Réforme des expertises en responsabilité médicale

Publié le 13 May 2022 à 22:02

Brèves observations sur certains commentaires de la note de synthèse

Le colloque Expertises en responsabilité médicale était organisé le 12 octobre 2018 à la Faculté des Saints-Pères à Paris, à l’initiative de Monsieur Rémi PELLET*. Il nous présente ici ses quelques observations.

R. PELLET*

Faute de consensus général dans les débats préparatoires au colloque, j’ai essayé de dégager les idées qui avaient l’assentiment d’une partie au moins des participants. Pour souligner leur nouveauté ou, au contraire, le fait qu’elles s’inscrivaient dans la logique de travaux antérieurs, j’ai rapproché ces propositions de celles qui avaient été formulées dans des rapports publiés au cours de la décennie passée.

Même si j’ai essayé d’être objectif, en m’efforçant d’être plus “greffier des débats” que “doctrinaire”, je me suis forgé certaines convictions au cours des deux journées de travail et elles ont pu transparaître dans la note de synthèse que j’ai rédigée. Je comprends donc parfaitement que ce texte ne pouvait pas faire consensus et qu’il ait pu susciter des réserves et même de fortes oppositions.
Cependant, il me semble que certaines de ces objections ne sont pas fondées et que plusieurs propositions de réforme résistent donc aux critiques qui leur ont été adressées. Pour aller à l’essentiel, plutôt que de reprendre tous les éléments en débat, je me concentrerai sur ceux qui me paraissent les plus importants.

1- Critiquer n’est pas “déprécier par principe”
Dans leurs commentaires, les responsables de la CNAMed ont fait la remarque suivante : “Il y aura toujours des expertises dont la qualité sera jugée insatisfaisante, mais le discours qui consisterait à déprécier par principe la qualité des expertises judiciaires et des CCI est absolument injuste et ne correspond pas à la réalité rencontrée par ceux qui, au quotidien, traitent du contentieux de la responsabilité médicale”.
Bien entendu, contrairement à ce qui est suggéré, au cours des débats personne n’a eu l’intention de “déprécier par principe la qualité des expertises”, ce qui aurait été absurde.
Même si la CNAMed a été très sévèrement critiquée dans un rapport récent de la Cour des comptes, j’ai tenu à mentionner dans la note de synthèse les réponses du président de la Commission nationale et des présidents des CCI.
Il me semble malvenu de faire un procès d’intention à ceux qui, comme moi, s’interrogent sur la qualité des expertises rendues par les CCI, aussi bien d’ailleurs que sur celles qui sont produites devant les juridictions. D’autre part, il est permis d’être moins fataliste que la Commission nationale qui semble s’accommoder un peu facilement qu’il puisse exister longtemps encore de mauvaises expertises. Et, enfin, je regrette que la CNAMed minimise toutes les critiques qui sont adressées au système actuel et ne propose ni ne sou- tienne aucune réforme importante alors que certaines corrections sont demandées de longue date par des institutions importantes, comme le rapport de synthèse l’a montré.

2- Pourquoi refuser par principe de connecter les “expertises sanitaires” et les “expertises médicales” ?
Pour y voir clair, il me semble important de rappeler qu’il existe aujourd’hui deux systèmes d’expertises qui co-existent sans être “connectés :
• le premier est celui que l’on peut appeler celui des “expertises sanitaires” au centre duquel se trouve la Haute Autorité de Santé (HAS), celle-là même qui, d’une part, publie des recommandations de bonnes pratiques, mais qui, d’autre part, et c’est moins connu, agrée des organismes spécialisés (OA) qui ont la charge d’accréditer les médecins et équipes médicales des disciplines à risques aggravés : chirurgie, obstétrique, anesthésie.
• le second système est celui des “expertises médicales” qui est en fait composé de quatre ensembles : les experts judiciaires, les experts choisis par les juridictions administratives, les experts de la CNAMed et les experts hors liste...

Dans leurs commentaires respectifs, la CNAMed et M.  Roussel souhaitent que les deux systèmes coexistent sans se rejoindre au motif qu’ils n’auraient pas les mêmes objectifs. La CNAMed considère que “les OA sont investis dans une démarche qui vise à améliorer la qualité de soins proposés et participent au développement d’une culture de sécurité” et que “cette dimension est étrangère à la finalité première de l’expertise médicale judiciaire ou en CCI”, sachant que ce type d’expertise “ne s’inscrit pas dans la même temporalité que l’analyse d’un risque qui se serait réalisé”. Pareillement, pour M. Roussel, “il importe ainsi que chacun reste dans le rôle qui lui a été imparti par le législateur et le pouvoir réglementaire”.
Or, l’objectif des propositions est précisément d’aboutir à ce que les expertises “médicales” et les expertises “sanitaires” s’enrichissent réciproquement. Pourquoi ne pas se servir du résultat des expertises juridictionnelles/CCI pour élaborer des recommandations de bonne pratique ? La sécurité du transport aérien augmente grâce à l’exploitation systématique des expertises qui sont diligentées à l’occasion des accidents : pourquoi en serait-il différemment dans le domaine médical ? Les commentaires en réponse à la note de synthèse évitent malheureusement de répondre à ces questions.

3- Il faut reconnaître la persistance de risques d’erreurs majeures
La CNAMed propose seulement de perfectionner un peu le système des expertises médicales, en attribuant plus de moyens financiers à la CNAMed et/ou aux experts. Or, il me semble que le système des expertises médicales, même un peu perfectionné, ne pourra pas s’améliorer notablement s’il reste fondé sur les bases actuelles. Aujourd’hui, rien n’empêcherait la répétition de l’affaire “Hayum”.
Dans son commentaire, la CNAMed a écrit : “votre référence à l’affaire “Hayum’’ du nom du praticien mis en cause, montre qu’il est très difficile de sauve- garder le secret médical qui doit protéger l’ensemble des parties”. Or, bien évidemment, ce n’est pas moi, comme cela est sous-entendu, mais le Docteur Hayum lui-même qui a volontairement médiatisé son affaire parce qu’elle est un exemple d’un dysfonctionne- ment gravissime du système d’expertise judiciaire. Pour mémoire, dans cette affaire plusieurs experts près de la Cour de cassation s’étaient fourvoyés et leurs erreurs avaient failli entraîner la faillite d’un obstétricien. Le professeur Racinet et le magistrat honoraire M. Catteau ont fait une remarquable analyse de cette affaire dans le document qui fait partie du présent dossier. Or, personne ne peut dire aujourd’hui qu’une telle affaire ne pourrait pas se reproduire, parce que rien n’a été fait pour qu’il en soit autrement. Aujourd’hui, dans certains domaines, les incertitudes sont majeures : par exemple, comme le rappelle le rapport de synthèse, en obstétrique, concernant la lecture du rythme cardiaque foetal “les lecteurs-experts ne sont totalement d’accord entre eux que dans 20 à 30% des cas” ce qui veut dire qu’ils sont en désaccord entre eux dans 60 à 70% des cas ! Or, dans les contentieux qui mettent en cause des obstétriciens, il est avéré que l’interprétation du RCF par les experts des juridictions/CCI joue un rôle souvent décisif dans la détermination des responsabilités.

4- La CNAMed minimise le recours des CCI à des experts hors liste
Comme le rapport de synthèse l’a souligné, la conférence de consensus judiciaire considérait qu’ “il n’est pas de bonne pratique de choisir des experts hors liste”. Concernant le système CNAMed, la loi n’autorise les désignations d’experts hors liste qu’ “à titre exceptionnel” (l’article L 1142-12 du CSP.).
La Cour des comptes, dans son rapport de 2017, d’une particulière sévérité, constatait que la pratique des présidents de CCI de “confier des expertises à des médecins non-inscrits, dont elle n’a pas assuré la formation” est “devenue courante”. Sur cette base, j’ai écrit dans la note de synthèse que le choix d’experts hors liste est une pratique devenue “fréquente” dans les CCI.
La CNAMed répond qu’en 2017, “Sur la totalité des experts auxquels les CCI ont eu recours, 25% d’entre eux sont hors liste et cette pratique est autorisée par l’article L 1142-12 du CSP”. Devant les CCI, un expert sur quatre est donc choisi hors liste. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler sérieusement une pratique “exceptionnelle”. La CNAMed soutient que l’expert hors liste “intervient, dans la majorité des cas, en collégialité avec un expert inscrit sur une liste” mais il faut se contenter de cette affirmation qui n’est étayée par aucun chiffre. Le commentaire de la CNAMed est d’autant plus surprenant que les présidents de CCI, comme je l’ai souligné dans mon rapport, insistent sur le fait que sans le recours à des experts hors liste “le dispositif actuel ces- serait en effet de fonctionner à brève échéance”. Les présidents de CCI n’auraient pu écrire cela si la désignation d’experts hors liste restait véritablement “exceptionnelle”.

5- La formation scientifique “de haut niveau“ des experts n’est pas réellement assurée
La loi du 4 mars 2002 disposait que la Commission était “chargée d’assurer” cette formation. Comme la CNAMed n’y parvenait pas, l’article 112 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 a réduit l’obligation de la CNAMed qui n’est plus chargée que de “contribuer à” cette formation. Mais la Commission reconnaît qu’elle “ne dispose d’aucun moyen budgétaire pour assurer elle-même la formation des experts inscrits sur la liste nationale des experts en accidents médicaux et sa mission”. Que fait alors la CNAMed ?
Selon elle, “son objectif est de repérer des organismes ou des structures universitaires qualifiées présentant des garanties d’indépendance pour contractualiser avec eux la mise en œuvre d’une formation de haut niveau adaptée aux besoins des experts”.
Cependant, la CNAMed ne publie rien sur le sujet, son dernier rapport public étant de 2013. Tout ce que l’on sait c’est, comme je l’ai écrit dans ma synthèse, qu’elle “organise des séances de formation d’un peu moins de trente heures sur le droit des expertises médicales”. Et, à ma connaissance, il s’agit de formations juridico-éthiques, dont les intéressés disent qu’elles n’ont qu’un intérêt “relatif” (pour être aimable) et certainement pas “scientifique”.
La CNAMed ne propose aucune réforme importante, sinon, implicitement, de lui accorder un budget de formation mais elle n’indique pas quel usage scientifique elle en ferait.
Concernant la formation continue des experts, M. Roussel considère pour sa part que “les compagnies d’experts animent déjà un grand nombre de formations initiales et continues” et que “ces formations paraissent adaptées, tant en volume horaire qu’en qualité”. Mais qu’est-ce qui l’atteste ? Comment en pratique l’obligation de formation continue est- elle satisfaite ? Est-ce qu’on peut répondre à une telle obligation en obtenant une simple attestation de présence à des colloques, comme c’est le cas pour la formation continue des avocats ?
Venir écouter des spécialistes d’un sujet complexe, c’est s’informer, pas se “former”. Dans le domaine médical, un véritable stage de formation passe par la vérification de l’acquisition des connaissances par les stagiaires et de leur capacité à appliquer leur savoir technique. Or, les colloques organisés par les sociétés savantes ne sont pas organisés dans cette perspective.

6- Il faut évaluer la qualité des expertises plus et mieux encore que la moralité des experts
Au risque de surprendre et même de choquer, il me semble que cette opposition est stérile et trompeuse. Pour devenir experts judiciaires ou de CCI, il y a autant de motifs purs et impurs que pour devenir experts de compagnies d’assurance, que pour devenir magistrat, que pour devenir avocats de médecins ou de patients, que pour devenir professeur d’université...
Il n’y a pas que l’argent qui corrompt : le goût du pouvoir, de la reconnaissance qu’on n’a pas pu obtenir ailleurs, le désir de notoriété, celui de régler des comptes... peuvent conduire aussi à la partialité.
Cela vaut pour les professeurs d’université, dont je fais partie, comme pour les médecins-experts.
Ce qui importe ce n’est pas tant la “qualité” juridico éthique des experts que la qualité des expertises qu’ils rendent. C’est pourquoi il est permis de condamner le raisonnement suivi par certaines juridictions qui refusent de prendre en compte des expertises “privées” au seul motif qu’elles sont rédigées par des médecins rémunérés par des assurances.
Dans l’idéal, il faudrait que les juridictions/CCI puissent lire les expertises en ignorant l’identité de leurs auteurs dès lors que leur qualité de spécialistes du su- jet aurait été préalablement établie. C’est ainsi que procèdent les revues scientifiques lorsqu’elles confient les articles qu’elles envisagent de publier à des lecteurs qui ignorent tout des auteurs des textes. Cette méthode ne permet pas d’éliminer complètement les erreurs mais elle contribue certainement à les limiter. Le système actuel des expertises médicales ne permet pas d’évaluer scientifiquement leur qua- lité. Dans son commentaire, la CNAMed confirme qu’elle et les assemblées générales des cours d’appel ne s’appuient pas sur un bilan scientifique pré- cis des expertises rendues par les candidats à une réinscription ou, pour les candidats à une première inscription, sur leur réussite à des épreuves de sélection conçues à partir de cas concrets d’expertise. On peut donc faire mieux en la matière. Sur le sujet, la proposition de réforme qui a été avancée dans les réu- nions préparatoires à ce colloque part de celle qui avait été avancée par l’Académie nationale de médecine.

7- Ne pas déformer les propositions qui s’inspirent de celles de l’Académie nationale de médecine
L’ANM avait proposé de “connecter” les systèmes des expertises médicales et des expertises médicales, en opérant deux réformes essentielles :
• d’une part, en appliquant les principes de la “médecine basée sur des preuves”, à savoir faire obligation aux experts en responsabilité médicale d’indiquer le niveau de preuve de leurs arguments selon les classements élaborés par la HAS, pour les disciplines à risque aggravés ;
• d’autre part, en étendant la mission des OA par laHAS à la certification des experts en responsabilité médicale.

Les propositions évoquées lors des débats IDS/OA ne faisaient que prolonger cette logique. Dans ce schéma, concernant les spécialités à risques aggravés, les organismes agréés (OA) par la Haute autorité de santé (HAS) exploiteraient les expertises :

  • afin d’en tirer des recommandations de bonnes pratiques ;
  • de s’en servir pour former les experts dans le but de les certifier ;
  • pour apprécier la qualité des expertises, à la demande des parties.

En particulier, il a été proposé que les OA soient rendus destinataires des rapports d’expertise anonymisés afin de servir à la formation des experts. La CNAMed a objecté que “la communication des rapports anonymisés, à but scientifique, [...] se heurte à l’article 247 du CPC”. Mais la CNAMed ne cite par l’article qu’elle oppose. Or, l’article 247 du code de procédure civile dispose que “l’avis du technicien dont la divulgation porterait atteinte à l’intimité de la vie privée ou à tout autre intérêt légitime ne peut être utilisé en dehors de l’instance si ce n’est sur autorisation du juge ou avec le consentement de la partie intéressée”. Donc, contrairement à ce que soutient la CNAMed la loi autorise donc d’ores et déjà les juges et les parties intéressées à communiquer des expertises à des OA. Au demeurant, cette communication ne serait-elle pas autorisée comme elle l’est, rien n’interdirait de la proposer au législateur.
On remarquera de surcroît qu’il a été proposé de transmettre des rapports “anonymisés”, cette anonymisation visant précisément à éviter de porter attente à “l’intimité de la vie privée ou à tout autre intérêt légitime”.
Lors des débats avait été également proposé “pour les disciplines médicales à risques aggravés, telles qu’elles sont listées à l’article D 4135-2 CSP, [...] de conditionner l’inscription ou la réinscription sur une liste d’experts des juridictions et/ou de la CNAMed à l’examen préalable des candidatures par des ins- titutions compétentes dans la spécialité concernée : compagnies d’expert, organisme agréé (OA) par la HAS, société savante”.
Selon la CNAMed cette proposition porterait atteinte aux prérogatives qu’elle tire de la loi de 2002 “de dresser la liste des experts spécialisés en matière d’accidents médicaux, d’infections nosocomiales et d’affections iatrogènes” et elle reviendrait, “pour les experts inscrits sur la liste de la Cour d’appel, à retirer au procureur de la république son pouvoir d’instruction des demandes initiales et de renouvellement, et à l’assemblée générale des magistrats de la Cour, son pouvoir de les apprécier”. La CNAMed considère au surplus qu’il ne faudrait pas suivre la proposition parce que “les OA ou associations professionnelles n’interviendraient pas pour émettre un avis sur la candidature, mais assureraient ainsi un premier filtrage des candidatures, une sélection des candidats selon des critères non définis”.
Cette interprétation est clairement abusive car il n’a été proposé que d’imposer une procédure d’avis préalable sur les candidatures, les autorités judiciaires et la CNAMed demeurant libres de tenir compte ou non de ces avis.
Aucun pouvoir ne serait donc retiré aux procureurs de la république, aux assemblées générales des magistrats de Cours d’appel non plus qu’à la CNAMed. Il n’y aurait donc aucun filtrage mais simplement un avis rendu sur la base de critères scientifiques dé- finis à partir de l’exploitation des expertises que les OA se verraient transmettre à des fins d’exploitation systématique.

La CNAMed considère de surcroît que la proposition tendant à faire mettre en place un mécanisme d’évaluation des expertises par un ensemble HAS-OA serait contraire au principe selon lequel il devrait appartenir “à l’expert de prouver qu’il satisfait à des critères qui doivent être vérifiés par une autorité judiciaire, ou in- dépendante ou encore par un ordre professionnel”. Or, en réalité, dans le système proposé, l’expert pourrait prouver ses compétences en s’appuyant sur l’avis rendu par l’OA dont l’avis aurait été sollicité.
Il est donc permis de trouver particulièrement mal fondée l’opposition de la CNAMed aux principales pro- positions tirées des débats préparatoires à ce colloque

8- Apprécier objectivement les organismes agréés par la HAS et le mode actuel de sélection des experts
Comme nous l’avons rappelé, l’Académie nationale de médecine (ANM) a été la première à proposer de faire jouer un rôle aux organismes agréés par la HAS pour la certification des experts, comme ils contribuent aujourd’hui pour le compte de la HAS au processus d’accréditation des médecins et équipes médicales exerçant des spécialités “à risques aggravés” dans les établissements publics et privés de santé.
En pratique, les OA sont aujourd’hui sollicités par des praticiens qui cherchent un avis sur des expertises qui les mettent en cause. C’est pour cela que certains de ces organismes agréés se présentent comme des instances de défense de leurs confrères.
Bien entendu, et le rapport de synthèse insiste sur ce point, pour que les OA puissent être éventuellement saisis par les juridictions ou des CCI, il faudrait que leur “positionnement” soit clarifié et que leur statut soit modifié afin d’assurer une complète transparence sur leur fonctionnement, par l’introduction de représentants de patients, par exemple. La CNAMed feint d’ignorer que la note de synthèse insiste sur la nécessaire trans- formation des OA afin qu’ils cessent de se présenter comme des organismes de défense des praticiens. D’autre part, la CNAMed et M. Roussel défendent une position paradoxale et en fait intenable. Ils considèrent en substance que les OA sont trop “corporatistes” pour pouvoir jouer un rôle à l’avenir dans l’analyse des expertises médicales et ils se disent en revanche satisfaits du mode actuel de sélection des experts. Or, quand elles procèdent à la sélection des experts, les juridictions et les CCI s’appuient sur l’avis des sociétés savantes et du conseil de l’Ordre des médecins. En quoi ces instances sont-elles moins “corporatistes” que les OA ? Concernant les conflits d’intérêts, il n’est pas rare que des sociétés savantes soient mises en cause au motif qu’elles entretiennent des liens trop étroits avec certaines entreprises privées1.
Le conseil de l’Ordre et les sociétés savantes vérifient-ils réellement la qualité du travail des médecins candidats aux fonctions d’expert ? Les débats préparatoires au colloque conduisent à répondre par la négative à cette question capitale.
Qu’est-ce qui ferait obstacle à ce que l’avis des OA- HAS s’ajoute à celui du conseil de l’Ordre et des sociétés savantes pour la sélection des experts ? À tout prendre, vaut-il mieux un avis d’instances comme les sociétés savantes dont aucune autorité publique n’évalue les méthodes de travail ou bien l’avis d’organismes soumis au contrôle de la HAS ?
S’il n’y a pas de consensus sur les OA déjà créés, on peut parfaitement en concevoir d’autres ou recourir à la CRIS, comme le docteur Jean Marty le préconise dans sa contribution aux débats. L’essentiel est de ne pas renoncer à créer un lien entre le système des expertises sanitaires et celui des expertises médicales pour établir un “cercle vertueux” dans le traitement des risques.
Dit autrement, il faut exploiter scientifiquement cette “mine d’informations” que représentent les expertises produites devant les juridictions et les CCI afin d’élaborer des recommandations de bonnes pratiques, d’améliorer la formation les experts et d’évaluer la qualité de leur travail.
J’ai bien conscience que mes observations ont pu heurter des sensibilités ou des intérêts. Aussi, pour conclure en prévenant certaines polémiques inutiles, vais-je me permettre de citer une note de bas de page d’un article que j’ai publié en 2017 dans les actes d’un précédent colloque :
“Le propos paraîtra sans doute exagéré à certains. Nous ne verrions que des avantages à ce que la contradiction nous soit apportée mais nous attendons une critique précisément argumentée. Chaque fois qu’une politique ou une institution est très sévè- rement mise en cause, il se trouve de fins esprits pour refuser le débat au motif que “tout ce qui est excessif est insignifiant’’ : ces malins feraient bien pourtant de se souvenir que l’auteur de la maxime, Talleyrand, était notoirement corrompu et que son modérantisme de principe servait à justifier ses compromissions”2.

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°115

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