Sensibilisation des médecins généralistes

Publié le 19 May 2022 à 08:55


L’organisation dans une dynamique de parcours doit passer par un décloisonnement de la médecine de ville, de l’hôpital et du médicosocial, en les structurant à partir des soins de premier recours. C’est dans cette dynamique qu’une proposition de sensibilisations à l’attention des médecins généralistes a été proposée, via une collaboration étroite entre les professionnels du CRTLA de Clermont-Ferrand (Centre de Référence Troubles du Langage et des Apprentissages) et les professionnels du SESSAD Victor Duruy.
Une demande de subvention a ainsi été déposée et validée par l’ARS Auvergne Rhône- Alpes via la Délégation Départementale.

L’objectif principal était d’apporter des notions de base aux professionnels de santé susceptibles de participer au diagnostic de première ligne

Quatre rencontres ont eu lieu sur le premier trimestre 2017 (Thiers, Issoire, Combronde et Clermont-Ferrand), 4 corps de métier ont assuré ces échanges : 1 médecin (neuropédiatre ou pédopsychiatre selon), 1 neuropsychologue et 2 para-médicaux (orthophoniste, orthoptiste et psychomotricien selon les soirées).

  • 10 janvier 2017 à Issoire.
  • 19 janvier 2017 à Combronde.
  • 7 février 2017 à Thiers.
  • 9 mars à Clermont-Ferrand.

Intervenantes :
CRTLA : Dr Françoise Noton-Durand, Dr Pauline Joubert, pédopsychiatres ; Michèle
Derumigny, orthophoniste ; Méline DEVIDET, neuropsychologue.
Sessad V.Duruy : Dr Nathalie Blanc, neuropédiatre ; Hélène Pillet, orthophoniste ; Elodie Da Ros, psychomotricienne ; Martine Audebert, orthoptiste ; Vanessa Pongerard, neuropsychologue.

Public cible principal
Professionnels de santé (prioritairement médecins généralistes car garants du parcours de soins), pédiatres mais aussi médecins scolaires et de PMI.

Objectif secondaire : Créer les conditions favorables à la structuration d’un réseau.
Grâce à ces rencontres, recenser sur le territoire des médecins et autres professionnels de santé portant un intérêt à la problématique des troubles des apprentissages.

Évaluation

  


Critères supplémentaires proposés par le promoteur

1 Emargements, listing complet et questionnaires à disposition au Service.

Questions / Échanges lors de soirées
Y a-t-il nécessité d’un diagnostic posé pour interpeller la MDPH ? Non, ce qui importe c’est la description des restrictions d’activités et les préconisations médicales au vu des éléments des collègues paramédicaux.

Des difficultés sont soulevées quant au délai de réponse des psychologues scolaires et la position de « prescripteur » des enseignants qui peut mettre en défaut les professionnels de santé.

Lorsqu’est abordée la systématisation potentielle de la question du déroulement de la scolarité durant les consultations (certains n’abordent la question que lorsque la famille l’évoque), l’idée de le faire lors de l’établissement des certificats médicaux parait cohérent pour l’ensemble des personnes présentes.

Il n’y a pas de difficulté pour les retours de compte-rendu de bilans pour les orthophonistes et les orthoptistes. Cela devient compliqué lorsque l’on évoque les comptes rendus d’évolution et/ou de fin de rééducation, dont l’envoi n’est pas systématisé. La transmission des éléments est notée comme difficile avec certains psychologues scolaires (passage alors par les familles en leur rappelant leurs droits), de même avec les professionnels paramédicaux psychomotriciens et ergothérapeutes.

La question du coût des professionnels hors nomenclature est abordée et donc l’inéquité d’accès aux soins. Une réponse est apportée à cette difficulté concernant les bilans (et non les rééducations) : il peut exister des demandes extra légales auprès de la CPAM pour des évaluations. Il faut s’adresser au service d’aide financière via une assistante sociale (fonction des ressources des familles). Parfois, l’intégralité n’est pas prise en charge, mais une réponse forfaitaire peut s’appliquer. De même, de plus en plus de mutuelles couvrent certains frais. Le bilan psychométrique pourrait être également éligible à ce type de prise en compte.

Les médecins déplorent le peu d’information à leur disposition pour établir le certificat médical MDPH (pas les bilans parfois, pas le GEVASco). Le passage par la Prestation de Compensation du Handicap est abordé.

Question du percentile 10 comme zone pathologique ? Le percentile 5 parait plus juste. Question de l’effet test et retest ? Au moins un an.

Quand les compétences cognitives sont-elles stables ? A partir de 8 ans.

Quid de l’enfant démotivé par des rééducations nombreuses et installées dans le temps ? A quelle fréquence refaire un point ? Au bout d’un an, cela parait pertinent. De manière caricaturale : la première année donne lieu à une prise de connaissance et de ciblage des difficultés, la seconde est l’année de travail et la troisième une année pour peaufiner les acquis. Le rééducateur peut s’habituer à l’enfant et réciproquement, devenir plus conciliant, moins exigeant… ne pas hésiter à changer de professionnel lorsque cela est possible.

L’accent est mis sur les aspects rééducatifs, alors même que le versant adaptatif peut être concomitant. Ne pas hésiter à permettre des « fenêtres thérapeutiques ». Enfin, quand il y a rupture de la rééducation, le médecin (et la famille) devrait disposer d’un bilan d’évolution argumenté. Les moyens de compensation doivent rapidement être questionnés.

Que faire lors d’une suspicion de syndrome de Landau-Klefner, comment diagnostiquer ? Un EEG.

Quid de la surdité verbale ? Rarissime. Ne rentre pas dans le cadre du spectre autistique car la communication non verbale existe.

Les médecins s’interrogent sur la place de l’enseignant « prescripteur de soin ». Ils évoquent d’ailleurs une récente lettre de cadrage dont ils ont été destinataires sur le secteur « STOP aux bilans inutiles. Ils évoquent la culpabilité des parents qui se retrouvent enclins à une culpabilité s’ils n’accèdent pas à certaines demandes pressantes des enseignants.

Echanges sur les signes d’alerte : une vigilance particulière doit être apportée au retard de langage et aux antécédents familiaux.

La question de l’hérédité est posée : elle est avérée.

Quid du diagnostic différentiel en s’appuyant sur les compétences des ophtalmologues quand on connait les délais d’attente : conseil d’un médecin présent qui évoque son expérience de praticien. L’option doit être prise d’orienter chez un orthoptiste qui aura en première intention une analyse plus fine et qui, si la situation le nécessite, pourra relayer plus facilement auprès de son propre réseau. Les médecins présents déplorent que certains ophtalmologues refusent encore d’accueillir des enfants de moins de 8 ans.

Les médecins ORL proposent des délais plus courts mais la question des dépassements d’honoraires est abordée.

Se pose la question des personnes ressources vers lesquelles orienter : le psychologue scolaire est cité comme professionnel repère mais l’opacité de leur travail est souligné : leurs bilans n’est pas toujours transmis ou alors non rédigé. Les médecins soulignent qu’ils rappellent leurs droits aux parents et par leur biais récupèrent les bilans.

Vers qui orienter quand plusieurs domaines sont touchés ? Vers un psychologue qui proposera un bilan psychométrique.

L’information est donnée des propositions faites par le CRTLA pour étudier des dossiers soumis par des praticiens certains jeudis matins.

Un intérêt particulier doit être porté aux dossiers MDPH : insister sur les retentissements et ne pas hésiter à donner ses propres préconisations.

Peut-on parler de dyslexie sans rééducation ? (sous-entendu, faut-il attendre 2 ans de rééducation pour poser un diagnostic ? Il faut pouvoir passer par un bilan orthophonique qui pourra attester du retard ou du trouble. Pour cela, l’orthophoniste doit pouvoir mesurer l’évolution à 6 puis à 12 mois : si la courbe dans son ensemble remonte, on peut considérer que l’on se trouve dans une dynamique de retard. Par contre, si la courbe évolue avec le même profil dysharmonique, on peut alors parler de troubles dys.

Constat de la durée d’attente pour un accompagnement en orthophonie sur Thiers : 1 an 1/2.

Jusqu’à quel âge maturent les praxies ? Environ 11 ans.

Quelle différence faire entre le babillage et le mot ? « papa et mama » sont des mots s’ils sont adressés, intentionnels…

Quid des enfants bilingues ? Ils se retrouvent forcément décalés.

Conseil de l’utilisation du RTL4 par un médecin présent. La passation demande 5 minutes et peut être présenté entre 3 ans et 9 mois et 4 ans et 6 mois. C’est un test de dépistage performant, qu’il systématise dès qu’il a un doute.

Quand s’inquiète t-on d’un défaut de prononciation ? Pas avant la fin de la moyenne section.

Quels signaux peuvent alerter quant à la lecture ?

Un déchiffrage laborieux en fin de CP. Il est souhaitable que le bégaiement soit dépisté très tôt.

La méthode globale est-elle encore utilisée au sein de l’Education Nationale ? Elle est normalement proscrite si elle est seule. La pédagogie propose aujourd’hui un mélange des deux.

Question de l’orthographe lexicale et grammaticale ? Ils sont à ifférencier car les acquisitions sont différentes.

Quand adresser chez l’orthophoniste Il n’y a pas d’âge. Il peut y avoir de la guidance très tôt. Si l’audiogramme ne démontre aucune difficulté, il ne faut pas hésiter s’il n’y a pas un mot à 2 ans.

Un médecin reprécise les outils à leur disposition :

  • 1 visite par mois les 6 premiers mois.
  • 9 mois (entre 8 et 10 mois), obligatoire.
  • 1 an, 16 mois, 20 mois et 24 mois (entre 23 et 25 mois, obligatoire).
  • Puis une visite tous les 6 mois jusqu’à 6 ans.

 Ces visites étant remboursées à 100 % jusqu’à 6 ans.

La médecine scolaire est également abordée ainsi que ses limites : intervention de la PMI sur l’année civile petite section et moyenne section de maternelle et santé scolaire (généralement un infirmier) sur l’année de grande section.

La question du BB vision est posée : d’autres régions ne disposent pas de la systématisation du dépistage connue sur notre territoire.

Cet examen est conseillé entre 9 et 12 mois. Il est noté qu’existe un numéro d’urgence en ophtalmo pédiatrique et que les strabismes peuvent y être vus rapidement.

Peut-on parler de dysorthographie sans dyslexie ? Oui

Quand il y a des difficultés en mathématiques, vers qui orienter ? Les orthophonistes mais toutes ne sont pas formées au logico-mathématiques.

Jusqu’à quel âge mesurer le périmètre crânien ?
Relativement tard, c’est un bon indicateur. Par contre, les courbes du carnet de santé ne sont pas très efficientes car elles mélangent les garçons et les filles. Les courbes sont à revoir régulièrement en consultation : taille, poids, périmètre crânien. Les courbes sont données jusqu’à 22 ans, elles sont donc à mesurer potentiellement jusque là.

Qu’est-ce qu’un bilan psychométrique ? Mesure des potentialités cognitives via une évaluation standardisée, c'est-à-dire la proposition d'épreuves impliquant l'utilisation de certaines fonctions cognitives dont on compare les scores obtenus avec ceux d'un échantillon représentatif de la population, appareillé en âge et éventuellement d'autres critères, pour situer le sujet par rapport à ses pairs.

Quel temps faut-il ? Il faut compter 2h pour la WISC IV : 1h30 de passation et 1/2h d’échanges. Pour un bilan neuropsychologique, sont souvent proposées des tranches de 2h également.

Que trouve t-on dans un bilan orthophonique ? Toujours deux versants : compréhension et production.

La question est posée de la validité d’un bilan si l’enfant est fatigué, a de la fièvre… ? Est réaffirmée toute l’importance de la clinique. Le bilan n’est qu’une image à un moment précis. Importance du qualitatif.

Les médecins évoquent une méconnaissance de l’orthoptie et du neuro-visuel. Il est alors important de poser une question précise pour espérer une réponse précise.

A quel âge la latéralité est-elle ordinairement fixée ? Vers 7 ans. Il faut privilégier « avec quelle main mange t-il ? Plutôt que la tenue du crayon.

De plus, la fréquence n’est pas toujours un bon élément indicatif.

Quand adresser chez le psychomotricien ? Lorsque sa course est décrite comme bizarre, qu’il est lent, que sont notée des difficultés d’habillage, que le sport est complexe, que les parents et l’entourage évitent les loisirs extérieurs… et que cela devient rude avec le passage à l’écriture.

CAMSP de Clermont : Pas de prises en charge pour les 3 à 6 ans, uniquement bilan et orientation car il peut exister d’autres relais, par contre l’équipe priorise les moins de 3 ans.

Quid du kiné VS psychomotricien ? Les plus petits sont généralement orientés chez les kinés… et la question du coût n’est pas négligeable puisque les psychomotriciens ne sont pas remboursés par la Sécurité Sociale.

Quand faut-il opter pour l’utilisation de l’ordinateur Lorsque la difficulté est durable, tout en restant prudent car cet outil n’est pas magique et qu’il faut, au-delà d’autres possibles difficultés, 12 à 18 mois pour le manier.

Les soins hors nomenclature sont évoqués ainsi que les dérogations CPAM, permettant d’accéder à certains types de soins selon les contextes.

Conclusion
Il n’existe pour l’heure aucune structuration formelle sur le département du Puy de Dôme. Des initiatives ont existé par le passé et perdurent sous l’impulsion de l’Association des Pédiatres de la Région Auvergne et du CRTLA. Les sensibilisations ont été une impulsion complémentaire. Pour autant, une véritable réflexion est à mener sur une efficience à construire : sensibiliser le niveau de 1er recours, penser un niveau intermédiaire apte à coordonner afin d’avoir un niveau 3 dans ses pleines missions d’expertise pour des situations complexes, de recherche et de formation.
Le niveau 1 qui concerne les enfants n’évoluant pas avec des réponses pédagogiques mérite d’être soutenu afin d’apporter des prescriptions médicales éclairées pour permettre l’accès aux paramédicaux. Le niveau 2, plus spécialisé, inexistant en tant que tel pour l’heure, hormis l’expertise de quelques pédiatres volontaires, devrait répondre aux situations complexes malgré les rééducations en amont, apporter un diagnostic pour orienter le projet de soins et en étant soutien du niveau précédent. Les CMP pourraient aussi être placé à ce niveau. Une structuration collective type réseau assurerait alors une coordination de ce niveau 2. Enfin, le CRTLA interviendrait dans l’expertise hyperspécialisée, tout en répondant aux missions de formation et de recherche qui lui reviennent. Le premier principe proposé pour un parcours cohérent est la création d’un niveau 2 de diagnostic et de soins, intermédiaire entre le niveau 1 traitant les cas simples, et les CRTA, niveau 3, destinés à recevoir les cas très complexes justifiant leur hyperspécialisation… Il doit servir de ressource facilement accessible aux professionnels de niveau 1 et avoir des relations privilégiées avec le niveau 3.
Le SESSAD Victor Duruy, sans se substituer aux professionnels de santé qui sont les acteurs majeurs de ce type de construction, aurait un intérêt double : des réponses sur le temps d’attente et des relais post accompagnement pour les enfants notifiés sur le Service. Au-delà de cette considération très autocentrée et réductrice, cela permettrait une articulation plus fluide et vraisemblablement un accès aux soins plus équitable, étayé par nos complémentarités.
Les sensibilisations mettent en évidence un souhait et une volonté d’engagement. Un questionnaire a été transmis avec les retours suivants : 29 médecins estiment « nécessaire la création d’un réseau d’aide au diagnostic et à la coordination de la prise en charge dont 12 « aimeraient » d’ores et déjà « s’impliquer dans ce réseau ». Forts de ces retours, c’est donc l’objectif secondaire qui mène à réflexion actuellement, à savoir une structuration collective. Pour cela, des échanges ont actuellement cours avec les collègues du CRTLA du CHU Estaing, les structures médico-sociales : Institut des Gravouses via leur dispositif TSL, le SESSAD APF et les Associations de parents DFD Auvergne, F-Acteur Dys et La compagnie des Dys.

Sandra COLLOT
Responsable SESSAD Victor Duruy
Clermont-Ferrand, le 16 mai 2017

NEFOPAM PER OS PAR LES MEDECINS GENERALISTES :

UNE PRESCRIPTION A RISQUE
Off-label oral NEFOPAM by General Practicioners

contexte
La prescription hors AMM (Hors Autorisation de Mise sur le Marché) est une pratique fréquente, qui atteindrait jusqu’à 19.3 % des prescriptions (1).

Sa fréquence est cependant difficile à estimer : en effet, si le prescripteur est tenu d’écrire la mention hors AMM sur son ordonnance, on constate qu’en pratique il ne le fait qu’exceptionnellement (1).

Par ailleurs une prescription hors AMM augmenterait de 50 % le risque d’effets indésirables du médicament (3).

Selon l’article 18 de la loi du 29 décembre 2011 L.5121-12-1 du Code de Santé Publique relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (2), la prescription hors AMM est autorisée sous certaines conditions, comprenant notamment l’information du patient et l’existence de preuves scientifiques de l’efficacité d’une telle prescription (annexe 1).

Le NEFOPAM est un médicament antalgique de palier 1, se présentant sous forme d’ampoules destinées à une prescription parentérale. Ce médicament est cependant notoirement utilisé en France en prescription HAMM, par administration per os des ampoules (4). Bien qu’aucune étude clinique n’ait démontré l’efficacité thérapeutique du NEFOPAM per os par rapport aux gold standard antalgiques (6) (7), il serait largement utilisé par les médecins généralistes en ville (5).

Cette pratique n’avait pas été quantifiée à ce jour. Par ailleurs, les conditions de sa prescription hors AMM ainsi que la position des différents acteurs de santé semblaient assez floues (5), et le risque supporté par le médecin généraliste prescripteur était par conséquent mal défini.

Objectif
L’objectif de cette étude était d’abord d’essayer de quantifier la prescription hors AMM du NEFOPAM per os, ensuite d’évaluer les motivations et la position des médecins généralistes vis-à-vis de cette prescription.

Methode
Une étude transversale quantitative a été menée auprès de 1 600 médecins généralistes d’Ile-de- France invités à répondre à un questionnaire en ligne.

Le nombre de sujets nécessaires a été calculé sur l’hypothèse d’un taux de réponses espéré de 25% parmi la population des 15 228 médecins généralistes d’Ile-de-France (atlas).

Les critères d’inclusions étaient :

  • Médecins thèsés en activité régulière,
  • Qualifiés en Médecine Générale (avant 2004) ou possédant le DES de Médecine Générale (après 2004),
  • Exerçant principalement en Ile-de-France.

Le questionnaire en ligne se présentait en 4 parties.

La première partie s’intéressait aux données sociodémographiques des médecins répondeurs.

La seconde partie s’informait du caractère prescripteur ou non prescripteur de NEFOPAM per os par les médecins, ainsi que des raisons de la prescription ou non-prescription.

La 3ème partie s’intéressait à la caractérisation des douleurs éligibles au NEFOPAM per os et ciblées par les médecins prescripteurs, ainsi qu’à l’information donnée aux patients concernant le caractère hors AMM et les effets indésirables.

La dernière partie concernait les connaissances des Médecins Généralistes sur le NEFOPAM en général (palier OMS et effets indésirables connus).

La base de données a été analysée statistiquement grâce au logiciel R-core team 2016. Une différence a été considérée comme statistiquement significative quand la probabilité critique (p) était inférieure à 0.05 (risque α=5%).

Resultats
Population
436 médecins généralistes ont répondu au questionnaire en ligne, avec un taux de réponses de 32.4 % sur 1 600 invitations envoyées. 353 médecins généralistes répondant aux critères d’inclusion ont été sélectionnés. Il n’a pas été mis en évidence de différence significative sur les données sociodémographiques entre l’échantillon et la population étudiée.

Réponse à la question principale

75 % des médecins généralistes ayant répondu au questionnaire déclaraient prescrire du NEFOPAM per os.

Parmi les prescripteurs, les motifs de prescription étaient essentiellement l’échec des autres thérapeutiques antalgiques (77.8 %), l’expérience personnelle (55.6 %), l’intolérance aux autres molécules antalgiques (50.4 %), et le renouvellement d’ordonnance initiée par un confrère (32.7 %) (Annexe n°2).

Parmi les médecins non-prescripteurs, les principales raisons de la non-prescription étaient l’absence de demande de NEFOPAM per os par leurs patients (41.9 %), l’absence de preuves scientifiques d’efficacité du NEFOPAM per os (37.2 %), le caractère hors AMM de la prescription (33.7 %), l’incertitude de la sécurité clinique (32.6 %), les effets indésirables trop nombreux (25.6 %) (Annexe n°3).

Le fait de pratiquer la médecine hospitalière (p=0.03) ou mixte (p=0.05), et l’année récente d’obtention de la thèse (p<0.001) influaient positivement sur la prescription.

Réponses aux questions secondaires

  • Caractérisation des douleurs éligibles au NEFOPAM per os
    Les Médecins Généralistes interrogés utilisaient le NEFOPAM per os dans les mêmes indications que le NEFOPAM IV ou IM : les douleurs majoritairement traitées par le NEFOPAM étaient les douleurs de l’appareil locomoteur (45.1 %) et abdominales (24.1 %). Le NEFOPAM était prescrit principalement pour des douleurs aigues (75.6%), nociceptives (80.4 %) et modérées (52.4 %) à sévères (72.7 %).
  • Informations données aux patients
    75 % des médecins n’informaient pas leur patient du caractère hors AMM de leur prescription, 82.8 % les informaient des effets indésirables potentiels.
  • Connaissances des médecins généralistes sur le NEFOPAM
    57.7 % des médecins considéraient le NEFOPAM comme un antalgique de palier 2, 18.3 % comme antalgique de palier 3, 16.1 % comme un antalgique de palier 1, tandis que 7.4 % ne connaissaient pas le palier antalgique du NEFOPAM.

Discussion
Cette étude a montré que le NEFOPAM per os était largement utilisé par les médecins généralistes, mais que peu de médecins étaient correctement informés, voire qu’un certain nombre ignoraient le caractère hors AMM de la prescription.

A contrario, les autres acteurs de santé interrogés dans l’étude (laboratoire pharmaceutique, Autorités Sanitaires, Ordre des médecins, …) se montraient très prudents et ne cautionnaient pas la prescription hors AMM du NEFOPAM per os.

La position du médecin est délicate, puisqu’il doit estimer au mieux le bienfondé pour le patient d’une prescription HAMM, tout en prenant des précautions vis à vis de sa propre responsabilité en cas d’incident (8).

En tout état de cause, le risque de la prescription de NEFOPAM per os, est celui d’une prescription HAMM qui ne respecte pas le cadre autorisé de la prescription hors AMM.

La responsabilité en cas d’incident risque donc fort d’incomber au seul médecin prescripteur (8). Dans le contexte des affaires sanitaires récentes, le médecin a tout intérêt à réfléchir à une alternative thérapeutique en lieu et place du NEFOPAM per os.

Annexe n°1 : Article 18 de la loi du 29 décembre 2011 L.5121-12-1 du Code de Santé Publique relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé
« Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché :

  • En l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation, sous réserve :
  • - Que l'indication ou les conditions d'utilisation considérées aient fait l'objet d'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans ;

    - Ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique du patient.

  • Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n'est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché, de l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée, des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d'être apportés par le médicament et porte sur l'ordonnance la mention : "Prescription hors autorisation de mise sur le marché”.
  • Il informe le patient sur les conditions de prise en charge, par l'assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite.
  • Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient. ».
  • Annexe n°2 : Raisons de prescription de NEFOPAM per os par les médecins prescripteurs

    Annexe n°3 : Raisons de non-prescription de NEFOPAM per os

    Bibliographie
    (1) GEOFFROY-PLASQUI M, RAINERI F, ARNOULD P, HEBBRECHT G. La prescription hors autorisation de mise sur le marché en médecine générale.
    Exercer 2012;100:44-5.
    (2) LOI n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé [en ligne]
    Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025053440&categorieLien=id
    (3) EGUALE T (MD, PhD), BUCKERIDGE DL (MD, PhD), VERMA A (PhD). Association of Off-label Drug Use and Adverse Drug Events in an Adult
    Population » JAMA Intern Med. 2016 176(1) :55-63.
    (4) DACERO J. Prise en charge des douleurs aiguës en médecine ambulatoire ; Place du néfopam. La Presse Médicale 2004 ;33 :277-80.
    (5) Site de l’ANSM : Réunion du Comité technique de Pharmacovigilance CT012013023 [en ligne] Séance du 16 avril 2013. Disponible sur : http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/ce293ec4ef97ea3ee0c5fd1dfcf4dfe7.pdf
    (6) HEEL R, BROGDEN R, PAKES G, SPEIGHT T, AVERY G. Nefopam : a review of its pharmacological properties and therapeutic efficacy. Drugs 1980 ;19 :249-67.
    (7) KA•AR M, DERRY S, MOORE RA, MCQUAY HJ. Single dose oral nefopam for acute postoperative pain in adults. Cochrane Database Syst Rev; (3): CD007442, 2009 Jul.
    (8) LAUDE A. Dans la tourmente du MEDIATOR : prescription hors AMM et responsabilités. Recueil Dalloz n°4. 27 janvier 2011

    Abstract
    INTRODUCTION : Off-label prescribing (non-authorised medication) is a common practice which is itself regulated. NEFOPAM is a step 1 analgaesic that comes in the form of ampoules for parenteral administration, but is well-known to be redirected for oral administration. This practice has not been quantified as yet, and the position of health professionals and the risk that doctors run by prescribing it are poorly defined.

    MATERIALS AND METHODS : Our aim is to quantify and assess the position of GPs with regard to prescribing NEFOPAM orally. A quantitative study has been carried out with 353 GPs in the Ile de France using an online questionnaire.

    RESULTS : 75% of the doctors report prescribing NEFOPAM orally. Reasons for prescribing it are mainly failure of or intolerance to other analgaesics, personal experience and repeat prescriptions. Hospital practice and year of graduation influences its prescription. 75% of doctors do not mention that the drug is non-authorised when prescribing it. 37.2% of those who do not prescribe it say this is due to the lack of scientific proof that NEFOPAM is effective when administered orally.

    DISCUSSION : Oral NEFOPAM is widely used by GPs, but few of them are adequately informed or aware that it does not conform to the conditions for off-label prescriptions. Conversely, other health actors when- asked are cautious and do not endorse it.

    In the context of recent health issues, any off-label prescription that does not satisfy the conditions for prescribing it is a risk for which the prescribing doctor alone will be held responsible in the event of any accident.

    Keywords : Off-label prescription, oral NEFOPAM, General Practicioners, risk benefits ratio

    Resume
    La prescription HAMM (Hors Autorisation de Mise sur le Marché) est une pratique fréquente mais encadrée.

    Antalgique de palier 1, le NEFOPAM se présente sous forme d’ampoules pour prescription parentérale, notoirement détournées pour administration per os.

    Cette pratique n’a pas été quantifiée à ce jour, la position des acteurs de santé et le risque supporté par le médecin prescripteur sont mal définis. Notre objectif est de quantifier et d’évaluer la position des Médecins Généralistes vis-à-vis de la prescription du NEFOPAM per os. Une étude quantitative a été menée auprès de 353 Médecins Généralistes d’Ile de France, à l’aide d’un questionnaire en ligne.

    75% des médecins déclarent prescrire du NEFOPAM per os. Les motifs de prescription sont surtout l’échec ou l’intolérance aux autres thérapeutiques antalgiques, l’expérience personnelle, le renouvellement d’ordonnance. La pratique hospitalière, l’année d’obtention de la thèse influent sur la prescription. 75% des médecins n’informent pas du caractère HAMM de la prescription.

    37,2% des non prescripteurs avancent l’absence de preuves scientifiques d’efficacité du NEFOPAM per os.

    Le NEFOPAM per os est largement utilisé par les Médecins Généralistes, mais peu d’entre eux sont correctement informés et savent que cette prescription ne respecte pas les conditions d’une prescription HAMM. A contrario les autres acteurs de santé interrogés se montrent prudents et ne cautionnent pas cette prescription.

    Dans le contexte des affaires sanitaires récentes, toute prescription HAMM ne respectant pas les conditions de prescription est un risque, dont seul le médecin prescripteur portera la responsabilité en cas d’incident.

    TITRE EN ANGLAIS : Off-label oral NEFOPAM by General Practicioners : a risky prescription

    Mots-clés : médecine générale, NEFOPAM per os, prescription hors autorisation sur le marché, responsabilité médicale

    Brami ELISE
    [email protected]
    Mots-clés : médecine générale, NEFOPAM per os,
    prescription hors AMM, responsabilité médicale

    Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°19

    Publié le 1652943308000