. Même si les sexologues n'ont pas été sélectionnés de la même façon que lors de la première enquête, une fois encore les critères de formation ou de reconnaissance professionnelle par les pairs n'ont pas été pris en compte. Ceci étant ce sont ces travaux qui permettent le mieux de faire une évaluation de la profession de sexologue, au sens large du terme « sexologue ». En 2009, tout comme en 1999 les sexologues étaient en majorité des médecins. Ils représentent environ deux tiers des sexologues contre un tiers qui ont une formation initiale autre que médecin.

En revanche, en ce qui concerne le sexe des sexologues, le ratio homme-femmes s'est inversé au cours des dix années séparant les deux enquêtes. En effet, en 1999 les hommes représentaient 61 % des praticiens alors qu'en 2009 ce sont les femmes qui représentent la majorité (63 %). Cette féminisation de la population de sexologues en France rejoint la répartition observée dans d'autres pays : en Finlande et en Suède (presque 80 %), en Italie et au Royaume-Uni (2/3 de femmes). Il est intéressant de signaler qu'une nouvelle enquête sur la profession des sexologues est en cours (enquête INSERM/ FF3S2019). Les résultats préliminaires de cette enquête qui ont été présentés lors des Assises de sexologie et santé sexuelle en mars 2019 laissaient penser que le nombre de sexologues non médecins de formation initiale serait supérieur au nombre de médecins sexologues. De même, selon ces résultats préliminaires les femmes sexologues seraient toujours plus nombreuses que les hommes sexologues. J'insiste sur le fait que ces résultats n'étaient pas les résultats définitifs de cette enquête.

Les consultations de sexologie en tant que telles ne sont pas prises en charge par le régime obligatoire du système de santé. Cependant, selon le professionnel qui la réalise, une consultation peut néanmoins être cotée par le praticien. Un médecin sexologue pourra facturer une consultation dont le taux de remboursement est de 70 % du tarif conventionné, soit 25€. De même une sage-femme pourra facturer une « consultation sage-femme » (CSF) à 23€, tarif conventionné remboursé à 70 % mais uniquement pour les patientes. En effet, en tant que sage-femme de formation initiale, ce professionnel n'est pas censé prendre en charge un homme... Au total, seules les consultations effectuées par un sexologue dont la formation initiale permet la cotation d'une consultation prise en charge par le système de santé, pourront éventuellement permettre au patient un remboursement, au moins partiel, de sa consultation. Il apparaît, selon les 228 sexologues ayant répondu à une enquête menée en 2004 par le syndicat national des médecins, que la durée et le tarif idéaux d'une consultation de sexologie seraient de 40 minutes et 64€ pour une consultation individuelle, 60 minutes et 86€ pour une consultation de couple. Les consultations sont donc souvent tarifées en secteur 3, hors convention, ce qui s’explique par la durée de la consultation. (enquête disponible sur le site de la société française de sexologie clinique https://www.sfsc.fr/sfsc/sfsc0225.htm). Le coût d'une consultation est donc souvent libre et peut être influencé par le diplôme du thérapeute ainsi que par le lieu d'exercice, la renommée et l'expérience de ce dernier.

La sexualité humaine est à évaluer dans sa globalité.

En effet, la sexualité est souvent associée à la seule dimension biologique, alors qu’elle est influencée par l’interaction entre cinq dimensions :

  • Une dimension biologique : la santé sexuelle et reproductive ainsi que le fonctionnement du corps humain.
  • Une dimension psychoaffective : la satisfaction et l'affirmation de soi, l'expression des émotions et des désirs, le développement de l'imaginaire et de l'intimité.
  • Une dimension socioculturelle : pratiques culturelles et cadre juridique.
  • Une dimension relationnelle : la communication et la relation à l'autre.
  • Une dimension morale : les valeurs, les croyances et les principes.

Chacune de ces dimensions est individuelle. Les difficultés sexuelles pouvant être en lien avec une ou plusieurs de ces dimensions, il convient donc de faire une évaluation globale du patient afin de parvenir à déterminer ce qui est à l'origine de sa dysfonction. Ainsi, dans la plupart des cas un examen clinique, sera réalisé pour rechercher ou éliminer une cause organique. Cet examen ne pourra être réalisé pour tous les patients par le sexologue que si celui-ci est médecin. Les sagesfemmes sexologues seront également autorisées à pratiquer un examen clinique mais uniquement pour les patientes puisqu'elles ne sont pas compétentes en tant que sages-femmes pour examiner un homme. Les autres dimensions pourront être évaluées de la même façon quelle que soit la formation initiale du sexologue, à condition bien sûr qu'il ait suivi une formation reconnue assurant l'acquisition des compétences nécessaires, notamment dans le domaine de la psychologie.  En fonction du motif de consultation, du symptôme et de l'interrogatoire certains examens paracliniques peuvent être nécessaires pour éliminer une cause organique à la dysfonction. Dans ce cas, comme pour l'examen clinique, seul un sexologue médecin sera à même de les prescrire. Une fois le diagnostic posé une prise en charge adaptée sera proposée au patient.

Les prises en charge thérapeutiques en sexologie vont bien entendu dépendre, au moins en partie, du motif de consultation. Si l'origine du symptôme s'avère être organique, il est bien entendu que la prise en charge doit commencer dans ce cas par le traitement « purement médical » de la cause physique (infection, cause hormonale, ...). Des traitements médicamenteux sont disponibles pour la prise en charge de certaines dysfonctions sexuelles, notamment masculines. La dysfonction érectile et les difficultés de contrôle de l'éjaculation, deux motifs fréquents de consultation en sexologie, peuvent être améliorés par la prescription de traitements pharmacologiques. La prescription d'un médicament quel qu'il soit n'est possible que par un médecin sexologue. Toutefois le traitement pharmacologique isolé d'une dysfonction sexuelle, sans prise en compte des facteurs personnels et relationnels du patient est souvent source d'échec ou d'abandon de celui-ci malgré une efficacité initiale. L'autre proposition thérapeutique en sexologie est la réalisation d'une sexothérapie, forme spécialisée de thérapie qui vise à traiter les dysfonctions sexuelles. Il existe plusieurs types de sexothérapie qui ont une approche différente mais des éléments de prise en charge communs. Elles incluent un traitement émotionnel (travail sur l'image de soi, le stress, sur les peurs, sur la gestion des émotions négatives...), un traitement cognitif (correction des fausses croyances, la suppression des idées parasites, ect.) un travail comportemental et relationnel (relation à soi, à l'autre, travail sur la communication verbale, non verbale, sur la sensualité...) avec un but commun : permettre à l'individu ou au couple d'acquérir ou de retrouver une sexualité satisfaisante.

La sexothérapie d'approche cognitivo-comportementale vise à traiter les troubles sexuels en agissant sur les comportements et les idées qui nuisent à une sexualité épanouie. La difficulté sexuelle est donc considérée comme le problème à régler et non comme le symptôme d'une autre difficulté. Elle consiste en une information minutieuse sur la sexualité et un travail comportemental. Elle inclue la mise en place d’exercices permettant d'acquérir une meilleure connaissance des corps (corps propre et celui de l'autre). L'approche sexocorporelle s'inscrit dans le cadre des approches cognitivo-comportementales : grâce à des apprentissages corporels adéquats et à un travail de conscientisation, le patient apprend à corriger ses dysfonctions sexuelles et à développer ses habiletés sexuelles. L'approche psychodynamique- analytique est influencée par la psychanalyse pure qui considère les troubles sexuels comme l'expression de conflits inconscients antérieurs. Le trouble sexuel est donc un symptôme et sa résolution passe par la résolution des conflits internes de l'individu. Il en est de même pour l'approche sexo-analytique qui est focalisée sur l'inconscient sexuel. Ce type d'approche est toutefois moins long que les psychanalyses.

L'approche systémique part quant à elle du principe que les problèmes sexuels rencontrés sont un symptôme du dysfonctionnement du couple. L'objectif principal de ce type d'approche est donc de permettre d'identifier ce qui entretient la difficulté et de modifier la relation de couple pour la régler. La communication est donc un élément clé de thérapie. Les échanges entre les partenaires seront travaillés sur le plan verbal, non verbal et corporel. Les thérapies combinées quant à elles consistent à associer un traitement pharmacologique efficace à une sexothérapie. Elles permettent une meilleure efficacité de la prise en charge de certaines dysfonctions sexuelles car l'amélioration rapide obtenue par les médicaments permet de répondre à une certaine « urgence » exprimée par le patient qui sera alors plus disposé à suivre une sexothérapie dont le bénéfice ne sera pas aussi immédiat. Le choix du type de prise en charge qui sera proposée au patient sera donc dépendant à la fois de sa dysfonction sexuelle, de ses attentes, sa motivation et de la formation initiale du sexologue consulté.

La sexualité a de tout temps fait partie des préoccupations de l'humain. Pourtant le rapport à celle-ci a largement évolué. D'une époque où la sexualité était réprimée nous sommes passés à une période où la sexualité est omniprésente, les médias l'abordant largement sous toutes ses coutures. Il est assez facile de trouver des articles, des pages web, des livres, etc. traitant de l'épanouissement sexuel ou des traitements des problématiques sexuelles même si la qualité de ces derniers laisse parfois à désirer. Avoir une sexualité épanouie tout au long de la vie est quasiment devenue une obligation : nous sommes désormais arrivés dans une phase d'injonction au plaisir. Cependant, les dysfonctions sexuelles n'ont pas disparu pour autant. De nombreux individus rencontrent des difficultés sexuelles à un moment ou un autre de leur existence et en parler reste souvent difficile. La sexualité reste malgré tout un sujet tabou, personnel et donc délicat à aborder pour bon nombre de personnes. Les professionnels de la santé semblent être les interlocuteurs privilégiés pour les patients qui feraient la démarche d'évoquer leurs problématiques intimes. Seulement tous les professionnels de santé ne bénéficient pas d'une formation sur la sexualité dans leur cursus initial hormis l'enseignement de l'aspect reproductif et préventif dans ce domaine. Comment estimentils leurs connaissances pour répondre aux problématiques sexuelles de leurs patients ?

Dans le cas où « le confident » n'est pas à même de répondre à la demande il pourrait sembler relativement évident d'orienter, de conseiller une rencontre avec un sexologue, professionnel qui en principe semble être le plus apte et habitué à aborder la sexualité. Et si cette dernière reste un sujet délicat à aborder pour les patients, qu'en est-il pour les soignants ? Se sentent-ils à l'aise pour l'évoquer, que ça soit spontanément ou en réponse à une sollicitation ? La sexologie, dans sa dimension scientifique et thérapeutique est une discipline récente et de fait il en est de même pour le métier de sexologue.

Profession qui suscite des interrogations, des fantasmes, ... Il est assez aisé de trouver sur le net, moyen de recherche privilégié à ce jour, des informations sur la sexologie et les praticiens qui l'exercent. Seulement les réponses fournies par les moteurs de recherches renvoient souvent vers des articles peu fiables, des organismes de formation à distance, des thérapeutes proposant des alternatives thérapeutiques non reconnues, voire parfois loufoques... Sans compter les pages qui relatent les scandales relatifs à la profession, les dérives de ces professionnels ou de cette spécialité, et même malheureusement les affaires de moeurs mettant en cause certains de ces spécialistes... Entre les réactions observées à l'évocation de la formation en sexologie, les questions rencontrées sur la formation et la discipline elle-même, les fausses croyances et rumeurs qui l'entourent, dresser un bilan de ce que les professionnels de santé ont comme connaissance et vision de cette spécialité et des professionnels qui l'exercent semble intéressant.

Que savent-ils de la formation de sexologue ? Qui peut devenir sexologue ? Pour quelles motivations ? Qui sont les sexologues ? Les soignants sont-ils confrontés à des demandes d'aide en matière de sexualité de la part des patients ? Comment se sentent-ils pour y répondre ? Conseilleraientils une rencontre avec un sexologue ? Quel jugement portent-ils sur la sexologie ? Autant de questions auxquelles la réalisation de cette enquête a pour but d'apporter des réponses.

Hypothèses
hypothèse 1 :
La sexologie et les sexologues seraient plutôt méconnus par les professionnels de santé.
Hypothèse 2 : Les soignants seraient confrontés à des plaintes sexuelles de leurs patients et ne les orienteraient pas vers un sexologue.

Matériel et méthode
Le questionnaire a été élaboré en partant des questions fréquemment posées par des professionnels de santé rencontrés dans le cadre professionnel. Le questionnaire débute par une présentation brève du répondant : âge, profession, statut familial, mode d'exercice. Puis sont abordées leurs connaissances au sujet de la formation en sexologie en France : quelle formation ? combien de temps durent les études ? y a-t-il des stages à effectuer et de quel type ? pourquoi devient-on sexologue, qui sont les sexologues ? Enfin le répondant est interrogé sur la sexologie dans son quotidien professionnel : est-il sollicité pour des problématiques sexuelles par ses patients ? comment se sent-il pour y répondre ? oriente-t-il vers un sexologue ? la sexologie lui semble-t-elle utile ? Volontairement le questionnaire créé est relativement bref et ne comporte qu'une trentaine de questions. Les questions fermées et des échelles de notation auxquelles il est facile et rapide de répondre par de simples « clics » sont privilégiées. Ces choix sont motivés par le souci de ne pas rendre la participation trop chronophage augmentant ainsi les chances d'obtenir un nombre important de réponses et limitant l'abandon en cours de remplissage.

Une très importante majorité des professionnels de santé ayant participé à cette enquête déclarent être plutôt intéressés ou très intéressés par une formation en sexologie alors que moins d'un sur cinq déclare au contraire n'être pas ou peu intéressé. Les réponses obtenues à la première question sur la connaissance du concept de « santé sexuelle » sont pour le moins interpellantes ! Il est surprenant, peut-être même inquiétant, de constater que le concept de « santé sexuelle » défini par l'OMS en 1974 est encore actuellement ignoré par une majorité des professionnels de santé qui ont répondu à cette enquête. Sur le métier de sexologue, il semble qu'un certain nombre de points soient assez mal connus par les professionnels de santé, notamment les modalités d'accès à celui-ci.

En effet, en ce qui concerne la formation même si plus de 60 % des personnes interrogées pensent que la profession est accessible par l'obtention d'un diplôme universitaire, il est important de souligner que plus d'un tiers ont formulé une autre réponse, ce qui représente une proportion non négligeable. De plus, la durée de formation est largement sous-estimée par nombre d'entre eux (79 %), y compris par les personnes qui déclarent que la profession de sexologue est accessible par un diplôme universitaire. Toutefois il convient de rappeler que les 40 % qui ont comme idée que le métier peut être préparé par une autre formation ne sont pas totalement dans l'erreur puisqu'il est en effet possible, faute de cadre légal, de se déclarer sexologue quelle que soit la formation suivie en sexologie, voire même sans aucune formation... La nécessité de réaliser des stages pratiques semble en revanche être assez évidente pour les soignants interrogés, de même que la nature desdits stages puisque plus de 84 % pensent qu'ils consistent en l'observation de consultations de sexologie. Cependant, même s'ils ne représentent qu'une petite partie des répondants (67 sur 642 soit environ 10 %), certains soignants pensent que les stages du cursus consistent en l'observation des ébats sexuels de couples ou en l'apprentissage de nouvelles pratiques sexuelles... Il est légitime de se demander si cette proportion-là accorderait sa confiance aux soignants de la sexualité humaine...

Il ressort pourtant qu'assez peu de soignants pensent que les sexologues ont choisi cette spécialité pour assouvir leur curiosité personnelle (10 %), parce qu'ils seraient un peu vicieux voire obsédés (moins d'1 %) ou encore pour trouver une réponse à une problématique sexuelle personnelle (moins de 10 %). La confrontation à de nombreuses plaintes sexuelles de la part des patients et l'envie d'évoluer professionnellement sont les deux motivations principales à devenir sexologue selon les soignants qui ont répondu à cette enquête. Il semble important de noter que la proposition « parce qu’il y a beaucoup de demandes des patients sur la sexualité » a recueilli près de 80 % des réponses. Il est donc supposé que les participants qui ont formulé cette réponse ont pu faire ce constat au cours de leur exercice professionnel. La population pouvant prétendre à suivre la formation semble également être un élément mal connu. Pour rappel, en France, le métier de sexologue reconnu par les instances de sexologie n'est pas accessible sans formation initiale. Pourtant beaucoup des soignants sondés n'ont semble-t-il pas notion que certains professionnels peuvent prétendre à préparer le DIU de sexologie. En effet, seulement 5 des 9 professions concernées ont obtenu plus de 50 % de réponses. Ainsi il semble plutôt évident à notre panel de répondants que les médecins, psychologues, sages-femmes, infirmiers et conseillers conjugaux peuvent suivre cette formation pour obtenir ce diplôme. Par contre très peu d'entre eux semblent avoir connaissance que la formation est également ouverte aux kinésithérapeutes, psychomotriciens, pharmaciens et enseignants/éducateurs. En revanche, les données socio-démographiques des acteurs dans le domaine de la sexologie semblent être plutôt bien connues. La majeure partie des personnes ayant répondu à cette enquête pensent que les sexologues sont en majorité des femmes ce qui est effectivement le cas à l'heure actuelle. De même les sexologues « non médecins » seraient majoritaires, ce qui semblait effectivement se profiler selon les résultats préliminaires de la dernière enquête de 2019 menée par l'INSERM sur la profession de sexologue.

Les consultations de sexologie ainsi que certaines modalités de celles-ci, apparaissent également comme un peu floues pour une part non négligeable des soignants. En effet une grande majorité des professionnels de santé interrogés estiment que la possibilité de pratiquer un examen clinique ou de prescrire des traitements médicamenteux dépend de la profession initiale du sexologue consulté, ce qui est bien le cas. Malgré tout pour 18 % d'entre eux quand même, l'examen clinique est soit toujours soit jamais réalisable par le sexologue quelle que soit sa formation de base. De même, en ce qui concerne une éventuelle prise en charge par la sécurité sociale, les conditions ne semblent pas évidentes pour les répondants.

A peine la moitié estime que la consultation pourra être remboursée en fonction du praticien qui l'effectue. Au cours de leur activité professionnelle quotidienne, sur les 642 acteurs de santé qui ont participé à l'enquête, seulement 132, soit 21 %, ont déclaré ne jamais être confrontés à des plaintes sexuelles de la part de leurs patients. Ce qui représente une très large minorité. Même si ces plaintes ne sont pas forcément fréquentes pour les autres, cela met en évidence que les soignants ont à y faire face et devraient donc y être préparés car ces demandes doivent être prises en considération. De même, plus de la moitié des répondants déclarent être également sollicités par leur entourage au sujet de la sexualité. Pourtant, il ressort de l'enquête que seulement 51 % des participants se sentent à l'aise pour parler de sexualité, l'autre moitié se sentant de moyennement à l'aise à très mal à l'aise. Par ailleurs, à peine plus de la moitié (52 %) se déclare prête à faire part de ses propres difficultés sexuelles le cas échéant. Aborder la sexualité semble donc n'être ni aisé ni une évidence pour les professionnels de santé et ce qu'ils soient « coté soignant » ou « coté patient ».

L'auto-évaluation des professionnels interrogés sur leurs connaissances en matière de sexualité mérite également d'être mise en lumière. Moins de 4 % les jugent totalement suffisantes et 23 % à peu près suffisantes. Ce qui signifie donc que près des trois quarts des professionnels de santé de cette enquête estiment leurs connaissances de moyennes à totalement insuffisantes pour évoquer la sexualité avec leurs patients. Ce constat pose question... La formation des personnels soignants en France devrait-elle être renforcée dans ce domaine ?

Cependant, une discordance peut être mise en évidence puisque malgré ces résultats seulement 14 % des soignants déclarent s'être souvent retrouvés démunis face à la plainte sexuelle d'un patient. Pour 45 % d'entre eux cela s'est déjà produit mais rarement et enfin 40 % déclarent ne s'être jamais retrouvé dans cette situation !

Malgré tout, presque les 3/4 des personnes interrogées déclarent qu'elles auraient le réflexe de conseiller à leur patient une rencontre avec un sexologue s'il leur faisait part d'une difficulté sexuelle. Ces professionnels qui déclarent adresser à un sexologue le cas échéant le feraient principalement parce qu’ils estiment qu'ils ne sauraient pas gérer seuls (38 %) et que « à chacun son métier » (34 %). La sexologie serait donc considérée comme une spécialité à part entière, au même titre que d'autres spécialités médicales. Moins de 3 % adresseraient le patient car il n'aiment pas aborder le sujet de la sexualité. Le sexe du sexologue vers qui les soignants enverraient leur patient ne semble pas revêtir d'importance pour plus de 82 % d'entre eux. Les autres auraient en revanche tendance à orienter leur patient vers un sexologue du même sexe que ce dernier.

Un peu plus d'un quart des participants à l'enquête déclarent qu'ils n'orienteraient pas vers un sexologue, du moins pas de façon réflexe, un patient qui livrerait une difficulté sexuelle. La principale explication évoquée pour justifier cette absence d'orientation est le fait qu'ils ne connaissent pas de sexologue. Il semblerait donc nécessaire que les professionnels de santé élargissent leurs réseaux afin de pouvoir y inclure un sexologue. Les autres raisons comme le coût d'une consultation de sexologie et l'éloignement géographique ne représentent qu'une petite proportion des arguments avancés. Il est toutefois à déplorer que 2,6 % n'adresseraient pas par manque de confiance...

En revanche, il est encourageant de constater que la sexologie est considérée comme une spécialité très utile pour près de 40 % des professionnels de santé ayant participé à cette enquête et plutôt utile pour plus de 44 %. Au total 84 % des participants reconnaissent donc un intérêt à la sexologie. De même, moins d'un quart des soignants sondés estiment qu'une rencontre avec un sexologue, quel que soit le moment de leur existence, ne leur aurait rien apporté. Une large majorité considère au contraire que cela aurait pu leur être bénéfique, que ce soit pour répondre à leurs interrogations (32 %), pour recevoir des informations éclairées (34 %) ou pour les rassurer (24 %).

Conclusion
il ressort de cette étude qu'il existe effectivement certaines zones d'ombre sur la profession de sexologue. Les modalités d'accès au métier, les actes autorisés ou non, les conditions de prise en charge des consultations sont autant de points qui ne semblent pas être bien connus par les acteurs de santé interrogés dans cette enquête. Malheureusement une majorité des professionnels de santé ayant participé à cette enquête n'ont pas connaissance du concept de santé sexuelle bien qu'ils déclarent être confrontés eux-mêmes dans leur exercice quotidien à des plaintes sexuelles de la part des patients. De plus ils n'estiment pas leurs connaissances sur la sexualité totalement suffisantes et admettent ne pas se sentir très à l'aise pour faire face à ces demandes. Cela soulignerait-il la nécessité de renforcer les formations initiales des personnels de santé dans le domaine de la sexologie ? Une majorité des soignants interrogés déclarent donc qu'ils orienteraient volontiers vers un spécialiste de la sexualité humaine. Cependant une proportion non négligeable n'en aurait pas le réflexe, faute d'en connaître.
Il apparaît suite à ce travail que la plupart des soignants jugent la sexologie comme une spécialité utile. Beaucoup déclarent également être plutôt intéressés par une formation dans ce domaine, confirmant ainsi leur ressenti sur l'insuffisance de leurs connaissances dans ce domaine pour accompagner au mieux leurs patients.
La sexologie semble donc être plutôt bien perçue par les soignants mais les sexologues ne semblent pas être suffisamment présents dans les réseaux professionnels de leurs collègues. Est-ce un problème de visibilité ou de nombre de ces professionnels ? De plus, l'absence de cadre légal autour de ce métier, sur l'utilisation du titre de sexologue, permettant la pratique de la sexologie même sans être en possession du seul diplôme reconnu par les instances de la discipline pourrait-il être une explication au fait qu'il subsiste autant de méconnaissances sur le métier de soignant de la sexualité humaine ? Un contrôle plus rigoureux des formations des personnes pouvant se permettre de pratiquer la sexologie permettrait-il de mieux discerner les compétences des uns et des autres ? Un sexologue ne pourrait être qu'un médecin titulaire du DIU officiel, un sexothérapeute serait un professionnel non médecin mais titulaire du DIU reconnu en sexologie... Les personnes ayant bénéficié d'autres formations ne pourraient légalement être qualifiées ni de l'un ni de l'autre de ces titres ? Ou la profession pourrait-elle évoluer comme dans certains autres pays pour devenir un métier « à part entière », c'est-à-dire sans avoir de formation initiale ?
Une des personnes ayant répondu au questionnaire s'est déclarée sexologue. Comme elle n'avait pas renseigné d'autre profession que celle-ci sa participation n'a pas été retenue puisqu'elle ne remplissait peut-être pas les critères d'inclusion à l'enquête. Dans ses réponses cette personne a indiqué que la durée des études étaient d'un an et que les stages consistaient en l'apprentissage de pratiques sexuelles et l'observation des ébats sexuels des couples… Exemple qui illustre que tout existe derrière ce titre et qu'il n'est peut-être pas surprenant que les soignants eux-mêmes soient un peu perdus...

Dr Juliette BAYART

Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°32

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Publié le 1653378086000