De quelle manière le médecin peut-il intervenir pour améliorer des dérives importantes au sein de certaines familles ?
Introduction [1, 2]
Les écrans sont devenus une partie intégrante de notre quotidien qu’il s’agisse des enfants ou des adultes. De nombreuses études ont été effectuées permettant de comprendre l’importance de ces outils auprès des familles.
L’ordinateur est présent chez 81 % des français, 73 % utilisent le smartphone, et 44 % sont les possesseurs d’une tablette.
Chez les enfants, nous faisons un constat ahurissant. En ce qui concerne la classe d’âge des 3-17 ans, le temps passé derrière un écran est en moyenne de 3 heures par jour. Prenant acte de ce comportement, il est important de savoir de quelle manière modifier cette pratique.
Le médecin a, bien entendu, un rôle éducatif qui est actuellement exercé de plus en plus au sein de son cabinet (il n’a plus le temps de se rendre au domicile des patients).
De plus le temps dévolu à la prévention lors d’une consultation se réduit le plus souvent à quelques phrases dont la portée n’est pas forcément en accord avec les volontés souhaitées par le praticien. Cependant, la prise de conscience des conséquences secondaires à une utilisation trop fréquente des écrans est un impératif pour les praticiens.
Cela est d’autant plus important que ces outils envahissent de plus en plus nos foyers, et leur utilisation est devenue prépondérantes pour de nos nombreux enfants.
Enfin, Il ne faut pas oublier que le médecin généraliste est le garant de la bonne santé physique et mentale de ses patients.
Quelles peuvent être les conséquences sur la santé des enfants d’une utilisation trop importante des écrans ? [2, 3, 4, 5, 6]
Les risques d’obésité
Le risque d’obésité est multiplié par deux à chaque heure supplémentaire effectuée devant l’ordinateur.
Trois facteurs concourent à ce risque :
- La réduction des activités physiques du fait d’une majoration du temps passé derrière sa console ou son ordinateur. Cela conduit à une sédentarité (on parle de sédentarité au-delà de 3 heures devant l’écran).
- Une modification du comportement alimentaire avec une tendance au grignotage devant les écrans. Malheureusement ce grignotage est souvent composé de produits riches en glucides ou lipides ; et donc très énergétiques.
- Le rôle néfaste des écrans qui diffusent, de manière plus ou moins ouverte, des publicités concernant des produits hautement caloriques et facile à consommer (chips, sodas…).
Les modifications du sommeil de l’enfant
Il faut, pour 40 % des enfants ayant entre 8 et 13 ans, 30 minutes avant de dormir.
De plus 1/4 des enfants confient avoir des difficultés pour dormir de manière convenable.
En 1991, 25 % des enfants dormaient moins de 7 heures. Actuellement ils sont 40 % dans cette situation.
Ces troubles sont imputables aux LED qui agissent sur la mélatonine (hormone jouant sur l’endormissement) en retardant d’une heure le sommeil.
Une réduction des capacités d’apprentissage
Au sein des établissements scolaires de nombreux enseignants se plaignent de troubles de l’attention et de la concentration des élèves. De telles constatations sont à mettre en relation avec l’utilisation des écrans.
Une étude canadienne a permis de mettre en lumière cette réalité. Sur 900 enfants (ils avaient entre 6 mois et 2 ans) étudiés, il a été observé un retard dans l’acquisition de la parole s’ils utilisaient quotidiennement 30 minutes les écrans.
De plus un retentissement cognitif est observé dès lors que l’enfant passe plus de 2 heures par jour devant un écran.
Un retentissement manifeste au niveau des yeux
Les écrans favorisent le développement d’une myopie comportementale qui est secondaire à une utilisation intensive des écrans.
Cette problématique est observée chez près de 40 % des adolescents ayant entre 16 et 24 ans.
La lumière bleue (observée dans les LED : écrans d’ordinateur, tablettes, téléphones portable) est néfaste pour la rétine. Cette lumière induit la formation de molécules au niveau de la rétine qui détruisent les cellules photoréceptrices.
Cette destruction peut conduire à une réduction voire à une chute totale de la vision.
Le retentissement des écrans sur le psychisme
Des troubles de l’humeur peuvent observés suite à l’utilisation intensive de l’écran. Il peut s’agir d’une irritabilité (l’enfant cherche rapidement à se plonger dans les affres d’un jeu de guerre alors qu’il doit déjeuner), mais aussi une anxiété ou une dépression.
Dans ces deux derniers cas les réseaux sociaux peuvent être responsables d’une situation complexe où l’enfant est mis à l’écart ou raillé par toute une communauté.
Cela peut conduire certains adolescents (ce sont ceux qui sont les plus concernés) au suicide ; suicide qui est souvent relayé par les médias.
Les interactions sociales importantes pour notre vie quotidiennes sont souvent perturbées par les écrans.
Ces liens entre individus permettent d’obtenir un équilibre psychique ; élément incontournable pour se sentir serein et pour pouvoir communiquer certains sentiments.
Enfin les écrans peuvent conduire à des addictions (sexe, alcool ou tabac). Souvent ces addictions sont dues au rôle de certaines sociétés peu scrupuleuses qui utilisent les écrans pour diffuser des messages (souvent par des voies détournées) ; messages qui conduisent à ces addictions.
De quelle manière intervenir pour éviter une utilisation trop intensive des écrans ? [4-7-8-9-10-11]
Il faut agir avant tout sur la prévention.
A ce titre un psychiatre (S. Tisseron) s’est penché sur ces travers, et a édicté des règles tout à fait claires et logiques qui méritent d’être prises en compte :
Pour les enfants ayant moins de 3 ans. L’activité ludique doit être privilégiée. Les parents doivent lire des contes, et des livres.
En cas d’utilisation des écrans, il faut toujours qu’un des parents puisse avoir un rôle éducatif (Pourquoi ? Comment ?...). Les écrans doivent être utilisés comme un outil de convivialité.
La télévision ne doit pas être en libre accès car il peut avoir des conséquences sur le développement psychique de l’enfant.
Pour les enfants ayant entre 3 et 6 ans. Il faut fixer de manière stricte le temps d’utilisation des écrans. On doit proscrire les écrans et les tablettes dans les chambres. De plus il faut également interdire les écrans durant le repas qui doit être un moment d’échanges.
Enfin la participation des parents lors de la pratique de jeux ou de manipulation des écrans est vivement conseillée.
Pour les enfants ayant entre 6 et 9 ans. Les écrans sont toujours dans le salon. Il faut une nouvelle fois imposer certaines règles d’utilisation avant le début de l’utilisation de ces outils.
Trois règles doivent être données lors de l’utilisation d’internet : les informations diffusées ne sont pas nécessairement justes, les réponses fournies par l’enfant peuvent être retrouvées chez d’autres personnes (absence de confidentialité), les informations données peuvent rester indéfiniment.
Pour les enfants ayant entre 9 et 12 ans. Les parents doivent décider de l’opportunité (et surtout de l’utilité dans la vie quotidienne) ou non d’utiliser un portable, mais aussi d’utiliser seuls internet.
Un échange parent enfant doit s’opérer pour que les écrans puissent être un outil de développement intellectuel.
On rappelle enfin les règles d’utilisation de l’internet.
Pour les enfants ayant plus de 12 ans. Il faut bien expliquer aux enfants les risques d’internet (harcèlement et pornographie). On fixe les règles (temps surtout) d’utilisation de la toile. Durant la nuit il faut éteindre les écrans.
Enfin il est déconseillé d’intervenir en ami sur les réseaux sociaux de ses enfants.
Si nous voulons être plus schématiques, il est utile d’utiliser la règle des 4 PAS : pas d’écran le matin, pas d’écran dans la chambre, pas d’écran au cours du repas, et pas d’écran avant le coucher.
D’autres mesures préventives peuvent également être édictées :
- Effectuer des activités sportives régulièrement. L’OMS recommande 60 mn d’activité physique par jour. Ces recommandations ne sont malheureusement suivies que par 25 % des enfants qui ont entre 6 et 17 ans.
- Effectuer une protection des yeux en utilisant des lunettes adaptées aux LED. Il faut également respecter des temps de pause (toutes les 20 mn idéalement) pour reposer les yeux.
- Modifier les habitudes alimentaires des familles qui n’hésitent souvent pas à manger devant les écrans
Conclusion
Le travail des différents professionnels de santé en ce qui concerne les écrans est une tâche ardue car il faut que les parents comprennent le rôle délétère que peuvent jouer les écrans sur la santé de l’enfant ; et dans certains foyer cela est très difficile.
A ce titre, la prévention, et la répétition des règles d’utilisation des écrans doivent être effectuées par les différents professionnels de santé. Ils doivent tous agir en synergie car c’est de cette manière qu’il est possible d’obtenir des résultats.
« La réussite appartient à tout le monde. C’est au travail d’équipe qu’en revient le mérite ». Piccard F.
Auteurs
Pierre FRANCES, médecin généraliste 1 rue Saint Jean Baptiste 66650 Banyuls sur mer
David VIDAL, infirmier 26 rue Saint Sébastien 66650 Banyuls sur mer
Célia PONCE DE LEON, médecin généraliste 1 rue Saint Jean Baptiste 66650 Banyuls sur mer
Bibliographie
Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°27
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