Le quinquennat 2022-2027 devrait être celui de la première promotion de sages-femmes effectuant leur cursus en 6 années d’études. « Devrait », tout d’abord parce que la loi Chapelier visant à faire évoluer la profession de sagefemme doit encore passer le filtre du Sénat, après avoir été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale ; mais surtout parce qu’on peut se demander ce qu’il adviendra de ce cursus si la profession de sagefemme n’est pas revalorisée dans son entier.
En effet, quelle jeune adulte voudra encore s’engager dans un cursus de 6 années d’études avec, à la clé, des conditions de travail déplorables en effectifs réduits, des droits à la formation continue ridicules, une responsabilité médicale pleine et entière et un salaire d’environ 2000 euros par mois ?
Si les conditions de travail dégradées concernent tous les personnels à l’hôpital, la situation statutaire des sages-femmes est plus spécifique.
Bien que profession médicale depuis 1803, les sages-femmes à l’hôpital sont aujourd’hui fonctionnaires et font, de fait, partie des personnels non médicaux au sein de la fonction publique hospitalière. Cette incohérence statutaire a plusieurs conséquences :
• Un temps de formation continue de 20h par an, incompatible avec les exigences de notre profession.
• Une gestion par la Direction des Affaires Médicales ou par la Direction des Ressources Humaines, au bon vouloir des établissements.
• Une participation aléatoire aux CME.
• L’absence de bi-appartenance entraînant l’impossibilité de partager son temps de travail entre de l’hospitalier et du libéral ou entre de l’activité clinique et de l’activité d’enseignement et de recherche.
• L’impossibilité d’envisager des pôles de prise en charge des naissances physiologiques à type de « maisons de naissances hospitalières autonomes ».
• Une limitation de l’évolution des rémunérations, bridée par les grilles indiciaires.
L’ONSSF milite depuis environ 20 ans pour que les sage-femmes intègrent le statut des personnels médicaux à l’hôpital et puissent, enfin, obtenir la reconnaissance qui leur est due.
Depuis 15 ans, les compétences et responsabilités des sage-femmes ne cessent de croître (suivi gynécologique de prévention, IVG…) mais la reconnaissance statutaire et salariale ne suit pas ; pas plus que la révision des décrets de périnatalité de 1998, qui régissent le nombre de personnels nécessaires dans les services d’obstétrique, et qui sont aujourd’hui plus qu’obsolètes.
L’exercice libéral n’est pas forcément plus attrayant, il apporte un certain confort de pratique, loin des contraintes institutionnelles mais, là encore, la rémunération ne suit pas : les sage-femmes font partie des professionnels de santé libéraux les moins bien payés (environ 30 000 euros de bénéfice net en 2020).
Ainsi, combien s’engageront dans la profession de sagefemme à l’avenir ? La reconnaissance des femmes et des familles ne remplit pas les frigos et ne prévient pas les burn-outs.
Notre crainte, à terme, est la mort de notre profession, par épuisement et par désertion.
La création de ce 3ème cycle d’études nous permet d’entretenir l’espoir d’un cursus clôturé par une thèse d’exercice et le titre de docteur en maïeutique, éventuels sésames vers une reconnaissance de notre profession, aux côtés de nos collègues médicaux à l’hôpital.
Paul Valéry a dit : « l’espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide. » Celle des sage-femmes n’est pas loin de rompre.
Charlotte BAUDET-BENZITOUN
Secrétaire générale adjointe de
l'ONSSF
Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°24