La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire du système nerveux central qui affecte 120 000 personnes en France. C'est la deuxième cause nationale de handicap chez l'adulte jeune après les accidents de la route. Elle cause de nombreux symptômes, comme la diminution de la force musculaire ou la fatigue, faisant pour longtemps croire que l'activité physique était contre-indiquée chez ces patients. Mais les recherches récentes ont prouvé le contraire, et démontrent même un intérêt de l'activité physique dans cette population. Nous allons présenter dans cet article les arguments et les recommandations de la pratique sportive chez les patients atteints de sclérose en plaques.
L'activité physique dans la SEP : pourquoi ?
D'après la fiche HAS de mars 2024 « Prescription d'activité physique – Sclérose en plaques »1
La SEP impacte la condition physique de plusieurs façons. Tout d'abord, elle affecte les capacités cardio-respiratoires, en diminuant l'endurance et la force musculaire par la démyélinisation, la perte axonale, et un déficit énergétique d'origine mitochondriale. Une méta-analyse sur plus de 1000 patients2 a mis en évidence une diminution moyenne de 17 % de la consommation d'oxygène par rapport à la population contrôle. Ceci cause en parallèle une aggravation des facteurs de risque cardio-vasculaires. On note aussi une diminution de la force et de la puissance musculaire, et des troubles de l'équilibre, du fait des altérations de l'intégration des signaux visuels, somatosensoriels et vestibulaires. Par ailleurs, un des symptômes principaux de la SEP est la fatigue, avec des troubles du sommeil et une altération des fonctions cognitives : 50 à 60 % des patients atteints de SEP rapportent la fatigue comme étant l'un des symptômes les plus invalidants, et 14 % l'ont décrite comme le symptôme le plus invalidant3.
Les effets physiologiques de l'activité physique sur les patients atteints de SEP sont multiples : effets anti-inflammatoires, régulation des facteurs neurotrophiques, modifications structurelles en favorisant la neuroplasticité. Une revue Cochrane datant de 20154 et regroupant 45 études a mis en évidence une amélioration de la fatigue ressentie par le patient. D'autres effets bénéfiques ont été démontrés dans la littérature : augmentation de la force et de la puissance musculaires des membres inférieurs, amélioration de la tolérance à l'exercice et la capacité en endurance, amélioration de la mobilité, de l'équilibre et de la qualité de vie.
Concernant les effets spécifiques des différents types d'activités physiques, en voici quelques exemples :
• Exercices d'endurance : ils permettent une amélioration de la capacité respiratoire et musculaire. Les exercices en milieu aquatique ont des bienfaits sur l'équilibre, la fatigue, la qualité de vie et la douleur.
• Exercices de renforcement musculaire : ils entraînent un gain de force et de puissance musculaire, une amélioration de l'équilibre et des capacités fonctionnelles.
• Exercices combinés d'endurance et de renforcement musculaire : ils potentialisent leurs effets bénéfiques. Ces exercices réalisés en mode excentrique sont d'autant plus intéressants car ils utilisent un faible coût énergétique (faibles contraintes métaboliques et cardio-respiratoires), tout en maximisant le travail musculaire mécanique.
• Exercices d'équilibre : ils contribuent à réduire le risque de chute, avec un effet-dose démontré.
• Activités sportives ayant démontré leur efficacité : le pilates (intéressant car peut être réalisé assis), le yoga, l'escalade, l'équitation, la marche nordique, le kickboxing et le tai-chi.
• Des études expérimentales, menées sur des souris atteintes d'encéphalite allergique expérimentale (modèle SEP de la souris), ont aussi montré que l'activité physique limitait la progression de la maladie5… Ceci n'a cependant pas encore été démontré chez l'homme.
L'activité physique dans la SEP : comment ?
Les dernières recommandations de la HAS sur la SEP datent de 2001, révisées en 20066 , et n'évoquent pas l'activité physique. Elles indiquent simplement l'intérêt de la kinésithérapie indispensable en dehors des poussées pour prévenir les rétractions musculaires et les limitations articulaires, via des mobilisations passives des membres, associées à des séances d'étirement musculaire prolongé et des postures d'inhibition de la spasticité (elles contre-indiquent cependant les exercices contre résistance des muscles spastiques ! Nous verrons que cette recommandation n'est plus d'actualité). Selon ces recommandations, la rééducation pourrait être réalisée selon 3 phases :
• Phase de marche autonome : séances de kinésithérapie puis auto-rééducation, axées sur les assouplissements, le travail de l'équilibre, des séquences de marche, l'entretien musculaire, le réentraînement à l'effort, la prescription d'une orthèse des releveurs en cas de pied tombant ou varus équin spastique.
• Phase de perte d'autonomie : rôle principal de l'ergothérapeute pour aider le patient à accepter le fauteuil roulant, à favoriser son autonomie et sa sécurité. En séance de kinésithérapie : lutter contre la spasticité, maintenir les amplitudes articulaires et la force musculaire.
• Phase de dépendance : prévention des attitudes vicieuses et maintien de la fonction respiratoire ; réadaptation (adaptation de l'habitat, aides techniques).
Plus récemment, la fiche HAS de mars 2024 « Prescription d'activité physique. Sclérose en plaques »7 recommande actuellement différents prescriptions d'activité physique selon le score EDSS et donc le niveau de handicap :
• EDSS de 0 à 3 (patients capables de déambuler 500 m sans aide et sans repos et de tenir 12 heures en activité sans aucune aide humaine ou technique) : activités physiques et sportives de loisirs supervisées par un éducateur sportif formé ou en autonomie, sans précautions particulières.
• EDSS de 3,5 à 6 (allant d'un périmètre de marche de 300 m avec une limitation dans une activité complète qui réclame une assistance minimale, jusqu'à nécessiter une aide unilatérale à la marche telle qu'une canne, constante ou intermittente, pour parcourir environ 100 m avec ou sans repos intermédiaire) : programme d'APA supervisé par un professionnel de l'APA (kinésithérapeute ou enseignant en APA-S), avec 2 séances en aérobie et 2 séances de renforcement musculaire par semaine, qui peuvent être combinées (en respectant un jour de repos entre les deux séances de renforcement musculaire).
• EDSS à 6,5 ou plus (allant de la nécessité d'une aide permanente à la marche pour marcher 20m sans s'arrêter, à un état grabataire) : la prise en charge s'oriente vers une réadaptation et exclut une activité physique classique. Elle peut être réalisée en service de SMR ou avec un kinésithérapeute libéral. En pratique, il peut s'agir de rééducation par groupes de patients avec plusieurs sessions dans l'année selon la demande, pour leur proposer un programme spécifique intensif sur une courte période (par exemple de 2 à 3 semaines) comprenant de l'éducation thérapeutique, une activité physique adaptée, yoga, renforcement musculaire, relaxation, gym douce, … La balnéothérapie sera plutôt évitée dans cette pathologie si l'eau est très chaude, avec le risque de phénomène d'Uhthoff dans l'eau chaude.
Petit rappel sur l'échelle EDSS
Il s'agit d'un outil de cotation clinique réalisé après un examen neurologique évaluant 8 systèmes fonctionnels évalués de 0 à 6 ou 7 points : 4 majeurs (pyramidal, cérébelleux, sensitif, tronc cérébral), et 4 mineurs (sphincters, vision, mental et autres).
Le score global de l'échelle se mesure sur une échelle de 20 niveaux en demi-points, et est donc cotée de 0 (normal) à 10 (décès). De façon rapide, de 0 à 3.5 la démbulation est normale ; à partir de 4, le score se base sur la fonction ambulatoire altérée ; à partir de 6 la patient utilise une aide technique ; et à partir de 7, le patient est confiné au fauteuil.
Précautions lors de la mise en place d'une activité physique chez le patient atteint de SEP
Voici quelques conseils et précautions à prendre lorsqu'on préconise la réalisation d'une activité physique chez nos patients atteints de SEP :
• Une consultation médicale d'activité physique chez les patients atteints de SEP semble appropriée, afin de permettre une évaluation du handicap et du score EDSS, une évaluation du risque cardio-vasculaire, des contre-indications, et de donner une information aux patients concernant la sécurité de l'activité physique dans cette pathologie.
• Les contre-indications à l'activité physique sont : poussée en phase aiguë, troubles vésico-sphinctériens pour les activités en milieu aquatique (il est toutefois possible de contourner cette contre-indication en proposant des auto-sondages avant les séances), activité physique à haute intensité en ambiance chaude.
• Il est important que le renforcement musculaire des quatre membres et du tronc soit associé au renforcement spécifique des muscles ventilatoires.
• Il existe un risque d'aggravation transitoire après la réalisation d'une séance de sport : c'est le phénomène d'Uhthoff, qu'on retrouve chez 40 % de nos patients, mais qui disparaît en 30 minutes pour 85 % d'entre eux et en quelques heures pour les autres. Il ne s'agit pas d'une nouvelle poussée ! Ce phénomène d'aggravation tend à disparaître avec la pratique régulière. Par ailleurs, nous pouvons conseiller aux patients de pratiquer l'activité physique dans un milieu frais (éviter les bains trop chauds en séance de balnéothérapie), ce qui permettrait de diminuer la fatigue liée à la SEP.
• Une revue de la littérature portant sur 1295 patients8 a par ailleurs mis en évidence la sécurité de la pratique d'une activité physique régulière chez ces patients : un taux de poussée plus faible (4,6 versus 6,3 %), et un taux d'effets indésirables similaire à celui de la population générale.
Références
1. Fiche HAS « Prescription d'acitvité physique – Sclérose en plaques » : https://www.has-sante.fr/upload/docs/ application/pdf/2024-04/fi che_aps_sclerose_en_plaques.pdf
2. Langeskov-Christensen M, Heine M, Kwakkel G, Dalgas U. Aerobic Capacity in Persons with Multiple Sclerosis: A Systematic Review and Meta-Analysis. Sports Med. 1 juin 2015;45(6):905-23.
3. Fisk JD, Pontefract A, Ritvo PG, Archibald CJ, Murray TJ. The impact of fatigue on patients with multiple sclerosis. Can J Neurol Sci. févr 1994;21(1):9-14
4. Heine M, Port I van de, Rietberg MB, Wegen EE van, Kwakkel G. Exercise therapy for fatigue in multiple sclerosis. Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. 2015 [cité 8 mai 2024];(9).
Disponible sur : https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD009956.pub2/full
5. Torabimehr F, Kordi MR, Nouri R, Ai J, Shirian S. The Role of Forced and Voluntary Training on Accumulation of Neural Cell Adhesion Molecule and Polysialic Acid in Muscle of Mice with Experimental Autoimmune Encephalomyelitis. Evid
Based Complement Alternat Med. 2020;2020:5160958.
6. Haute Autorité de Santé. La sclérose en plaques. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2001
7. Fiche HAS mars 2024 " Prescription d'activité physique. Sclérose en plaques ". Disponible sur :
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2024-04/fi che_aps_sclerose_en_plaques.pdf
8. Pilutti LA, Platta ME, Motl RW, Latimer-Cheung AE. The safety of exercise training in multiple sclerosis: A systematic review. Journal of the Neurological Sciences. 15 août 2014;343(1):3-7.
Dr Emma PETITJEANS