Réformes de l’internat : Bilan à 1 an des réformes

Publié le 17 May 2022 à 02:21


Le 2 novembre 2017, la nouvelle réforme du 3ème cycle a été mise en place. Néanmoins, un flou entoure cette nouvelle réorganisation de la vie des internes. De nombreuses interrogations planent dans l’esprit des différentes promotions, aussi bien anciennes que nouvelles.

Bases de la réforme
Le DES comportera 12 semestres dont au moins 8 dans la spécialité, 5 dans un lieu de stage avec encadrement universitaire (CHU notamment) et 3 sans encadrement universitaire.

Cette réforme signe la fin des Diplômes d’études spécialisées complémentaires (DESC) qui permettaient de revendiquer une double spécialisation. Certains de ces DESC deviendront des spécialités à part entière (comme la médecine d’urgence ou la gériatrie) ; les autres se transformeront en formations spécialisées transversales (FST) ou en options.

En gynécologie obstétrique, 4 FST sont recommandées : la cancérologie, l'expertise médicale et préjudice corporel, la fœtopathologie, la médecine de la reproduction et andrologie. Néanmoins techniquement, chacun peut choisir la FST qu'il souhaite indépendamment de sa spécialité, si elle s'appuie sur un projet professionnel cohérent.
Nota bene : le droit au remord est conservé selon les mêmes modalités.

Une nouvelle organisation
Un des changements notables concerne l’organisation de ce 3ème cycle de formation. Les semestres seront désormais regroupés en 3 « phases » avec chacune ses propres objectifs.

La phase 1 de socle constitue la première année. Elle permet à l'étudiant d'acquérir les connaissances de base spécifique à la spécialité. Un semestre est à réaliser systématiquement en CHU. Les options ou FST sont à choisir à la fin de cette phase. Elles permettent une sur-spécialisation mais ne sont pas obligatoires. Elles prolongent néanmoins l'internat de 2 semestres supplémentaires.

La phase 2 dite d’approfondissement concerne les 2, 3 et 4ème années. La thèse doit être validée lors de cette période. Deux stages de chirurgie générale doivent être réalisés lors de cette étape.

La phase 3 dite de consolidation concerne la 5 et 6ème années. Elle prépare l'insertion professionnelle. Elle nécessite la maîtrise des compétences pour exercer la profession en autonomie. Sorte de fusion entre la fin d'internat et le début d'assistanat, cette étape est le centre de nombreuses interrogations. Techniquement, cette phase équivaut à une année de clinicat ou assistanat. (Nota bene : 2 années sont nécessaires pour l’accès au secteur 2, donc la phase 3 seule n'est pas éligible).

Nombreuses craintes
L'intersyndicat des internes a exprimé son inquiétude à propos de 3 des axes du DES.

Premièrement, la réduction d'un an du DES paraît paradoxale à une époque ou les maladies se complexifient. Dans un objectif de qualité de soins, ne faudrait-il pas compléter la formation ?

Deuxièmement, la phase 3 d'autonomie supervisée mène vers une disparition progressive de l'assistanat et donc du secteur 2. Or, les assistanats concernaient 95 % des internes spécialistes. Sera-t-il possible de garantir la préservation du post-internat ?

Et dernièrement, la transition du passage de la réforme entre les internes actuels et la nouvelle génération n'est pas anticipée. Les agences régionales de santé (ARS) n'ont reçu aucune consigne. La responsabilité de la transition est laissée au soins des acteurs locaux. Chacun essayera donc de trouver des solutions individualisées selon les régions.

En interrogeant les différentes promotions, on retrouve chez les « anciens » et « nouveaux » de nombreuses angoisses quant à leur futur.

D'un côté, la nouvelle promotion 2017 a la sensation d'un internat « au rabais » raccourci d'un an ; un internat pour lequel les instances locales tricotent des solutions parfois bancales dans le but d'adapter la réforme aux réalités du terrain. Notamment, dans de nombreux CHU habitués à tourner avec de vieux internes, des postes sont créés pour l'accueil des phases socles. Ce doublement de poste pose la question de la place du nouvel interne dans l'organisation du service.

D'un autre côté, les promotions 2016 et 2015 se sentent « sacrifiées » au dépend des nouvelles. Dans certaines régions elles sont rétrogradées, choisissant leurs stages après les nouvelles promotions. Elles font face à un avenir incertain quant aux assistanats chevauchants avec la promotion 2016 ou quant aux décalages pour master ou disponibilité. De même, des solutions de dernière minute sont discutées au sein des régions (postes fléchés…) pour palier un manque d'anticipation.

Cette réforme paraît peu adaptée aux réalités et disparités régionales. Des tentatives de solutions locales sont donc organisées autour de discussions avec chaque coordinateur de DES. Qui saura le mieux s'adapter ?

Avancées liées à la réforme
Un des grands points forts de cette réforme consiste à la création et l'utilisation de nouveaux outils d'enseignement. Des outils numériques nationaux ont été développés pour un apprentissage en autonomie par e-learning.

Des exercices de simulation permettent en chirurgie d'acquérir une expérience pratique avant la première arrivée au bloc. Chaque interne disposera d'un portfolio numérique permettant une meilleure visibilité sur sa progression.

L'idée d'organiser le 3ème cycle a été réalisée dans un souci d'uniformiser la formation. En effet, la formation des internes reste très dépendante de la région choisie et également des stages choisis selon le rang des ECN. L'objectif était de donner accès à chaque interne, partout en France, à une formation similaire ; et de réduire les inégalités en harmonisant à la fois les supports théoriques mais aussi les terrains de stage.

Les textes de lois prévoient donc une meilleure qualité d'encadrement

L'objectif principal de cette réforme est une amélioration de la formation dans sa globalité. Néanmoins, elle est accompagnée par une diminution des libertés, de par la rigidité du système.
Un manque de visibilité quant à son application concrète est responsable de nombreuses interrogations. Des solutions seront-elles apportées lors de l'année à venir ?

Alexane TOURNIER

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Article paru dans la revue “Association des Gynécologues Obstétriciens en Formation” / AGOF n°15

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