Rythmologie : Stimulation hissienne

Publié le 25 May 2022 à 08:02

Une alternative à la stimulation ventriculaire droite et une nouvelle voie pour la resynchronisation cardiaque ?

Messages clés

  • La stimulation cardiaque ventriculaire droite est associée à une augmentation du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, de fibrillation atriale et de mortalité.
  • La stimulation hissienne représente une méthode de stimulation qui semble plus physiologique et qui a montré une diminution de ces effets indésirables par rapport à la stimulation ventriculaire droite.
  • La stimulation hissienne peut corriger un bloc de branche chez les patients dont l’atteinte est proximale.
  • Elle pourrait également être aussi efficace que la stimulation biventriculaire dans la resynchronisation cardiaque. Des études randomisées à grande échelle sont nécessaires pour confirmer ces premières données.

La stimulation cardiaque est le traitement de référence des troubles de conduction de haut degré. L’implantation d’une sonde de stimulation ventriculaire droite septale ou apicale est reconnue comme très efficace, avec un niveau de sécurité satisfaisant.

Cependant, de nombreuses études ont montré que cette méthode pouvait avoir des effets délétères sur la fonction cardiaque en raison d’une dépolarisation non physiologique des ventricules, entraînant une désynchronisation de la contraction ventriculaire et une perte d’efficacité hémodynamique, en particulier chez les patients électro-entraînés dans plus de 40 % du temps (1). Les conséquences cliniques sont notamment une augmentation des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, de la fibrillation atriale, de la dégradation de la fonction ventriculaire gauche (2) et de la mortalité (3).

La stimulation biventriculaire permet une amélioration de ces paramètres, mais n’est pas faisable ni bénéfique chez tous les patients, notamment chez les patients n’ayant pas de dysfonction ventriculaire gauche (4, 5) ou de bloc de branche gauche (6).

La stimulation hissienne, en permettant une activation par les voies de conduction naturelles et une dépolarisation simultanée des deux ventricules, apparaît comme un mode de stimulation cardiaque plus physiologique permettant de préserver la fonction ventriculaire gauche et d’éviter les complications liées à la stimulation ventriculaire droite (7). 

Par ailleurs, elle pourrait permettre de restaurer la conduction chez les patients avec un bloc de branche, et représenter une alternative à la resynchronisation par stimulation biventriculaire.

Technique
Le faisceau de His débute à la partie distale du noeud atrio-ventriculaire, pénètre dans la partie membraneuse du septum interventriculaire puis dans sa partie musculaire, et enfin se divise en deux branches. Trois types de variation anatomiques de ces voies de conduction ont été décrits, ce qui explique les différences de réponse à la stimulation hissienne.

Il existe par ailleurs une dissociation longitudinale des fibres au sein du faisceau de His, c’est-à-dire qu’il existe des fibres distinctes prédestinées à chaque branche au sein même du faisceau. Une atteinte de ces fibres peut ainsi résulter en un bloc de branche, qui peut donc être intra-hissien ou infra-hissien selon le site de la lésion. Ceci explique que la stimulation hissienne peut corriger les blocs de branche intra-hissien en stimulant en distalité du site du bloc.


Figure. 1 Concept de dissociation longitudinale : fibres distinctes au sein du faisceau de His, chacunes destinées à une branche. La stimulation en aval du bloc permet de restaurer la conduction au sein du faisceau de His Purkinje.

La stimulation hissienne peut être de deux types : sélective lorsque le faisceau de His est le seul tissu capturé, et non sélective lorsque le His et le tissu ventriculaire adjacent sont capturés. Les critères pour les distinguer sont les suivants :

  • Lors d’une stimulation sélective : QRS stimulé similaire en termes de morphologie et de largeur au QRS spontané du patient, délai stimulation-QRS identique au délai His-QRS, présence d’un seuil de capture unique, EGM ventriculaire séparé du spike de stimulation.
  • Lors d’une stimulation non sélective : QRS stimulé plus large que le QRS spontané, le délai stimulus-QRS est nul avec présence d’une pseudo onde delta du fait d’une stimulation ventriculaire associée, présence de deux seuils de capture (his puis myocarde ventriculaire droit).


Figure 2. ECG du même patient avant stimulation, après stimulation sélective puis après stimulation non sélective. La stimulation sélective retrouve des QRS similaires aux QRS spontanés avec un intervalle stimulus-qrs isoélectrique. La stimulation non sélective survient pour des seuils plus élevés avec une pseudo onde delta.

Deshmuk et al. (8) ont été les premiers à montrer l’efficacité de la stimulation hissienne en 2000. De nos jours, le taux de succès d’implantation est de 80-92 % (9). La technique de stimulation actuelle consiste en l’introduction de la sonde de stimulation hissienne par voie sous-clavière via une gaine, celle-ci permettant de se positionner à proximité du faisceau de His. La sonde est alors mise en place afin d’obtenir un signal hissien. Une stimulation est débutée avec enregistrement concomitant d’un ECG 12 dérivations, jusqu’à obtention d’une morphologie des QRS identiques aux QRS spontanés, et d’un intervalle stimulation-ventriculaire identique à l’intervalle His-ventricule. Après obtention de ces critères à un seuil de stimulation satisfaisant, la sonde est vissée.


Figure 3 : L’EGM montre un signal hissien (H). L’image en scopie montre la sonde atriale (A), la sonde de défibrillation en position ventriculaire droite (V), et la sonde hissienne (H). La sonde hissienne peut être vissée dans cette position si le seuil de capture est satisfaisant.

La stimulation hissienne comporte tout de même quelques désavantages. La technique d’implantation est plus complexe et plus longue qu’une stimulation ventriculaire simple, avec une durée moyenne de procédure de 70 +/- 34 min, contre 55 +/- 25 min, avec un temps de scopie plus important. Cependant, aucune complication liée à cet allongement de temps de procédure n’a été rapportée (9). L’expérience de l’opérateur est une variable très importante du temps de procédure et du taux de succès.

D’autre part, les seuils de stimulation sont plus élevés, avec comme conséquence une nécessité de changement plus fréquent de boitier.

Une survenue plus fréquente - par rapport à la stimulation ventriculaire droite standard - d’augmentation du seuil de stimulation à distance de l’implantation avec nécessité de repositionnement de la sonde a également été rapportée dans plusieurs études (9, 10).

Enfin, du fait de la position hissienne de la sonde, il existe un risque de surdétection des signaux atriaux avec comme conséquence une inhibition de la stimulation, expliquant que la plupart des centres mettent en place une sonde de stimulation ventriculaire droite de sécurité au cours de la primo-implantation.

Indications
La stimulation hissienne a été étudiée dans différentes indications, avec des premiers résultats prometteurs.

Dans le bloc atrio-ventriculaire, plusieurs études ont montré l’intérêt de cette méthode. La principale étude, le registre Geisinger, est une étude rétrospective avec inclusion consécutive des patients implantés d’un stimulateur cardiaque : 332 patients dans le groupe stimulation hissienne versus 440 patients dans le groupe stimulation ventriculaire droite. Les auteurs ont montré une supériorité de la stimulation hissienne (HR = 0,71, p = 0,02) sur un critère composite comprenant la mortalité, une diminution des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et une diminution de la nécessité d’optimisation du système vers une resynchronisation, surtout chez les patients stimulés plus de 20 % du temps (9).

La stimulation hissienne représente une option intéressante chez les patients présentant une fibrillation atriale permanente réfractaire au traitement médicamenteux ayant une indication de modulation du noeud atrio-ventriculaire et de stimulation ventriculaire. Dans cette indication également, de nombreuses études ayant démontré la faisabilité et l’amélioration de paramètres tels que la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), la classe NYHA, et la nécessité de traitement diurétique pour décompensation cardiaque (11, 12).

La stimulation hissienne apparaît également prometteuse dans la resynchronisation. Actuellement, la technique de référence est la resynchronisation par stimulation biventriculaire (une sonde de stimulation endocardique ventriculaire droite et une sonde de stimulation épicardique ventriculaire gauche via le sinus coronaire). Plusieurs études ont montré la possibilité de resynchronisation par stimulation hissienne, avec une stimulation en distalité du site du bloc, retrouvant des taux de succès de procédure élevés, avec diminution de la durée des QRS, amélioration de la FEVG et de la classe NYHA dans des proportions similaires à celles obtenues avec la stimulation biventriculaire (13).


Figure 4. Correction du bloc de branche gauche par stimulation hissienne. A. Bloc de branche gauche sur l’ECG de base du patient. B. La stimulation hissienne permet une correction du bloc de branche gauche avec affinement du QRS.

Par ailleurs, en cas de bloc de branche droit, la stimulation biventriculaire est de faible utilité au vu de la physiopathologie (dépolarisation normale du ventricule gauche et retardée du ventricule droit) avec un bénéfice incertain. Une étude a montré un succès de la stimulation hissienne dans cette indication avec correction du bloc de branche droit, amélioration de la FEVG et de la classe NYHA (14).

La stimulation hissienne pourrait également être utile en cas de cardiopathie induite par la stimulation ventriculaire droite permanente, avec ajout d’une sonde hissienne permettant une amélioration de la FEVG (15).

Discussion
La stimulation hissienne semble être la méthode la plus physiologique d’activation ventriculaire et représenter une alternative intéressante à la stimulation biventriculaire.

Toutes les données disponibles à ce jour proviennent d’études rétrospectives non randomisées, ou d’études randomisées sur un petit nombre de patients.

Il est donc nécessaire de confirmer ces données par des études randomisées à grande échelle comparant les résultats de la stimulation hissienne à ceux d’une stimulation ventriculaire droite ou à une resynchronisation biventriculaire.

Références

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  • Khurshid S, et al. Incidence and predictors of right ventricular pacing-induced cardiomyopathy. Heart Rhythm. 2014;11(9):1619 25.
  • Wilkoff BL, et al. Dual-chamber pacing or ventricular backup pacing in patients with an implantable defibrillator: the Dual Chamber and VVI Implantable Defibrillator (DAVID) Trial. JAMA. 2002;288(24):3115 23.
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  • Funck R. C., et al. Biventricular stimulation to prevent cardiac desynchronization: rationale, design, and endpoints of the ‘Biventricular Pacing for Atrioventricular Block to Prevent Cardiac Desynchronization (BioPace)’ study. Europace, 2006, 8, 8, 629-635.
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  • Sharma PS, et al. Permanent His-bundle pacing is feasible, safe, and superior to right ventricular pacing in routine clinical practice. Heart Rhythm. 2015;12(2):305 12.
  • Deshmukh, P., et al. Permanent, direct His-bundle pacing:a novel approach to cardiac pacing in patients with normal His-Purkinje activation. Circulation 101, 869–877 (2000).
  • Abdelrahman, M. et al. Clinical outcomes of his bundle pacing compared to right ventricular pacing. J. Am. Coll. Cardiol. 71, 2319–2330 (2018).
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  • Sharma, P. S. et al. Permanent His bundle pacing for cardiac resynchronization therapy in patients with heart failure and right bundle branch block. Circ. Arrhythm. Electrophysiol. 11, e006613 (2018).
  • Vijayaraman P, et al. Outcomes of His-bundle pacing upgrade after long-term right ventricular pacing and/or pacing-induced cardiomyopathy: Insights into disease progression. Heart Rhythm. 2019;16(10):1554 61.
  • Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°13

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