Introduction
Malgré les progrès importants de prise en charge, le sepsis reste une des principales causes de mortalité d’origine infectieuse tant en médecine ambulatoire qu’en milieu hospitalier chez le patient âgé. Sa mortalité varie de manière importante selon les séries, de 17 % à près de 40 % pour les chocs septiques. Chez le sujet âgé, la fréquence du sepsis est élevée et le pronostic généralement plus sévère. A l’installation d’une immunosénescence, c’est-à-dire l’altération des défenses immunitaires liées à l’âge, s’ajoute le manque de réserves physiologiques à l’origine de la dégradation rapide des fonctions vitales. Bien souvent, cette prédisposition aux formes graves se cumule avec un retard diagnostique lié au caractère pauci-symptomatique ou aspécifique des états septiques graves, masqués par les comorbidités associées et surtout par l’appauvrissement sémiologique lié à l’âge. L’enjeu de la prise en charge chez le sujet âgé est donc multiple : diagnostiquer précocement les patients en sepsis ou susceptibles de le devenir, débuter une prise en charge du sepsis adaptée aux spécificités du sujet âgé, prévenir ou prendre en charge précocement les décompensations de comorbidités préexistantes, et envisager, le cas échéant, une limitation thérapeutique selon les objectifs de soins de chaque patient.
Sepsis et choc septique : les définitions actuelles
Sur le plan physiopathologique, le sepsis se définit comme une réponse inflammatoire inappropriée à une infection, le plus souvent bactérienne, conduisant à une ou plusieurs défaillances d’organes.
Cependant, la transcription de cette définition physiopathologique en une définition fonctionnelle en pratique clinique est difficile. Cela est particulièrement vrai chez le sujet âgé, en raison du caractère fruste de certains symptômes à un âge avancé, des comorbidités pouvant interférer avec le tableau clinique de sepsis, ainsi que de la polymédication masquant ou aggravant les symptômes (ß-bloquants, anti-inflammatoires et antipyrétiques notamment. Le sepsis et le choc septique ont connu plusieurs définitions au cours du temps. De nouvelles définitions internationales ont été proposées en 2016 afin d’identifier plus précocement au cours de l’infection, les patients à risque d’évolution défavorable1. L’appréciation de ce risque est basée sur des marqueurs précoces de défaillance d’organe, reproductibles et utilisables en pratique courante. Le score SOFA (Sequential Organ Failure Assessment Score), chez des patients suspects d’infection évolutive, est un score pronostique qui repose sur l’évaluation de six items : fonction neurologique score de Glasgow), respiratoire (Rapport de la pression artérielle partielle en O2 sur la fraction d’O2 inspiré), hépatique (bilirubinémie), hémodynamique (pression artérielle moyenne, recours aux amines vasoactives), rénale (créatininémie, diurèse) et coagulation (taux de plaquettes).
Le sepsis est donc défini de façon pragmatique comme un état inflammatoire d’origine présumée infectieuse avec une ou plusieurs défaillances d’organes, appréciées par un score SOFA ≥ 2 (Figure 1)1. Il s’agit donc d’une définition basée sur un score pronostique mais qui nécessite une présomption clinique d’infection évolutive. Cet aspect étiologique n’est pas abordé par le consensus, pourtant l’attribution d’une origine infectieuse à un état inflammatoire n’est pas toujours chose aisée, en particulier chez le sujet très âgé.
Sepsis = Suspicion clinique d’infection
+
dysfonction d’organe (SOFA ≥ 2)
Figure 1 : Définition pratique du sepsis1
En pratique clinique, hors milieu de réanimation, ce score parait difficilement utilisable à large échelle au quotidien. Un outil plus simple, le quick SOFA (qSOFA) a donc été proposé comme outil de dépistage pour identifier les patients les plus à risque d’évolution défavorable au cours d’un état inflammatoire présumé infectieux (Figure 2). Cette évaluation permet d’identifier rapidement les patients à risque, et doit être confirmée secondairement par la réalisation du score SOFA. Comme rappelé par les dernières recommandations internationales sur la prise en charge, le qSOFA ne peut pas être pris isolément comme outil de dépistage, du fait notamment de sa faible sensibilité, mais bien être un outil intégré à la réflexion clinique2.
La valeur pronostique du qSOFA reste modérée chez le sujet âgé, probablement moins bonnes que chez le sujet jeune, variables selon les études. Il a été proposé récemment un geriatric quick SOFA qui remplace le score de Glasgow, peu spécifique d’une altération aiguë, par la présence d’une confusion3.
Remarque importante, les scores SOFA et qSOFA sont des scores bâtis pour la prédiction de la mortalité à court terme, chez des patients pour qui une infection bactérienne est suspectée. Ainsi, ce ne sont pas des scores diagnostiques mais pronostiques, ils ne permettent pas de dire si une situation clinique est liée à une origine infectieuse ou non.
Fréquence respiratoire ≥ 22/min (1 point)
+
Glasgow score < 15 (1 point)
+
Pression artérielle systolique ≤ 100 mmHg (1 point)
Figure 2 : Quick Sequential Organ Failure Assessment (qSOFA) Score : Un outil de dépistage des patients les plus à risque d’évolution défavorable au cours d’un état inflammatoire présumé infectieux, hors réanimation1.
En cas de défaillance hémodynamique objectivée par une hypotension artérielle persistante (pression artérielle moyenne < 65 mmHg) ou un lactate sanguin > 2 mmol / L ne répondant pas à un remplissage initial bien conduit, on parle alors de choc septique
Spécificités gériatriques
Sur le plan physiopathologique, une réponse immunitaire inadaptée, consécutive à l’immunosénescence, est souvent évoquée pour expliquer la plus grande incidence du sepsis chez le patient âgé. L’altération des défenses immunitaires liée à l’âge pourrait expliquer la susceptibilité accrue des patients âgés à l’infection, à son développement systémique et à son évolution péjorative.
Toutefois, le vieillissement immunitaire n’est pas seul en jeu. L’âge d’une part, mais aussi les pathologies chroniques liées à l’âge, prédisposent largement aux décompensations d’organes qui définissent le sepsis, suivant le modèle gériatrique de Bouchon. L’infection est en effet un des facteurs déclenchants les plus fréquents de décompensation de comorbidités, antérieurement dépistées ou non.
En pratique clinique, la difficulté de la prise en charge du sepsis chez le sujet âgé tient à trois facettes spécifiques du grand âge : 1) les aspects diagnostiques, 2) la prise en charge adaptée du sepsis et 3) une prise en soins plus globale, incluant l’évaluation du niveau d’intervention médicale adéquat, la prévention, le diagnostic et la prise en charge des décompensations de comorbidités
Aspects diagnostiques
Les difficultés diagnostiques dues à une symptomatologie fruste et aspécifique sont habituelles en Gériatrie, et dépasse le cadre de l’infection. L’absence de fièvre augmente en fréquence avec l’âge, quel que soit le site infecté4-6. Les frissons sont plus rares en cas de bactériémie, la douleur thoracique moins fréquente en cas de pneumonie. La triade toux fièvre- dyspnée est absente dans près d’une pneumonie sur deux7. Une étude récente portant sur des bactériémies à point de départ urinaire ne retrouvait des signes fonctionnels urinaires typiques que chez un tiers des patients5. Les signes cliniques sont moins spécifiques que chez le sujet plus jeune (chute, état confusionnel, anxiété, altération de l’état général, incontinence nouvelle)6. Malheureusement, ces atypies sémiologiques sont corrélées à un pronostic péjoratif (Figure 3)4. Elles témoignent d’une altération des capacités de défense de l’organisme, immunitaires (immunosénescence) et non immunitaires. De plus, les comorbidités acquises sont autant de facteurs confondants et de piège diagnostique : L’insuffisance cardiaque décompensée peut facilement dissimuler une infection pulmonaire, l’état cognitif altéré complique largement le recueil de l’anamnèse et des symptômes.
Figure 3 : Corrélation entre température à l’admission et mortalité intra- hospitalières chez le patient de plus de 75 ans hospitalisé pour sepsis (données personnelles).
Ces difficultés peuvent parfois conduire à un retard de prise en charge. A l’inverse, cette présentation aspécifique peut faire évoquer à l’excès l’infection comme cause de dégradation aiguë, cela conduisant à deux écueils principaux : une sur-prescription antibiotique avec ces enjeux individuels et collectifs d’une part, et la méconnaissance du ou des diagnostics réellement responsables de l’état clinique.
Cela est particulièrement vrai lorsqu’un examen paraclinique est pris isolement à tort comme gold standard diagnostique, là où il ne devrait être qu’un outil de confirmation d‘une présomption clinique. Par exemple, la radiographie de thorax et l’examen cytobactériologique des urines ne permettent pas isolément d’affirmer une infection, leurs interprétations dépendent de la probabilité pré-test de l’infection.
Aspects thérapeutiques
Les grands principes de prise en charge du sepsis ou du choc septique chez le sujet âgé diffèrent peu de l’adulte jeune. La précocité de l’antibiothérapie et une réanimation liquidienne et hémodynamique, basée sur le rétablissement d’une perfusion tissulaire adéquate rapide, sont également applicables chez le sujet âgé.
L’apport du gériatre consiste en une appréciation fine et précoce de la gravité clinique, de la probabilité diagnostique d’infection, et du risque de décompensation de comorbidités, trépied décisionnel de l’antibiothérapie.
L’évaluation préalable du pronostic vital ainsi que de la qualité de vie à long terme permettront d’établir le niveau d‘intervention médicale et le lieu de soin appropriés.
Remplissage vasculaire
Le remplissage vasculaire est la pierre angulaire du traitement de l’hypoperfusion induite par le sepsis (hypotension artérielle, tachycardie, signes d’hypoperfusion tissulaire : marbrures cutanées, allongement du temps de recoloration capillaire, oligurie) : Les dernières recommandations internationales préconisent un remplissage vasculaire urgent par cristalloïdes d’au moins 30mL/kg sur les trois premières heures2. Celui-ci vise à préserver la pression de perfusion des organes et ne devrait pas être retardé par des considérations telles que le grand âge ou les comorbidités, notamment cardiologiques, ou même par la présence d’œdèmes périphériques8. Le mécanisme physiopathologique de l’hypoperfusion liée au sepsis est la vasoplégie et la fuite capillaire, responsable d’une diminution de la précharge.
En cas de doute clinique, l’utilisation de l’échographie au lit du malade permettra de s’assurer de l’absence d’augmentation des pressions de remplissage, marqueur d’une origine cardiogénique aux signes d’hypoperfusion. En l’absence d’échographie, l'effet du remplissage vasculaire peut être prévu par un test de lever de jambe passive, permettant alors la mobilisation d'un volume sanguin veineux périphérique vers l'atrium droit. En cas de non réponse (moins de 10 % d’augmentation de la pression artérielle systolique après élévation passive des jambes, angle de 45° avec le plan du lit, maintenu pendant 1 minute), ce test simple permettra de prédire la réponse à un remplissage d’environ 300mL et ainsi d'éviter un remplissage inutile8.
La non réponse à ce remplissage initial, appréciée soit par une pression artérielle basse persistante (pression artérielle moyenne < 65mmHg), soit par une hyperlactatémie > 2mmol/L, définit l’état de choc septique, et nécessite l’utilisation d’amines vasoactives (Noradrénaline). La prise en charge de tels patients relève du réanimateur, hors situation de limitation du niveau d’intervention médicale.
Antibiothérapie
L’antibiothérapie du sujet âgé connait peu de spécificités en termes de molécules, et les recommandations d’antibiothérapie probabiliste dans le sepsis sont les mêmes que chez le sujet jeune (Tableau 1). Si l’âge en soi est un critère d’antibiorésistance, c’est une question débattue, mais il semble que ce soient davantage les comorbidités et les expositions antérieures au système de soin et aux antibiotiques qui doivent être prises en compte.
Une fois le sepsis microbiologiquement documenté, certaines adaptations thérapeutiques sont préférables chez le très âgé pour minimiser les effets secondaires (par exemple, préférer la daptomycine, non néphrotoxique, à la vancomycine pour le traitement des infections à staphylocoque doré méticilline-résistant, préférer l’association amoxicilline + céphalosporine à l’association amoxicilline + gentamycine pour les endocardites à entérocoque) et limiter autant que possible l’impact de l’antibiothérapie sur le microbiote du patient, à la fois par une antibiothérapie a spectre le plus ciblé possible, mais également aussi courte que possible. De manière générale, hors cas spécifiques, il est inhabituel de devoir prolonger une durée d’antibiothérapie plus de 7 jours si l’évaluation du sepsis est favorable9 et l’âge pris isolément ne devrait pas être un critère de prolongation.
Sepsis urinaire Céfotaxime ou ceftriaxone + amikacine (dose unique)10 Sepsis pulmonaire Céfotaxime ou ceftriaxone + macrolides ou lévofloxacine11 Sepsis communautaire à point de départ indéterminé Céfotaxime ou ceftriaxone + gentamycine (dose unique)12Tableau 1 : Antibiothérapie probabiliste des sepsis selon le point d’appel
Trois critères essentiels vont faire décider de l’introduction ou non d’une antibiothérapie en population âgée (Figure 4) :
La gravité, qui s’apprécie à la fois sur l’évaluation hémodynamique (le patient est-il en choc ?) et sur les éventuelles insuffisances d’organes (intérêt du SOFA en hospitalier, du qSOFA en pré-hospitalier). Toutefois ni le qSOFA, ni le SOFA ne sont parfaitement sensibles pour dépister ces défaillances d’organe. Le sens clinique doit l’emporter : on peut raisonnablement sur une aggravation clinique objective craindre un sepsis et débuter une antibiothérapie probabiliste, même sans répondre strictement aux critères de sepsis. Toutefois, cette appréciation doit rester clinique. Une erreur fréquente est de considérer un patient grave car le syndrome inflammatoire est important : la profondeur du syndrome inflammatoire biologique ne semble pas corrélée au pronostic13.
Le terrain sous-jacent. La tolérance clinique du sepsis et les complications à craindre dépendent largement des comorbidités sous-jacentes. La gestion de l’incertitude diagnostique doit donc intégrer le risque pris en cas de sepsis non traité ou traité avec retard, sur deux aspects :
- Les pathologies chroniques peuvent-elles aggraver la présentation initiale (par exemple, immunodépression liée à une néoplasie évolutive) ?
- Quelles pathologies chroniques sont à risque de décompenser (par exemple l’insuffisance respiratoire chronique, la coronaropathie sous-jacente, les troubles neurocognitifs majeurs) ? À quel point ces décompensations impacteraient le pronostic ?
La probabilité diagnostique. En dehors des situations de bactériémies documentées, les cas d’infections bactériennes certaines sont bien rares en réalité : il s’agit le plus souvent d’un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques qui permettent d’évaluer une probabilité.
L’utilisation d’une définition pratique du sepsis basée sur un score prédictif comme le SOFA ou a fortiori le qSOFA, correspond à un besoin évident en pratique clinique, mais ne doit pas connaître une application dogmatique : il y a des infections graves qui ne correspondront pas à ces critères et des cas de SOFA élevé qui rétrospectivement ne seront pas en rapport avec une infection bactérienne.
Figure 4 : Critères décisionnels de l’antibiothérapie du sujet âgé.
Dans les dernières recommandations internationales, pour les patients à probabilité forte de sepsis d’une part, et pour les patients en état de choc avec une origine septique possible d’autre part, une antibiothérapie doit être débutée le plus précocement possible, si possible dans l’heure2. Au contraire, en cas de présomption faible et en absence de choc il est recommandé de retarder l’antibiothérapie et de poursuivre les investigations et la surveillance clinique. Tout réside donc d’une part dans l’appréciation de la gravité (choc / non choc, décompensation d’organe ou non) mais aussi dans l’évaluation de la probabilité que l’état aigu décompensé soit lié à une infection (Tableau 2).
État de Choc Pas d’état de choc Sepsis avéré ou probable (infection + QSOFA>2) Antibiothérapie immédiate Antibiothérapie immédiate Sepsis possible Rapide évaluation de l’origine septique ou non de l’état aigu Antibiothérapie dans les 3 heures si présomption d’infection persiste. Surveillance et abstention antibiotique si autre cause retrouvéeTableau 2 : Instauration de l’antibiothérapie en fonction du tableau clinique en cas de suspicion de sepsis (adapté de Evans et al.2)
Lieu de prise en charge
Le sepsis et le choc septique du sujet âgé doivent être considérés comme à haut risque de mauvaise évolution chez un patient aux réserves physiologiques souvent limitées. En raison du caractère aigu et souvent rapidement réversible du sepsis, une prise en charge en soins intensifs est malgré tout envisageable pour bon nombre de patients âgés, avec une évolution souvent favorable. La mise en place de moyens intensifs, chez des patients âgés sélectionnés, augmente leur survie de manière significative14. L’âge isolément ne saurait donc être un facteur d‘exclusion de transfert en réanimation, il s’agit en effet d’un mauvais critère pronostique15 et une telle ségrégation relève dès lors de l’âgisme. Pour que de tels critères ne soient pas employés, c’est à nous gériatres d’en proposer de plus pertinents, intégrant à la fois les véritables critères pronostiques à court et long terme, mais aussi la qualité de vie attendue. Les critères d’admission en réanimation, et plus globalement du niveau d’intervention médicale, sont toutefois difficiles à établir, en particulier dans l’urgence. Une réflexion préalable est nécessaire, idéalement collégiale et intégrant le désir du patient, au mieux exprimé par lui-même à travers un entretien direct ou des directives anticipées, à défaut retranscrit par ces proches. L’usage d’échelles d’intervention médicale, dont un exemple est fourni en Figure 5, permettra de formaliser cette réflexion.
Les unités de soins intensifs gériatriques, encore peu développés, semblent pourtant une bonne option pour des patients âgés chez qui une prise en charge réanimatoire (intubation orotrachéale, épuration extra-rénale) ne semble pas envisageable ou non indiquée mais pouvant répondre de manière favorable à une réanimation volémique et hémodynamique, dans un environnement habitué aux spécificités diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques du grand âge.
NIVEAU I : RÉANIMATION
Aucune limitation de moyens diagnostiques ou thérapeutiques, y compris recours au massage cardiaque et au transfert en Réanimation.
NIVEAU II : MUTATION SOINS INTENSIFS – MCO
Se donner les moyens techniques, diagnostiques et thérapeutiques adaptés à la personne (hors recours à la Réanimation).
- NIVEAU II A : Possible mutation en secteur de Soins Intensifs (Cardio, Pneumo, Néphro, Gastro, Neuro), mais sans recours à un secteur de Réanimation ni intubation (ex : hémorragie digestive, coronarographie pour Sd coronarien aigu, VNI pour détresse respiratoire, UNV pour AVC).
- NIVEAU II B : Mutation possible en service de médecine ou de chirurgie, recours possible au plateau technique du CHU à visée diagnostique ou thérapeutique (ex : gastroscopie, scanner, pose de VVC).
NIVEAU III : SUR PLACE
Tenter de passer un cap aigu sur place (maintien dans l’unité, sauf en cas de fracture hyperalgique nécessitant une chirurgie orthopédique).
- NIVEAU III A : Recours à des gestes « invasifs » à envisager (ex : perfusion pour une courte durée, prises de sang raisonnées, VNI sur place).
- NIVEAU III B : Recours à des gestes « invasifs » à éviter (arrêt des traitements préventifs au long cours type anticoagulants, arrêt des prises de sang et des examens complémentaire). Pansements « de confort », alimentation plaisir à privilégier, perfusion sous-cutanée non systématique et seulement pour le confort. Une antibiothérapie empirique peut s’envisager pour le confort du patient.
NIVEAU IV : FIN DE VIE
Accompagner la fin de vie dans le service : ne traiter que les symptômes d’inconfort (pas de prise de sang, pas de surveillance de constantes, pas de traitement autre que pour soulager l’inconfort, pas d’hydratation en perfusion ; pas d’alimentation, sauf cas exceptionnel où le patient le désire).
- Parler de sepsis devant une fièvre isolée.
- Révoquer le sepsis du fait de l’absence de fièvre.
- Parler de sepsis face à un syndrome inflammatoire biologique important.
- Parler de « syndrome fébrile », de « syndrome infectieux » ou de « syndrome septique » au lieu de verbaliser le doute diagnostique.
- Retarder l’antibiothérapie du sepsis pour réaliser des prélèvements microbiologiques.
•Limiter le remplissage vasculaire en cas d’hypoperfusion liée au sepsis, devant des antécédents cardiologiques.
- Récuser le patient septique pour des soins réanimatoires sur des critères d’âge.
Figure 6 : Erreurs fréquentes dans la prise en charge du sepsis du sujet âgé.
Prévention des complications
L’enjeu de la prise en charge du sepsis du sujet âgé, une fois la phase initiale passée, est la détection et la prise en charge, ou mieux encore l’anticipation et la prévention des décompensations et de comorbidités. L’évaluation clinique gériatrique a donc là toute sa place. Cette évaluation doit être globale, systématique (Tableau 3) et précoce - idéalement dès la phase aiguë - car l’efficacité est conditionnée par la rapidité des mesures préventives ou correctives (lutte contre la iatrogénie, verticalisation précoce, ablation de sonde urinaire, etc.).
Cela est particulièrement vrai sur le plan cardio-vasculaire. L’insuffisance cardiaque, mais également les événements ischémiques et thrombo-emboliques conditionnent le pronostic à moyen terme16. Il existe notamment des infarctus du myocarde post-infectieux, majoritairement fonctionnels c’est-à-dire liés à l’augmentation brutale des besoins en oxygène sans phénomène athérothrombotiques (infarctus dits de type 2).
Ces phénomènes surviennent habituellement sur des terrains prédisposés (athérosclérose, rétrécissement aortique serré, tachyarythmie atriale, etc.)17.
Le sepsis est également fréquemment responsable de confusion, d’autant plus que le terrain est prédisposé, mais aussi d’aggravation durable de troubles neurocognitifs touchant jusqu’à près de 30 % des patients âgés de plus de 80 ans au décours du sepsis18.
Plus de 70 % des patients de plus de 80 ans présentent une perte significative d’indépendance dans l’année suivant le sepsis18, justifiant une évaluation socio-médicale complète à la sortie d’hospitalisation.
Conclusions
Le sepsis du sujet âgé constitue bien souvent un défi diagnostique et thérapeutique pour le clinicien, quelle que soit sa spécialité. Les scores pronostiques SOFA et qSOFA ont pour objectif de déceler les dysfonctions d’organe secondaires à l’infection qui définissent le sepsis, mais sont mis à mal par les atypies sémiologiques chez le patient âgé. Le diagnostic d’infection est rarement un diagnostic de certitude et l’introduction d’une antibiothérapie doit être basée sur une évaluation individuelle rapide de la gravité initiale, de la probabilité diagnostique et des comorbidités sous-jacentes. L’orientation du patient vers des soins de réanimation se basera sur la gravité initiale et les comorbidités plus que l’âge en lui-même, peu corrélé au pronostic. Outre le rétablissement hémodynamique et l’antibiothérapie, l’enjeu de la prise en charge globale tient au dépistage systématique et à la prise en charge précoce des décompensations de comorbidités, notamment cardiovasculaires, qui sont responsables d’une altération du pronostic et d’une perte d’indépendance.
Dr Alain PUTOT
MCU-PH | Unité Post Urgence Gériatrique, CHU Sud Réunion
[email protected]
Pour l’Association des Jeunes Gériatres
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Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°29