Actualités : Retour du congrès SFE 2024 - Atelier Hypersudation - Pourquoi l’endocrinologue transpire ?

Publié le 28 mars 2025 à 11:37
Article paru dans la revue « GÉNÉRATION S ENDOC » / GÉNÉRATION ENDOC N°3

Pour commencer à discuter de l'hypersudation c'est toujours une bonne idée de définir le mot.
L'hyperhidrose est définie comme une sudation excessive, quantitativement supérieure à celle nécessaire pour la thermorégulation normale.

Il existe 2 types des glandes sudorales :

La glande sudorale apocrine qui libère son fluide dans le follicule pileux et dont on ne connait pas la fonction.

La glande sudorale eccrine qui libère son fluide directement à la peau et qui est impliquée dans la thermorégulation. Elle a une activité antimicrobienne et est impliquée dans la régénération épidermique.

Nous n'avons pas de glandes eccrines sur les lèvres.

Il existe un test utilisé pour mesurer la concentration de chlore dans la glande sudorale sous-cutanée – historiquement utilisé pour le diagnostic de mucoviscidose (test de la sueur).

Le volume sudoral moyen est de 50 uL.

Les glandes sudorales ont une innervation :

Cholinergique pour la régulation de la température.

Adrénergique et noradrénergique impliquée dans la sueur émotionnelle.

Quand un patient se plaint des sueurs il faut toujours garder en tête :

À quels moments ? Dans quelles circonstances?

Topographie ? Persistance la nuit (spécialementpour la partie émotionnelle) ?

Tolérance à la chaleur et à la variation de température ?

Quantité de fluide sudoral ?

Dans quelle mesure cela impacte le quotidien ? (Echelle de gravite de l'hyperhidrose HDSS).

Dans la majorité des cas (90 %) il s'agit d'une hyperhidrose primaire, focale, symétrique. La localisation habituelle est palmaire ou axillaire.

Le traitement d'une hyperhidrose focale est progressif :

En 1ère ligne : les antiperspirants topiques (blocage anticholinergique), à mettre sur une peau sèche, le soir.

En 2ème ligne : la iontophorèse

En 3ème ligne : la toxine botulinique

En 4ème ligne : la chirurgie qui consiste en une sympathectomie.

S'y adjoignent les traitements adjuvants : absorbants pour les vêtements, des stylos anti-dérapants. Parmi les médicaments, on peut utiliser le catapressan, l'oxybutinine ou la paroxetine.

La forme focale asymétrique est décrite dans les infections, par exemple le zona.

Discuter de l'hyperhidrose en endocrinologie revient à distinguer hyperhidrose primaire et secondaire.

Pour rappel : l'hyperhidrose primaire focale est diagnostiquée d'après 2 critères majeurs et 2 critères mineurs.

Les 2 critères majeurs sont :

1. Sans cause apparente, souvent localisée sur des zones spécifiques du corps.

2. Transpiration excessive depuis plus de 6 mois sans cause identifiable.

Les 2 critères mineurs parmi les 5 suivants:

1. Symétrique, bilatérale.

2. Au moins un épisode par semaine.

3. Début avant 25 ans.

4. Histoire familiale.

5. Absence de transpiration nocturne.

Toute hyperhidrose généralisée doit faire évoquer une forme secondaire.

Une étude récente de Collercandy et al en Annals of Medicine 2022 sur 420 patients suivi au moins un an, a montré que l'étiologie la plus fréquente est un cancer solide (14.3 %), ensuite un cancer hématologique (14 %) et enfin des causes endocrines (5.2 %).

Malheureusement, dans 16.7 % des cas l'étiologie n'a pas été retrouvée.

Pour différencier l'hyperhidrose primaire et secondaire l'interrogatoire est utile.

1. Depuis quand dure-t-elle ?

2. Y'a-t-il des antécédents familiaux ?

3. Est-elle focale ou généralisée ?

4. Est-elle symétrique/bilatérale ?

5. Est-elle nocturne ?

L'orientation étiologique se fait ainsi sur le contexte et les signes associés :

1. Causes endocriniennes évidentes : ménopause, hypoglycémie, hyperthyroïdie.

2. Causes endocriniennes plus rares : Phéochromocytome, Acromégalie.

3. Causes neurologiques : lésions encéphaliques, sclérose en plaques, maladie de Parkinson, AVC, syndrome dysautonomique, syringomyélie.

4. Causes infectieuses : Tuberculose, VIH, Endocardite.

5. Causes malignes : cancer, lymphome, etc.

6. Causes iatrogènes : amiodarone, opiacés, bétabloquants, anti-estrogènes.

7. Causes toxiques : alcool, sevrage, drogues.

L'hyperhidrose nocturne est un diagnostic complexe : évoquer RGO et syndrome d'apnées du sommeil.

VIGNETTE CLINIQUE 1

Sueurs et drôle de tête

Hypertrophie des glandes sudorales et sébacées – sueur grasse avec une odeur particulière.

Patiente de 32 ans adressée pour une problématique de sueurs depuis environ 10 ans avec des antécédents de prognathisme opéré en 2019, déjà présent depuis l'adolescence. IGF-1 à 326 ng/ml soit 2.6 DS fait par le médecin traitant. Les sueurs sont essentiellement nocturnes, pas de flush, généralisée prédominant tête et tronc.

Cliniquement à 171 cm, placée en famille d'accueil (donc pas de taille cible), syndrome dysmorphique sauf une macroglossie.

Pendant une hospitalisation du jour : IGF-1 356 ug/l soit 3.72 DS. Le test HGPO : GH à T0 = 0.73 mUI/L et après 1H à 1.81 mUI/L. Sur l'IRM – petite image de 4-5 mm aileron hypophysaire droite.

Pas de traitement immédiat et recherche d'une apnée du sommeil recommandée.

VIGNETTE CLINIQUE 2

Flush et sueurs à la ménopause

Femme de 54 ans, ménopausée depuis l'âge de 51 ans avec syndrome climatérique pour laquelle elle est sous THM (E2 voie percutanée + progestérone naturelle), adressée en consultation pour des bouffées de chaleur invalidantes.

Découverte récente d'une HTA traitée par bithérapie (bétabloquant et IEC) =supérieure 3 mois plus tard réapparition des bouffées des chaleurs avec malaises et céphalées.

Dans la ménopause il y a des signes typiques :

1. Nocturnes et/ou diurnes.

2. Le plus souvent sans signe prémonitoire.

3. Favorisées par émotions, températures élevées, stress, prise d'alcool.

4. Sensation soudaine de chaleur accompagnée de sueurs profuses ± rougeur cutanée.

5. Soulagées par un THM adapté.

Et des signes atypiques :

1. Ne cèdent pas sous hormonothérapie substitutive adaptée.

2. Réapparaissent à distance de la ménopause.

3. Caractéristiques sémiologiques, bouffées de chaleur atypiques.

4. Associés à d'autres signes fonctionnels : céphalées, palpitations, malaises, diarrhées, poussée hypertensive.

Chez cette patiente, les bouffées de chaleurs étaient très différentes des épisodes précédents avec des épisodes paroxystiques 4 fois par jour environ avec céphalées occipitales, palpitations et sueurs profuses.

Un bilan hormonal a été fait : Métanéphrines urinaires à 5N et Normétanéphrines urinaires 4N.

Scanner surrénalien : lésion surrénalienne droite de 41 mm, 22UH, wash-out absolu à 75 %, wash-out relatif à 71 %.

Le diagnostic d'un paragangliome surrénalien4 (phéochromocytome) a été posé.

VIGNETTE CLINIQUE 3

Sueurs et diarrhée

Patient de 62 ans, bouffées vasomotrices de courte durée de 1 à 5 minutes avec une érythrose qui touche le visage, le cou et la partie supérieure du thorax. Notion de diarrhée hydrique 6 fois par jour. Le diagnostic de syndrome carcinoïde débutant a été posé.

Dans un syndrome carcinoïde les signes les fréquents sont :

1. Flush 90 %.

2. Diarrhée 60-80 %.

3. Douleur abdominale 35 %.

4. Bronchospasme 15 %.

5. Pellagre 5 %.

6. Cardiopathie carcinoïde 19-60 %.

7. Fibrose mésentérique 50 %.

VIGNETTE CLINIQUE 4

Very Important People

Patient de 61 ans, DT2. Tableau de diarrhées hydriques importantes avec flush minime et quelques sueurs. Imagerie abdominale et pelvienne : TNE pancréatique grade II Ki 67 à 6 % sur une PBH au niveau hépatique.

Dégradation rapide de l'état clinique.

Séjour en réanimation pour diarrhées profuses (supérieure6 L par jour), hypokaliémie à 1.8 mmol/l (nécessitant une perfusion de 20g de KCl par jour), acidose métabolique sur pertes digestives.

Devant la symptomatologie un dosage de VIP a été fait et le diagnostic de VIPome confirmé.

 

Dr Vlad RADILESCU
Actuellement FFI a l'hôpital Avicenne
Interne en endocrinologie 3ème année en Roumanie, Bucarest - Institut Nationale d'Endocrinologie "C.I Parhon"

Publié le 28 mars 2025 à 11:37