Quelle est votre position sur le sujet ?
Nous constatons que les changements importants au sein des entreprises, de type déménagement de locaux ou plan de réorganisation par exemple, sont anticipés donc plutôt gérés. Par contre, dans le contexte actuel et afin de s’adapter à leur environnement, les entreprises connaissent une multitude de petits changements dans leur fonctionnement quotidien et ce sont ceux-ci qui peuvent avoir des impacts significatifs sur la santé des salariés. Nous le voyons, bien souvent les CHSCT interviennent a posteriori donc trop tard car les entreprises avaient occulté les conséquences de tels changements sur la santé de leurs équipes. Ils doivent donc aussi faire l’objet d’une attention et d’une gestion toute particulière.
Martine Keryer
Secrétaire nationale CFE-CGC Santé au travail et Handicap
De quelle nature sont ces changements et quels peuvent être leurs impacts sur la santé ?
Il peut s’agir de nouveaux outils, comme les logiciels ou de nouveaux modes de collaboration. Par exemple, le télétravail et donc le management à distance tendent à se développer avec les nouvelles possibilités offertes par les systèmes d’information. Cependant, l’impact de ces nouveaux modèles d’organisation, de travail à distance est considérable, notamment en termes de charge émotionnelle et donc de santé du salarié. En effet, l’absence non seulement de proximité mais aussi de communication peut générer stress, dépression, anxiété…
Dans ces nouvelles formes d’organisation du travail, on retrouve aussi la polyvalence, les mails, le travail en zapping,… des méthodes et exigences de travail nouvelles auxquelles les salariés ont parfois du mal à faire face. Ils ont alors naturellement tendance à rallonger leurs journées, à travailler le week-end ce qui va impacter leur équilibre vie privée / vie professionnelle. Et c’est lorsque cet équilibre est rompu que le syndrome d’épuisement professionnel peut survenir.
Comment les entreprises prennent en compte la santé de leurs salariés dans ces changements ?
Pour l’heure les entreprises ont peu conscience de l’impact de ces changements sur la santé de leurs collaborateurs ou quand elles en ont conscience tâtonnent. Elles s’interrogent rarement sur la charge de travail dans la future organisation, qui est pourtant un élément essentiel. Prenez l’exemple de la suspension du projet de réorganisation de la FNAC par la Cour d’appel de Paris. Le motif justement : l’équipe dirigeante avait omis de mesurer la surcharge de travail qu’allait entraîner cette réorganisation et les risques sur la santé, psycho-sociaux notamment.
Alors quels conseils leur apportez-vous ?
Préserver la santé des collaborateurs dans un contexte de changement est devenu un enjeu majeur pour les entreprises. Il est donc impératif qu’elles pensent les projets en amont et mettent en place des mesures de prévention que les directions portent clairement. Et l’une des précautions importantes est de ne pas surcharger les collaborateurs car c’est l’un des principaux facteurs de risque pour leur santé mentale.
Vous parlez de la santé mentale…
En effet, le stress et le burn-out causés par les changements et les nouvelles conditions de travail peuvent avoir des répercutions importante sur la santé mentale. C’est d’ailleurs un sujet sur lequel nous sommes fortement engagés, et ce depuis longtemps. Nous avons signé l’Accord national interprofessionnel (ANI) sur la Qualité de vie au travail en 2013 qui incitait les entreprises à créer des espaces de discussion autour du travail pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise et inciter à « questionner le travail » Et plus récemment, nous avons signé une nouvelle convention avec l’Agefiph et notre principale action porte sur le handicap psychique. Nous organisons des colloques en région et formons les membres du réseau handicap de notre confédération, sur ce sujet.
Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°55