Sexisme, les internes témoignent

Publié le 11 May 2022 à 15:13

 

Un malaise bien présent : les jeunes femmes ont demandé que leur anonymat soit respecté.

Aude
Interne 8e semestre
Paris
Combien de fois les patients m’ont interrompue en me demandant quand viendrait le médecin alors que cela faisait déjà 10 ou 15 minutes que je leur parlais de leur prise en charge, de leur ordonnance et que je m’étais bien présentée comme leur médecin interne ! Les chefs ne nous aident pas toujours, je me souviens de l’un d’entre eux qui, lors d’une visite à un patient lui a dit : « Voici la jolie jeune femme qui va s’occuper de vous ». Pas un mot sur mes qualifications d’interne ou de médecin… Quant aux allusions des chefs sur ma tenue vestimentaire, elles m’agacent. Que l’on me fasse des remarques sur mes compétences, pas sur la longueur de ma jupe ! C’est décevant quand cela vient de chefs que j’estime par ailleurs…

Romain
Interne 4e semestre
Bordeaux
Je n’ai pas l’impression que le sexisme soit plus important dans le milieu médical que dans d’autres professions, je pense notamment à la politique. Toutefois, il faut remarquer que les postes de chef de service sont encore, en majorité, détenus par des hommes. Avec la parité actuelle à l’internat, j’espère que ces postes vont aussi s’ouvrir pour les femmes attirées par une carrière hospitalo-universitaire. Quant à l’humour carabin, il ne faut pas tout mélanger. Les salles de garde, les affiches de soirées de médecine ont, c’est vrai, un caractère sexuel où les deux genres sont représentés. Car les filles aussi savent en jouer ! Par contre, quand un médecin fait une blague à l’encontre d’une interne et qu’il est le seul à en rire, ce n’est plus une blagu.

Agathe
Interne 7e semestre
Le sexisme le plus violent, je l’ai connu pendant mon externat. Je me souviens d’une journée où nous avions travaillé non-stop avec mon chef de clinique de 7 heures à 14h30. Pour déjeuner, il m’a proposé de manger un sandwich dans son bureau, la cantine étant fermée. Je ne voyais rien de mal ni de « suspect » dans cette proposition. Alors que nous avions commencé à manger, j’ai reçu un appel d’une amie, elle avait besoin de mon écoute. Pendant cet appel, le chef en a profité pour me faire un baiser sur la nuque et passer la main sous la blouse ! Je l’ai tout de suite repoussé. Je pensais que le signe était assez clair. Mais non, il a recommencé, il insistait. Je suis partie du bureau. La situation pendant le stage est restée tendue. Je n’ai pas pensé, alors, à porter plainte. Aujourd’hui, je suis mère et je me sers de ce statut comme une barrière. J’essaie de faire oublier que je suis une femme : je porte à dessein une blouse deux fois trop large, boutonnée de haut en bas.

Margot
Interne 2e semestre
Paris
Je me souviens d’un stage en gynéco. Dès la première garde, les autres internes m’ont prévenu et j’ai recadré ce chef tout de suite, après cela s’est bien passé. Il faisait toujours passer ses allusions sous le couvert de l’humour… Cette enquête de l’ISNI c’est une bonne chose, il est nécessaire d’en parler. Le milieu carabin a toujours été graveleux, comme une barrière de protection face à tout ce que l’on côtoie. Mais à partir du moment où c’est offensant pour un genre, ce n’est pas normal et n’est plus de l’humour.

Benjamin
Interne 2e semestre
Charleville-Mézières
En tant qu'homme, j'ai la chance de ne pas subir de sexisme dans ma spécialité par mes co-internes ou de la part de chefs. Par contre, j’ai des remarques de la part des patientes. Dans le cadre des urgences, les patientes sont prévenues que ce sera un homme qui les examinera. Certaines refusent, remettant en cause mes compétences sous le prétexte que je n’ai pas les mêmes organes génitaux qu’elles. Ce sont surtout les plus jeunes, entre 20 et 30 ans qui sont les plus critiques alors que je ne me souviens pas de remarques de femmes plus âgées.

Céline
Interne 5e semestre
Chambéry
Je n’ai pas vécu ou été témoin de comportement sexiste pendant mon internat. En revanche, pendant mon externat, je me souviens d’un stage en chirurgie où les chirurgiens abusaient de l’humour graveleux. Ils ne s’en excusaient même pas, comme si c’était « normal ». Leur comportement, leur suffisance aussi, ne m'ont pas incitée à aller vers la chirurgie. Tout au long de nos stages, nous ne sommes pas marqués seulement par l’aspect technique de telle spécialité mais aussi par le contexte : les horaires, la charge de travail, le relationnel avec l’équipe médicale…

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°18

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