Retour sur l'actu: Campagne #Protegetoninterne

Publié le 13 May 2022 à 16:55


UN INTERNE MET FIN À SES JOURS TOUS LES 18 JOURS
Devant ce terrible constat, l’ISNI a lancé fin mars, sa campagne # Protege Ton Interne , dans le but de sensibiliser la population générale à ces drames et de libérer la parole chez les internes. Dans son enquête Santé Mentale publiée en 2017, l’ISNI alertait déjà sur le risque suicidaire des internes en médecine, trois fois plus élevé que la population générale. Près d’un interne sur 4 déclarait avoir eu des idées suicidaires. La crise sanitaire covid-19 n’a été qu’un catalyseur à ce mal-être chez les internes connu par les gouvernements successifs mais ignoré délibérément.

LES CAUSES SONT ÉVITABLES !
Épuisement professionnel : Un interne en médecine travaille en moyenne 58h par semaine, plus de 70h en chirurgie et peut réaliser des gardes de 24h. Le décret n°2015-225 du 26 février 2015 et la directive européenne 2003/88/CE imposent 48 heures de travail par semaine. Harcèlement moral & violences sexistes et sexuelles : Ces actes sont protégés par une omerta entretenue par le cumul des pouvoirs de la hiérarchie hospitalière et universitaire qui possède un contrôle total sur l’avenir professionnel des jeunes médecins. Les victimes sont enfermées au cours de l’internat avec leurs agresseurs sans possibilité de recours et avec l’angoisse des représailles. Dans son article du 02 avril, Médiapart a mis en lumière à Poitiers, ce système tortionnaire où les internes n’ont malheureusement aucun échappatoire.

LES IMPACTS SUR LA SANTÉ PHYSIQUE
Les conditions de travail impactent notre santé mentale mais aussi notre santé physique. D’après une étude de l’OMS, travailler plus de 55h par semaine augmenterait de 35 % le risque d’AVC et de 17 % le risque de mourir d’un infarctus. Les conséquences de cette souffrance vécue au cours de l’internat sont sans appel sur l’attractivité de l’hôpital public : 77 % des jeunes médecins le fuient. Comment vouloir continuer à travailler pour l’hôpital public après notre internat s’il nous a détruit au plus profond de notre être ? Mais surtout, nos semaines à rallonge mettent en danger nos propres patients en les exposant à des erreurs médicales. Comment garantir une prise en charge optimale quand nous entamons notre 60ème heure de travail hebdomadaire ou notre 22ème heure de garde sans dormir ?

HOMMAGE LE 17 AVRIL DERNIER
Le 17 avril, un hommage silencieux a été rendu aux internes tués par un cursus universitaire violent, tués par un hôpital public destructeur. Cet hommage, nous le devions pour la mémoire de ces internes fragilisés malgré eux par des conditions de travail et de formation inhumaines. Plusieurs soutiens se sont exprimés dont plusieurs organisations syndicales de médecins libéraux ou hospitaliers. La Conférence des Doyens et la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ont publiquement pris des engagements concrets en faveur du bien-être des internes. La presse a également été sensible à notre combat et nous a donné un écho indispensable sur la scène médiatique.

LA LOI ET RIEN QUE LA LOI
Notre revendication est simple : l’application de la loi avec notamment la mise en place d’un décompte horaire du temps de travail limité par la loi. Un recours avait été déposé dès novembre 2020 par l’ISNI sur le temps de travail des internes auprès du Conseil d’Etat. En avril dernier, celui-ci avait mis en demeure le Ministre de la Santé Olivier Véran, de produire des observations en défense. A ce jour, aucun retour n'a été fait de leur part. Effectivement, face à ce terrible constat et malgré la violation permanente de nos droits, seul le ministre de la Santé Olivier Véran, ancien interne et ancien membre du bureau de l’ISNI, est resté mutique et sourd à notre revendication sur le décompte horaire du temps de travail des internes. Son silence témoigne d’un profond mépris pour les internes mais aussi pour les familles endeuillées représentées par la LIPSEIM (Ligue Pour la Santé des Étudiants et Internes en Médecine). Alors que chaque année, les internes souffrent en silence brisés par une omerta totale sur leurs conditions de travail, le cabinet du ministre Olivier Véran a affirmé explicitement ne pas vouloir mettre en place un décompte horaire du temps de travail des internes au cours d'une réunion le 20 mai dernier.

TEMPS DE TRAVAIL DES INTERNES RESPECTÉ EN EUROPE
Le principal argument du refus catégorique de décompter le temps de travail au péril des internes par le ministère français serait la « difficulté d’un décompte horaire », d’après une interview pour le média Konbini le 4 juin dernier. Mais comment y croire quand dans d’autres pays de l’Union Européenne, la réglementation de 2003 est respectée pour les internes : 41,1 heures hebdomadaire pour la Suède ou encore 46 heures pour les internes finlandais qui fonctionnent avec un système de badge. Comment y croire quand en Belgique, les internes se sont mobilisés pour leur temps de travail en mai dernier aboutissant à des contrôles massifs dans les hôpitaux ?

REÇU PAR LE CABINET, PAS PAR LE MINISTRE…
L’enjeu du respect du temps de travail est pourtant essentiel : c’est un combat pour la santé des soignants et des patients. Pour ces raisons, l’ISNI avait appelé l’ensemble des internes en médecine de France à une grève dès le 18 juin avec une manifestation nationale le 19 Juin 2021 à Paris. Les internes en médecine de France ont mené une grève de 48h les 18 et 19 juin 2021. 48h de grève pour 48h de travail, durée maximale hebdomadaire légale de travail en France et en Europe. Le samedi 19 juin, une délégation de l’ISNI a été reçue par le cabinet d’Olivier Véran. Par son cabinet, le ministre - qui refuse tout entretien individuel avec l’ISNI - a fait savoir qu’il refusait toujours catégoriquement de décompter le temps de travail des internes. En refusant le décompte du temps de travail et tout dialogue avec l’ISNI, syndicat représentatif des internes de France, Olivier Véran assume une responsabilité dans les futurs décès d’internes et de patients du fait de l’épuisement des soignants.

Jusqu’à l’application de la loi, l’ISNI déploiera toutes les voies de recours institutionnelles, juridiques, judiciaires et sociales, qu’elles soient françaises ou européennes.

Nous ne lâcherons rien pour les internes, pour nos patients. Nous ferons respecter la loi !

« HEUREUSEMENT, C’ÉTAIT UN SERVICE BIENVEILLANT »
Anis est interne depuis novembre 2020 en MG. Il a débuté son internat par un stage aux urgences dans un hôpital de l’AP-HP, en pleine 2e vague de Covid. Il raconte ce premier semestre. « Tout à coup, on a beaucoup de responsabilités. Dès la première semaine, en plus des patients Covid, on a des patients avec infarctus, AVC, crise d’épilepsie, détresse respiratoire, etc. Après une semaine de 80 heures et des gardes tous les 3 jours, on se sent fatigué. Tout le monde est fatigué mais on tient le coup. Pour l’équipe. J’ai eu la chance d’être dans une équipe d’internes où nous étions tous soudés. Les chefs de service aussi étaient bienveillants. Ils étaient très dispos, y compris la nuit, il y avait toujours une personne référente lors des gardes. Cette bienveillance est essentielle car pendant ce semestre, j’ai été coupé de ma famille et de mes amis ; on est toujours en décalage au niveau des horaires et des week-end… ».

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°27

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