Résultats à long terme des patients avec infarctus de type 2 et lésions myocardiques

Publié le 24 May 2022 à 11:17

« Long-Term Outcomes in Patients With Type 2 Myocardial Infarction and Myocardial Injury » (1).

Andrew R. Chapman, MD Anoop S.V. Shah, MD, PhD Kuan Ken Lee, MD Atul Anand, MD Oliver Francis, MD Philip Adamson, MD David A. McAllister, MD Fiona E. Strachan, PhD David E. Newby, MD, PhD Nicholas L. Mills, MD, PhD
Référence : Circulation. 2018;137:1236-1245 – March 20, 2018, Volume 137, Issue 12

Résultats clés de l’article

  • La mortalité totale à 5 ans était significativement plus importante chez les patients présentant un IDM de type 2 par rapport à ceux avec IDM de type 1 (62,5 % et 36,7 % respectivement) avec un risque relatif ajusté à 1,51 (IC 95 % [1,21–1,87]).
  • C’est en réalité la mortalité d’origine non cardiovasculaire qui explique cette différence sur la mortalité toute cause dans le groupe IDM de type 2 (35,7 % versus 13,2 % ; RR ajusté = 1,66 ; IC 95 % [1,40 – 1,98]).
  • Néanmoins, un tiers de ces patients présenteront un événement cardiovasculaire dans les 5 ans.

Selon la 3ème révision de la définition universelle de l’infarctus du myocarde, un IDM de type 2 correspond à une ischémie myocardique liée à un déséquilibre entre la demande et l’apport d’oxygène sans mécanisme athéro-thrombotique aigu (2). Une lésion myocardique correspond à toute augmentation de troponine non liée à un mécanisme ischémique, comme par exemple lors d’une insuffisance rénale aigüe, d’une insuffisance cardiaque, d’une tachy- ou brady-arythmie ou d’une chirurgie lourde.
Le devenir des patients atteints d’un infarctus de type 2 ou d’une lésion myocardique reste incertain avec plusieurs études rapportant des résultats différents sur la mortalité globale, la mortalité cardiovasculaire et la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs.
Cette étude évalue la survenue de ces évènements cardiovasculaires à 5 ans chez ces patients.

Méthode

Population de l’étude
Etude monocentrique écossaise incluant tous les patients présentant une élévation du taux de troponine I ≥ 0,05 μg/L au sein d’un centre de cardiologie tertiaire à Edinburgh. Les patients admis pour une procédure programmée étaient exclus de l’étude. Un comité indépendant composé de 2 cardiologues classait les patients en :
Infarctus de type 1 : quand l’élévation du taux de troponine était associée à une présentation évoquant un syndrome coronaire aigu (symptômes évocateurs ou ischémie documentée à l’électrocardiogramme) ;
Infarctus de type 2 : quand le contexte évoquait une augmentation de la demande myocardique en oxygène (tachycardie, hypertrophie) ou une diminution de l’apport en oxygène (hypotension, hypoxie, anémie). Une élévation de troponine associée à un diagnostic clinique alternatif évocateur (ex : insuffisance rénale, insuffisance cardiaque,…) était également classée en IDM de type 2 ;

Lésion myocardique : quand l’élévation de troponine survenait en l’absence de symptôme ou de signe d’ischémie myocardique. Les patients présentant un infarctus du myocarde de type 3, 4 ou 5 étaient exclus de l’analyse. Le suivi des patients a été effectué via l’utilisation de registres de population locaux et nationaux.

Critère de jugement principal
Le critère de jugement principal était la mortalité toutes causes.

Critères de jugement secondaires
Les critères de jugement secondaires correspondaient aux événements cardiovasculaires majeurs (MACE combinant les décès d’origine cardiovasculaire et les infarctus du myocarde), aux infarctus du myocarde non létaux, aux décès par infarctus du myocarde, aux hospitalisations pour insuffisance cardiaque et aux décès d’origine non cardiovasculaire.

Design
Etude de survie prospective avec un suivi obtenu chez tous les patients jusqu`à la survenue du critère de jugement principal ou jusqu`à la date de censure (fixée au 16 novembre 2015).

Résultats
Population de l’étude

Entre janvier 2008 et juillet 2009, 2929 patients ont été identifiés avec une élévation de troponine, dont 807 présentaient au moins un critère d’exclusion.

Ainsi, l’étude a porté sur 2122 patients dont :

  • 1171 (55 %) présentaient un infarctus du myocarde de type 1.
  • 522 (25 %) présentaient une lésion myocardique.
  • 429 patients (20 %) présentaient un infarctus du myocarde de type 2.

Comparaison entre IDM de type 1 et de type 2
En comparaison avec les IDM de type 1, les patients avec IDM de type 2 ou lésion myocardique étaient plus âgés et plus souvent des femmes. Une anémie ou une insuffisance rénale étaient plus fréquemment rencontrées chez ces patients alors qu’un antécédent de revascularisation coronaire était plus fréquent chez les patients atteints d’un IDM de type 1. Les diagnostics les plus fréquemment posés pour les patients avec IDM de type 2 ou lésion myocardique étaient un trouble du rythme cardiaque, une décompensation cardiaque gauche, une pneumonie ou une fracture osseuse.

Résultats sur la Mortalité totale à 5 ans
La mortalité totale à 5 ans était significativement plus importante chez les patients présentant un IDM de type 2 par rapport à ceux avec IDM de type 1 (62,5 % et 36,7 % respectivement).

En analyse multivariée avec ajustement sur l’âge, le sexe, le tabagisme, la fonction rénale, l’hémoglobine, le diabète, l’hypertension, la coronaropathie, l’AVC et l’artériopathie, on retrouve un risque relatif (RR) ajusté à 1,51 (IC 95 % [1,21–1,87]).

Résultats sur les critères de jugement secondaires à 5 ans
Cet excès de mortalité dans le groupe IDM de type 2 se faisait du fait d’une augmentation de la mortalité d’origine non cardiovasculaire (35,7 % versus 13,2 % ; RR ajusté = 1,66 ; IC 95 % [1,40 – 1,98]).

Le taux d’événements cardiovasculaires majeurs (décès d’origine cardiovasculaire et infarctus non fatals) a été similaire chez les patients atteints d’IDM de type 2 et chez ceux avec IDM de type 1 (30,1 % et 32,6 % respectivement) mais, après ajustement, le risque d’événement cardiaque majeur apparait diminué en cas d’infarctus de type 2 (RR ajusté 0,74, IC 95 % [0,62 – 0,88]).

Le taux d’infarctus du myocarde non fatal a également été plus faible dans le groupe IDM de type 2 (RR ajusté à 0,58 ; IC 95 % [0,44 – 0,77]).

Par contre, les risques d’infarctus fatal et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque étaient similaires dans les deux groupes.

Comparaison entre IDM de type 1 et lésion myocardique
Les risques relatifs calculés lors de cette comparaison ont été similaires à ceux de la comparaison entre IDM de type 1 et IDM de type 2 pour le critère de jugement principal et pour la plupart des critères de jugement secondaires. Cependant, en présence d’une lésion myocardique, il existe un risque plus bas d’infarctus non fatal mais plus haut de décès d’origine non cardiovasculaire qu’en présence d’un IDM de type 1.


Tableau clé : Résultats univariés et ajustés sur la mortalité et les évènements cardiovasculaires majeurs à 5 ans entre IDM de type 1, de type 2 et lésions myocardiques

Résultats à 5 ans chez les patients ayant survécu plus de 30 jours
Chez les patients ayant survécu au moins 30 jours après la présentation initiale, les résultats étaient concordants, avec une mortalité augmentée en cas d’IDM de type 2 par rapport aux IDM de type 1 (RR ajusté : 1.52 ; IC 95 % [1.21 – 1.92]).

Discussion
Cette étude rapporte les résultats à 5 ans d’une population de patients ayant présenté un infarctus du myocarde de type 2 ou une lésion myocardique.

Plusieurs remarques découlent des résultats obtenus :
1) Plus des deux tiers des patients atteints d’IDM de type 2 ou de lésion myocardique sont décédés dans les 5 ans, avec notamment une augmentation significative de la mortalité non cardiovasculaire par rapport aux patients atteint d’IDM de type 1. Cela souligne le pronostic relativement péjoratif d’un IDM de type 2 ou d’une lésion myocardique.

2) Un tiers des patients ont présenté des événements cardiovasculaires. Chez les patients ayant présenté un IDM de type 2 ou une lésion myocardique, la présence d’une coronaropathie était un puissant prédicteur d’événements cardiovasculaires. Ainsi, une élévation de troponine lors d’une pathologie aigüe doit être vue par le clinicien comme une opportunité pour rechercher une atteinte coronaire et mettre en place les traitements permettant de diminuer le risque cardiovasculaire.

Il existe plusieurs limites à cette étude :

  • L’inclusion des patients dépendait d’un seuil de troponine fixé arbitrairement. En utilisant un seuil plus bas, les groupe IDM de type 2 et lésions myocardiques auraient pu contenir plus de patients, potentiellement moins sévères.
  • Le diagnostic différentiel entre IDM de type 2 et lésion myocardique est difficile en pratique, à l’origine d’un possible biais de classement.
  • La généralisation des résultats peut poser problème car l’étude ne portait que sur une population unique d’un centre hospitalier écossais.

La survenue d`un infarctus du myocarde de type 2 ou d’une lésion myocardique est un évènement de mauvais pronostic, associé à un risque élevé de mortalité toutes causes à 5 ans. Bien que cet excès de mortalité soit essentiellement lié aux décès d’origine non cardiovasculaire, un tiers de ces patients vont présenter un événement cardiovasculaire dans les 5 ans.
Ces résultats posent la question au clinicien de systématiquement rechercher une atteinte coronaire devant toute élévation de troponine, afin de pouvoir, le cas échéant, mettre en place les traitements de prévention secondaire adaptés.

Références bibliographiques

  • Chapman AR, Shah ASV, Lee KK, Anand A, Francis O, Adamson P, et al. Long-Term Outcomes in Patients With Type 2 Myocardial Infarction and Myocardial Injury. Circulation. 20 mars 2018;137(12):1236‑45.
  • Thygesen K and al. Writing Group on the Joint ESC/ACCF/AHA/WHF Task Force for the Universal Definition of Myocardial Infarction; ESC Committee for Practice Guidelines (CPG). Third universal definition of myocardial infarction. Eur Heart J. 2012;33:2551–2567.
  • Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°4

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