Secommandations ESC/EACTS 2021 : prise en charge des valvulopathies

Publié le 25 May 2022 à 09:00


Recommandations ESC disponibles :
https://www.escardio.org/Guidelines/Clinical-Practice-Guidelines/2021-Valvular-Heart-Disease

Publication dans l’EHJ : Vahanian A, Beyersdorf F, Praz F, et al.
ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease.
Eur Heart J. 2021:ehab395. doi: 10.1093/eurheartj/ehab395.

Les dernières recommandations européennes traitant de la prise en charge des valvulopathies dataient de 2017. Compte tenu du nombre de résultats récemment publiés dans ce domaine, des mises à jour et précisions ont été apportées. L’objectif de cette synthèse vise à souligner les nouveautés et modifications proposées par ces nouvelles recommandations, portées au sein de l’ESC par le Professeur Alec Vahanian :

  • Tout d’abord, nous voulons mettre l’accent sur le rôle clé de l’imagerie cardiovasculaire multimodale non invasive incluant l’ETO 3D, le Scanner et l’IRM cardiaques.
  • Ensuite, une partie des nouveautés de ces recommandations touche la définition de la sévérité de l’IM secondaire avec des critères révisés que nous allons vous détailler.
  • Un renforcement de la place des AOD pour les bioprothèses chirurgicales ou percutanées est aussi à souligner avec des stratégies de prise en charges proposées.
  • Enfin, concernant les indications opératoires des valvulopathies, le rôle de la Heart Team est comme toujours, très mis en avant par les experts. Mais surtout il est important d’affirmer l’indication à une intervention plus précoce chez les patients asymptomatiques porteurs d’une insuffisance aortique, d’un rétrécissement aortique et d’une insuffisance mitrale.

Nous avons eu beaucoup d’enthousiasme à découvrir ces recommandations à la fois claires, complètes et précises pour notre pratique quotidienne. En effet, sur plusieurs plans ces recommandations mettent l’accent sur une simplification de la prise en charge, avec peut-être, une applicabilité plus facile en routine que les recommandations américaines.

Insuffisance aortique
Une chirurgie est maintenant recommandée chez un patient asymptomatique avec (class I) :
> Soit un diamètre télé-systolique du VG : DTSVG > 50 mm.
> Soit un diamètre télé-systolique du VG indexé : DTSVGi > 25 mm/m2.
> Soit une FEVG ≤ 50 %. 

A noter, les dimensions VG passent d’une recommandation de class IIa à une recommandation de classe I.

  • Une autre nouveauté de ces recommandations est de pouvoir considérer la chirurgie chez un patient asymptomatique avec : Un DTSVGi > 20 mm/m2 ou une FEVG ≤ 55 % en cas de chirurgie à bas risque (class IIb).



Figure synthèse : Management d’un patient avec insuffisance aortique

Rétrécissement aortique

  • Introduction d’un nouveau seuil de FEVG à 55 % au lieu de 50 % pour considérer une intervention chez un patient porteur d’un rétrécissement aortique serré asymptomatique (class IIa).
  • Une intervention peut être considérée chez un patient asymptomatique et un test d’effort normal, si le risque est bas et ≥ 1 des paramètres suivants (classe IIa) :
    > Rétrécissement très serré avec Vmax > 5 m/s (et non plus 5,5 m/s).
    > Calcifications sévères : évaluées idéalement par scanner, et progression de Vmax ≥ 0,3 m/s/an.
    > Elévation des BNP > 3 fois la normale, confirmée sur des mesures répétées et sans autre explication.
    > Attention : disparition du critère de PAPS au repos +++.

  • Pour la prise en charge percutanée par TAVI, la position est nettement moins libérale que les dernières recommandations américaines (âge à 65 ans introduit pour discuter d’un TAVI).
    > Chirurgie recommandée : Chez les patients jeunes à bas risque (< 75 ans et STSPROM/Euroscore II < 4 %) ou opérables et sans voie d’accès fémorale possible pour un TAVI (class I).
    > TAVI recommandé : Chez les patients plus âgés (> 75 ans) ou ceux à haut risque (STS-PROM/EuroSCORE II > 8 %) ou inaptes pour une chirurgie (class I).
  • A noter aussi pour le TAVI, la mention des voies d’abord non fémorales : TAVI par voie non fémorale peut être considérée chez les patients inopérables et inaptes pour une voie fémorale (classe IIb).
  • Dans la recommandation de la Heart Team pour la prise en charge, la place du patient centrale apparait dans la discussion.

Figure synthèse : Management du rétrécissement aortique

Insuffisance mitrale

  • Une chirurgie est recommandée chez les patients asymptomatiques avec l’un des critères suivants :
    > Soit un diamètre télé-systolique du VG : DTSVG ≥ 40 mm (abaissé de 45 à 40 mm, class I).
    > Soit une FEVG ≤ 60 %.
  • Critères pour IM secondaire sévère deviennent :
    > Surface de l’orifice régurgitant : SOR ≥ 40 mm2, ou ≥ 30 mm2 si orifice elliptique (et non plus 20 mm2 dans les anciennes reco).
    > Volume régurgitant : VR ≥ 60 ml, ou ≥ 45 ml si bas débit (et non plus 30 ml dans les anciennes reco).
    Il est à noter que ces critères de sévérité de l’IM secondaire sont cohérents avec les recommandations américaines. De plus, ces nouveaux seuils de sévérité soulèvent des questions liées au remboursement du MitraClip pour l’IM secondaire en France (remboursement pour une SOR ≥ 30 mm2).
  • Introduction de la possibilité de considérer une prise en charge percutanée combinée TAVI possiblement suivi d’un transcatheter edge-to-edge repair (TEER) en cas d’IM secondaire persistante (class IIa). Les recommandations ne donnent cependant pas d’information sur le délai entre la réévaluation de l’IM et les deux gestes interventionnels.
  • Un TEER doit être considéré chez des patients sélectionnés, non éligibles pour une chirurgie et avec une chance de répondre au traitement (passage d’une class IIb à une class IIa).



Figure synthèse : Management de l’insuffisance mitrale chronique primitive sévère

Insuffisance tricuspide

  • Introduction de la possibilité de considérer un traitement percutané d’une IT secondaire symptomatique chez des patients inopérables dans des centres valvulaires experts (class IIb).

Traitement anticoagulant dans la période péri-opératoire de chirurgie valvulaire

  • Avant une chirurgie élective :
    > Interruption des AVK pour viser un INR <1,5 (class I).
    > Maintien de l’Aspirine (75-100 mg/j) (class I).
  • Après une chirurgie élective :
    > Reprise ou Introduction HNF ou HBPM dans les 12-24h après la chirurgie si indiquée (class I).
    > Reprise des AVK dès J1 en cas de prothèse mécanique (class I).
    > AOD doivent être considérés pendant 3 mois chez patients implantés d’une bioprothèse et en FA (classe IIa), ou pour une bioprothèse en position mitrale (class IIb).
    > Si pas d’indication à AOD : Introduction Aspirine (75-100 mg/j).
  • Après un TAVI :
    > Si indication à une anticoagulation existante : maintien des AOD à vie après TAVI (class I).
    > si absence d’indication à une anticoagulation existante : introduction d’un traitement antiagrégant plaquettaire simple à vie après TAVI (class I).
    > Contre-indication à un traitement par AOD après TAVI si pas d’indication (class III).


Figure synthèse : Traitement anticoagulant dans la période péri-opératoire de chirurgie valvulaire

Prise en charge de la Fibrillation auriculaire chez un patient porteur de valvulopathie

  • La fermeture chirurgicale de l’auricule gauche doit être envisagée pour les patients subissant une chirurgie valvulaire et étant en fibrillation auriculaire (FA) avec un score CHA2DS2VASc ≥ 2 (passe d’une classe IIb à une classe IIa).
  • Les anticoagulants oraux directs (AOD) sont recommandés de préférence aux AVK chez les patients en FA présentant un rétrécissement aortique, une insuffisance aortique ou mitrale (passe d’une classe IIA à une classe I).

Complications des prothèses valvulaires

  • Décision de prise en charge chirurgicale ou percutanée d’une fuite péri-prothétique significative en fonction de risque du patient, de la morphologie de la fuite et de l’expertise locale (class IIa).
  • Une anticoagulation doit être considérée chez des patients avec un épaississement ou une réduction de mobilité de feuillets entraînant une augmentation des gradients trans-prothétiques (class IIa).
  • En cas de dysfonction de prothèse en position mitrale ou tricuspide, une prise en charge percutanée valve-invalve peut être considérée chez des patients sélectionnés à haut risque chirurgical (class IIb).

Polyvalvulopathies

  • Ces recommandations soulignent la difficulté d’évaluation des patients atteints de polyvalvulopathies de sévérité modérée à sévère, notamment du fait d’un manque important de données dédiées dans la littérature.
  • En cas de valvulopathie prédominante, les recommandations proposent de suivre la prise en charge classique de cette valvulopathie.
  • En cas de situations complexes avec plusieurs valvulopathies sévères, c’est la Heart Team qui permettra de prendre la décision.

Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°14

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Publié le 1653462021000