"Rêve d'Enfance" : Roland Garros

Publié le 06 May 2022 à 15:00


Et si pendant un jour, on vous proposait de sortir de votre quotidien hospitalier pour voir autrement les enfants que vous soignez ?

C’est ce que j’ai fait en mai dernier, en accompagnant un groupe d’enfants malades ou en rémission de leur maladie sur les courts de « Roland Garros », avec l’association « Rêves d’Enfance ». Cette association, créée en 2001 par des étudiants bénévoles d’ HEC, propose à des enfants atteints de leucémie ou de cancer de participer à des activités diverses pour se changer un peu les idées. Pour mener à bien leurs projets, les jeunes de l’association doivent non seulement avoir des idées pour faire plaisir aux enfants, mais aussi savoir organiser les sorties pour que celles-ci se passent en toute sécurité pour les participants. A ce titre, ils ont besoin d’une présence médicale, censée s’occuper des enfants malades en cas de pépin.

Je me suis donc laisser embaucher pour ce rôle le 21 mai dernier, pour la fameuse journée à « Roland Garros ». Je dois dire qu’en m’y engageant, je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre. Combien d’enfants ? Jusqu’à quel point sont-ils malades ? Comment ferais-je, au milieu des tribunes, pour assurer si par hasard un enfant faisait un malaise ou que sais-je encore ? Telles étaient mes questionnements de la veille.

Départ : parvis de la gare Montparnasse. Je vois un groupe de jeunes en polo bleu marine, et identifie le groupe « Rêves d’Enfance ». Des enfants arrivent les uns après les autres. J’en connais certains pour les avoir traités. C’est pleine forme, ayant repris un peu de poids et les cheveux ayant repoussés. Je récolte au passage leurs mini-dossiers médicaux, soigneusement remplis par leurs médecins référents. Intimidés, une fois laissés par leurs parents, ils restent mutiques, scrutent l’espace, où se réunissent par petits groupes car certains se connaissent de l’hôpital. Difficile de savoir comment se placer : je suis là en tant que blouse blanche, mais ils ont l’air de tout sauf d’enfants qui ont des problèmes de santé. Tout le monde est là : 9 enfants, 5 accompagnateurs et moi. On prend le métro (ce métro qui leur était interdit ! C’est bien la preuve que ces enfants mènent une vie normale !) et les langues se délient. Curieuse je m’intéresse à leur vie au présent : « alors, qu’est-ce que vous faites en ce moment ? », et de me balancer comme réponse : « bah on va en cours, qu’est-ce que tu crois ? ». Mais oui, qu’aurais-je pu croire ? Ils sont tous super investis à l’école, quel que soit leur niveau, et ont de grandes ambitions : l’une veut être dans le design, l’autre architecte, ou comédienne, et tous les autres médecins, voire pédiatres, etc. Ils me posent plein de questions sur les études.

Arrivée à « Roland Garros ». On s’installe dans les tribunes du court central, dans un petit coin d’ombre, mais avec une bonne visibilité. Au programme : des matches d’exhibition entre toutes les grandes têtes de séries mondiales, moment de détente pour eux à la veille du début du grand tournoi. Et ce, agrémenté par une énorme sono, et « Bob Sinclar » aux platines. « Nadal contre Jokovic », « Jokovic contre Tsonga », « Tsonga, Clément et Monfils contre Nadal, Llodra et Teddy Rinner » (mais oui, même un judoka peut se frotter aux n°1 mondiaux). Même « Bob Sinclar » se laisse prendre au jeu et descend sur le court ! Ce n’est certes pas l’atmosphère si particulière du tournoi, mais il y a une ambiance folle, et les enfants adorent ça. Ils chantent, crient, applaudissent les belles frappes, les coups fourrés que s’envoient les joueurs. Ils se marrent, se lancent des vannes et nous en

lancent de même, prennent des photos et vidéos des animateurs de « Rêves d’Enfance » qui miment les parties sur le court, de moi avec ma casquette qu’ils ont mis à l’envers sur ma tête. Ils sont bien loin, les dossiers médicaux et les appréhensions de la veille : c’est une « minicolo » dans les tribunes du court central ! Sur les coups de seize heures, un petit goûter est organisé pour eux, ainsi qu’une rencontre avec une star du tennis. Affamés, ils se ruent sur les bonbons, gâteaux qui leur sont offerts, et ne se doutent même pas qu’une immense star du tennis est juste derrière eux, « Sébastien Grosjean », qu’ils ne reconnaissent pas (mais étaient-ils seulement nés quand celui-ci jouait encore ?). Instant rassasiant pour les plus jeunes, et bien drôle pour les plus vieux comme moi.

Au moment de repartir et de rendre ces enfants à leurs parents, à leurs cours et à leurs projets de vie, je me dis que cette journée m’a apporté un peu plus que de passer une journée à « Roland Garros ». J’ai été invitée à retirer ma blouse blanche et à passer un petit moment dans la vie « après » de ces enfants qui ont vécu un cataclysme. Les voir revivre et pas seulement survivre après le cancer, pouvoir s’amuser avec eux et non pas seulement avoir quelques nouvelles de loin, ça fait du bien aussi au médecin.

J’ai goûté aux vertus thérapeutiques de ce type d’initiative pendant quelques heures. « Rêves d’Enfance » a plein d’autres projets : baptême de l’air en hélico, invitation aux matches « PSG - Lorient », week-end à « Disneyland » ou au « Puy du Fou », et leur projet phare : une croisière en voilier au large de la Corse ! Intéressés, renseignez-vous. Il existe plein d’autres associations qui offrent du rêve aux enfants, mais dont on peut aussi avoir le privilège de profiter.

Noémie LAVOINE

Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°04

L'accès à cet article est GRATUIT, mais il est restreint aux membres RESEAU PRO SANTE

Publié le 1651842059000