Registre Canadien « Canscad » : Etat des lieux des pratiques sur la dissection coronaire spontanee en 2018

Publié le 24 May 2022 à 13:10

Auteur
Gaétan CHARBONNIER
Interne à Bordeaux

Relecteur
Quentin FISHER
Année de fellow-ship/ mobilité
en cardiologie interventionnelle à Québec au Canada

Les dissections coronaires spontanées non athéromateuses représentent une part non négligeable de syndromes coronaires aigus (SCA) rencontrés en pratique clinique. Cependant, elles sont très souvent sous-diagnostiquées en raison d’une méconnaissance de cette entité. De plus, leur prise en charge reste débattue.

Le but de cette étude est donc de préciser les caractéristiques épidémiologiques de ces dissections coronaires spontanées non athéromateuses (SCAD).

Méthodes
Etude épidémiologique observationnelle prospective multicentrique dont l’objectif primaire est de décrire l’histoire naturelle des SCAD. Les objectifs secondaires précisent l’impact des décisions thérapeutiques, ainsi que les différentes présentations angiographiques.

Les critères d’inclusion sont la survenue d’une SCAD confirmée en angiographie, après exclusion de toute atteinte coronaire athérosclérotique (définie par une sténose supérieure ou égale à 50 % sur les autres vaisseaux).

Le critère de jugement principal considère la survenue d’évènements indésirables majeurs intra-hospitaliers (mortalité toutes causes, accident vasculaire cérébral, récidive d’infarctus myocardique, choc cardiogénique, insuffisance cardiaque, arrêt cardiaque, revascularisation non programmée, transplantation cardiaque) et d’évènements cardiovasculaires majeurs à 30 jours.

Résultats
Population
Au total 750 patients ont été inclus dans cette cohorte menée de juin 2014 à juin 2018, dans 22 centres nord-américains.

L’âge moyen des patients était de 52 ans, avec une nette prépondérance de femmes (89 %). L’hypertension artérielle était le facteur de risque cardiovasculaire le plus souvent retrouvé (32 %), mais 1/3 des patients n’avaient aucun facteur de risque cardiovasculaire.

Par ailleurs, ces patients présentaient fréquemment des antécédents migraineux (33 %), dépressifs (20 %) ou anxieux (20 %).

Présentation clinique
La présentation initiale classique était celle d’un SCA sans sus-décalage du segment ST (70 % des cas, contre 30 % de SCA avec sus-décalage du ST).

L’ECG initial était normal ou avec des changements non spécifiques dans près d`un tiers des cas. Cependant, 8 % des patients ont présenté des troubles du rythme ventriculaire.

L’échocardiographie transthoracique initiale objectivait une hypokinésie segmentaire dans près d’un cas sur deux, avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) le plus souvent conservée (FEVG moyenne à 55 %).

Facteur déclenchant
La survenue d’un facteur précipitant était le plus souvent retrouvé, que ce soit un stress émotionnel (50 %) ou physique (30 %).
La présence d’une fibrodysplasie musculaire, comme facteur précipitant, était retrouvée chez 30 % des patients, malgré un screening non fait ou incomplet dans près d’un cas sur deux.

Présentation angiographique
La présentation angiographique préférentielle était celle d’un type 2 selon la classification de Saw (lésion longue, diffuse, lisse et peu calcifiée). L’atteinte était majoritairement monotronculaire (87 %), avec une atteinte préférentielle de l’artère interventriculaire antérieure (52 %). La longueur moyenne de la lésion était de 33 mm, avec la présence d’une occlusion coronaire complète dans 30 % des cas. L’atteinte était le plus souvent distale, avec seulement 8 % d’atteinte proximale.

Enfin, une confirmation diagnostique par imagerie endocoronaire (OCT / IVUS) était jugée nécessaire dans seulement 8 % de cas.

Type de prise en charge
En accord avec les recommandations actuelles, un traitement conservateur était mené chez 84 % des patients avec une durée médiane d’hospitalisation de 4 jours.

Cette prise en charge permettait une évolution le plus souvent favorable, avec un seul décès à J30 (0.1 %).

Malgré la poursuite d’une bithérapie antiagrégante plaquettaire dans plus de 2/3 des cas, le taux d’événements cardiovasculaires majeurs était de près de 9 % à J30, avec une récurrence d’infarctus du myocarde (6 %) et de revascularisations non planifiées (3 %), d’AIT et d’AVC (1 %) (Figure 1).

Figure 1 : Résultats sur la survenue du critère de jugement composite principal : Mortalité toutes causes, récidive d’infarctus myocardique, revascularisation non programmée, accident vasculaire cérébral, choc cardiogénique, insuffisance cardiaque, arrêt cardiaque ou transplantation cardiaque.

Facteurs pronostiques
Deux facteurs pronostiques indépendants d’évolution péjorative ont été objectivés :

  • Existence d’une connectivité associée (OR ajusté = 8.7 pour le critère principal de jugement à J30).
  • Survenue de SCAD en contexte de péri-partum (OR ajusté = 2.8 pour le critère principal de jugement à J30).

Conclusion
La dissection coronaire spontanée non athéromateuse est une pathologie touchant essentiellement une population féminine d’âge relativement jeune inférieur à 60 ans, dont l’évolution immédiate après traitement conservateur est favorable, malgré un taux significatif de complications cardiovasculaires à court terme.

Le registre CanSCAD apparait comme essentiel dans la compréhension de cette pathologie, jusque-là peu connue et dont la prise en charge est peu codifiée. Devant la persistance de complications cardiovasculaires à court terme, des études complémentaires sont nécessaires, afin de guider notamment les options thérapeutiques disponibles.

Ce registre sera poursuivi sur un total de trois ans afin d`apporter des éléments de réponse sur la prise en charge optimale de cette pathologie.

Référence
Saw Jacqueline and al. Canadian Spontaneous Coronary Artery Dissection Cohort Study - CanSCAD ; JACC 2018 in press.

Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°5

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