Revue de presse des actualités - Dépistage du cancer du poumon

Publié le 13 Jul 2023 à 11:00

 

Le cancer du poumon représente environ 45 000 nouveaux cas par an en France et la première cause de mortalité par cancer. Ces dernières années ont vu naître des avancées majeures concernant la prise en charge thérapeutique mais la question du dépistage reste encore en suspens. Or le pronostic de la maladie est intimement lié au stade de découverte de celle-ci (les stades localisés ont une survie de 80 % à 5 ans alors que les stades avancés ont, eux, une survie inférieure à 10 %). La réalisation de différentes études a permis à la HAS d’émettre des recommandations en 2022 en faveur de la mise en place d’un dépistage ciblé du cancer broncho-pulmonaire.

GÉNÉRALITÉS SUR LE DÉPISTAGE

Le dépistage permet de détecter une maladie à un stade précoce chez des personnes ne présentant pas de symptôme. L’objectif est de diagnostiquer la maladie le plus tôt possible afin de la traiter rapidement et ainsi de freiner ou stopper sa progression. Il concerne une population considérée comme plus à risque de développer la maladie et consiste en un examen réalisé à intervalle régulier, pendant une durée déterminée.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour dépister une maladie :
→ La maladie doit être détectable précocement ;
→ L’examen doit être sensible et générer peu de faux positifs ;
→ L’examen doit être sans danger, simple à réaliser et reproductible dans la population cible ;
→ L’examen doit être acceptable (non invasif) ;
→ Des traitements efficaces doivent être rapidement proposés ;
→ La population cible doit pouvoir être facilement identifiée ;
→ Le dépistage doit diminuer la mortalité ;
→ Les avantages doivent être supérieurs aux inconvénients.

Le dépistage peut être organisé et être ainsi systématiquement proposé à l’ensemble d’une population cible ou il peut être individuel dans le cadre d’un suivi particulier, en fonction du profil des personnes concernées.

ÉVOLUTION DES DONNÉES

Depuis de nombreuses années, différentes études se sont intéressées au dépistage du cancer du poumon. Deux d’entre elles se sont démarquées.

L’étude américaine NLST, dont les résultats ont été publiés en 2011, s’intéressait aux personnes de 55 à 74 ans, avec un tabagisme supérieur à 30 paquets années (PA), qu’il soit actif ou sevré depuis moins de 15 ans. Elle a comparé deux stratégies de dépistage du cancer broncho-pulmonaire (CBP) : soit par radiographie de thorax annuelle pendant 3 ans, soit par scanner thoracique faible dose annuel pendant 3 ans.

Les résultats ont permis de montrer une réduction significative de la mortalité par CBP de 20 % dans le bras expérimental (scanner thoracique) avec une réduction significative de la mortalité de 6,7 %. Cette étude a permis de montrer que l’examen de référence pour le dépistage du CBP était le scanner thoracique faible dose.

Dans les suites de la publication des résultats positifs de cette étude, des groupes d’experts Français ont émis plusieurs propositions à propos d’un dépistage individuel du CBP.

Par la suite, l’étude européenne NEL-SON, dont les résultats ont été publiés en 2020, a rassemblé les données de 16 000 personnes âgées de 50 à 74 ans, tabagiques actives ou sevrées depuis moins de 10 ans, qui ont fait l’objet d’un dépistage par scanner thoracique à T0 (Baseline), après 1 an, 3 ans, 5,5 ans et un groupe témoin qui n’a pas été dépisté. Un suivi de 10 ans minimum a été réalisé pour tous les participants.

Les résultats ont permis de montrer une baisse de la mortalité spécifique de 26 % chez les femmes et 40-60 % chez les hommes dans le groupe dépistage.
Dans les suites de cette étude, les groupes d’experts Français ont proposé une actualisation de leurs propositions.

LE DÉPISTAGE DU CBP EN FRANCE AUJOURD’HUI

Jusqu’ici, en France, il n’existe pas de dépistage organisé du CBP, la HAS ayant considéré en 2016 que toutes les conditions pour une mise en œuvre efficace et sûre n’étaient pas réunies (notamment par les dommages liés aux faux positifs et aux sur-diagnostics).

Grâce à l’analyse des nouvelles données disponibles aujourd’hui, il a été montré que le dépistage par scanner thoracique faible dose chez les personnes fortement exposées au tabac conduit à une réduction de la mortalité spécifique. La HAS a ainsi actualisé son avis et encourage la mise en place d’expérimentations en vie réelle pour obtenir les données manquantes avant de passer à un dépistage organisé.

C’est ainsi que plusieurs études, comme l’étude DEP KP80 dans la somme ou encore l’étude CASCADE lancée par l’APHP se sont mises en place depuis quelques années.

EN PRATIQUE

Grâce à ces différentes études, il a été proposé :
→ De cibler comme population :

  • Les personnes âgées de 50 à 74 ans ;
  • Tabagiques actives ou sevrées depuis moins de 10 ans ;
  • Avec plus de 10 cigarettes par jour pendant 30 ans ou 15 cigarettes par jour pendant 25 ans.

→ De réaliser comme examen : un scanner thoracique faiblement dosé (low dose), sans injection de produit de contraste,
→ De proposer comme rythme de surveillance : la réalisation deux scanners thoraciques à 1 an d’intervalle suivi d’une surveillance tous les 2 ans.

DANS L’AVENIR

La littérature s’intéresse beaucoup à l’avenir du dépistage du cancer broncho-pulmonaire. Ainsi, des pistes d’amélioration sont en cours, notamment l’utilisation de l’intelligence artificielle ou encore celle de certains biomarqueurs.

L’intelligence artificielle permettrait de détecter automatiquement les nodules suspects, d’évaluer leur volumétrie, de faire des comparaisons par rapport aux examens précédents et de calculer un score de risque en fonction des caractéristiques des patients et des nodules.
Les biomarqueurs sont eux, de plus en plus étudiés comme l’utilisation des micro-ARN qui semblent prometteurs.

CONCLUSION

Bien que le cancer du poumon représente une part importante des cancers et surtout la première cause de mortalité, l’élaboration d’une stratégie de dépistage est difficile à mettre en place. Grâce à différentes études internationales, des programmes pilotes ont pu être lancés sur le territoire français. Ceux-ci intéressent une population bien défi nie et consiste en la réalisation d’un scanner thoracique faible dose, non injecté selon un intervalle de temps défi ni.

L’implication des pneumologues, des radiologues, des médecins généralistes et des Centres de Coordination des Dépistages des Cancers semble indispensable à la construction d’un futur dépistage organisé du cancer du poumon auquel il faudra arrimer une structure d’aide au sevrage tabagique.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • National Lung Screening Trial Research Team. The National Lung Screening Trial: Overview and Study Design. Radiology. janv 2011;258(1):243-53.
  • De Koning HJ, van der Aalst CM, de Jong PA, Scholten ET, Nackaerts K, Heuvelmans MA, et al. Reduced Lung- Cancer Mortality with Volume CT Screening in a Randomized Trial. N Engl J Med. 6 févr 2020;382(6):503-13
  • Couraud S, Ferretti G, Milleron B, Cortot A, Girard N, Gounant V, et al. Recommandations de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique, de la Société de pneumologie de langue française, et de la Société d’imagerie thoracique sur le dépistage du cancer bronchopulmonaire par tomodensitométrie à faible dose d’irradiation. Rev Mal Respir. mars 2021;38(3):310-25.
  • Milleron B, Couraud S, Grolleau E, Gounant V. Le dépistage du cancer du poumon. Rev Mal Respir Actual. oct 2022;14(2):2S37-41
  • Goudemant C, Durieux V, Grigoriu B, Berghmans T. Dépistage du cancer bronchique par tomodensitométrie à faible dose : une revue systématique des essais contrôlés randomisés. Rev Mal Respir. mai 2021;38(5):489-505.
  • Dépistage : objectif et conditions ARTICLE HAS - Mis en ligne le 19 mai 2016.


Romain VALLÉE
Interne de Pneumologie
Amiens


Nicolas STORME
Interne de Pneumologie
Amiens


Dr Pauline LERICHE
Chef de clinique assistante
Amiens

Article paru dans la revue « Du Jeune Pneumologue » /AJP02 N°02

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