Réforme de la formation en kinésithérapie : évolution du statut des étudiants et de leur participation à la formation !
Reform of physiotherapy training: Developments in student status and their involvement in their training!
RÉSUMÉ SUMMARY |
MOTS CLÉS KEYWORDS |
Note de la rédaction Cet article fait partie d'un ensemble indissociable coordonné par Michel Gedda et Daniel Michon, publié dans ce numéro sous forme d'un dossier nommé « Réforme de la formation initiale : l'unité pour l'université » et composé des articles suivants : • Mathieu P. Une formation pour répondre aux besoins de santé des personnes et de la population. Kinesither Rev 2015;15(167). • Maignien F. La kinésithérapie française rejoint la physiothérapie internationale. Kinesither Rev 2015;15(167). • Lardry JM. L'expérimentation de la sélection à l'entrée aux études de masso-kinésithérapie par la première année de médecine : 25 ans d'une histoire mouvementée. Kinesither Rev 2015;15(167). • Dinet C. L'histoire chaotique d'une réforme au coeur du projet de la profession. Kinesither Rev 2015;15 (167). • Michon D. Enjeux, sens et innovations de la réforme de la formation en kinésithérapie : les apports de la dialogique « professionnalisation et universitarisation ». Kinesither Rev 2015;15(167). • Signeyrole J. En quoi une réforme peut-elle changer les pratiques de formation ? Une question de lecture et de perspectives. Kinesither Rev 2015; 15 (167). • Hancart-Lagache V, Richard É. La dynamique de la formation clinique et l'intérêt du portfolio. Kinesither Rev 2015;15(167). • Tourjansky Y. Stage libéral pour les étudiants en kinésithérapie : une étape cruciale à franchir. Kinesither Rev 2015;15(167). • Vaillant J. Du projet de la profession au développement des compétences par la recherche. Kinesither Rev 2015;15(167). • Fumeron C, Poreaux-Laurent MF. Réforme de la formation initiale en kinésithérapie : des évolutions en attente pour les étudiants déficients visuels et les étudiants sportifs de haut niveau. Kinesither Rev 2015;15(167). • Boisnard C. Réforme de la formation en kinésithérapie : évolution du statut des étudiants et de leur participation à la formation ! Kinesither Rev 2015;15 (167). • Sarhan FR, Lecocq F. Réforme de la formation : quels impacts pour l'exercice salarié ? Kinesither Rev 2015;15(167). |
Depuis maintenant huit ans, les étudiants se battent aux côtés des professionnels pour réingénier la formation initiale en masso-kinésithérapie. Une telle réforme a pour intérêt d'améliorer les enseignements, la reconnaissance de la formation, et de positionner les étudiants comme acteurs centraux de leur formation. Nous sommes aujourd'hui à un tournant historique de nos études, malgré le chemin restant à parcourir. Quelles évolutions pouvons-nous noter à ce jour ? Quelles améliorations reste-t-il à défendre ?
UNE MODIFICATION DU STATUT D'ÉTUDIANT EN KINÉSITHÉRAPIE. . .
En 2003, les étudiants en kinésithérapie obtenaient la reconnaissance de leur statut social d'étudiant. En ont découlé différents droits, tels que : le droit à la sécurité sociale étudiante, à des bourses d'études, à l'accès aux services du Centre Régional des Èuvres Universitaires et Scolaires (CROUS), ou encore aux différentes aides et réductions accordées aux étudiants. Depuis l'arrêté du 23 décembre 1987 [1], le recrutement des étudiants se faisait officiellement par le concours Physique- Chimie-Biologie (PCB), auquel se sont ajoutées des classes préparatoires, « obligeant » les élèves à effectuer une année en amont du concours, sans statut étudiant, avant d'entrer en Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie (IFMK). Ces concours privés et lucratifs (en moyenne supérieur à 120 s l'unité1) constituent un investissement pour les étudiants qui en passent plusieurs dans la France entière pour multiplier leurs chances de réussites.
En 2015, fin des classes préparatoires privées et suppression du concours PCB : une avancée pour les étudiants !
En effet, l'arrêté interministériel du 16 juin 2015, relatif à l'admission dans les instituts préparant au Diplôme d'État de masseur-kinésithérapeute [2], supprime le concours PCB des voies légales d'accès à la formation en kinésithérapie (sauf dérogation provisoire).
La généralisation de l'accès par voie universitaire réduit les inégalités entre étudiants.
Tout d'abord en leur accordant un statut étudiant lors de cette année. Ensuite, en les « sélectionnant » par une Première Année Commune aux Études de Santé, une L1 Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives, ou une L1 Sciences, avec un coût de première année universitaire (184 s par an) et sanctionnée de 60 European Credits Transfer System (ECTS). Ces crédits européens facilitent la comparaison des programmes d'enseignement dans les pays européens, permettant ainsi d'impliquer la formation en masso-kinésithérapie dans le processus de Bologne pour la première fois et d'ouvrir les portes à la mobilité européenne.
Un changement d'accès, mais également un remaniement du squelette de la formation
Le programme de la formation en masso-kinésithérapie, datant de 1989, n'avait jamais été rénové jusqu'à ce jour, malgré les avancées importantes dans le domaine des sciences médicales ou de la pédagogie.
Les Unités d'Enseignement (UE) composant la maquette de formation permettent aux études de kinésithérapie un rapprochement du fonctionnement universitaire, en délivrant chacune un certain nombre de crédits européens à leur validation par l'étudiant.
Avec trente-deux UE, réparties sur deux cycles de formation, l'étudiant bénéficiera de 240 ECTS à la fin des quatre années de formation en IFMK, prenant ainsi en compte le temps de travail personnel des étudiants comme le temps effectif des enseignements.
Le Diplôme d'État réingénié sera dispensé de 300 ECTS lorsque cinq années conventionnées avec l'Université seront validées, mais la reconnaissance au grade master de la formation n'est pas encore acquise et reste une attente des étudiants.
Sans reconnaissance, comment la kinésithérapie française pourra se rendre compétitive face aux pratiques internationales ?
La mobilité internationale des étudiants, actuellement difficile, serait également facilitée par l'intégration universitaire de la formation en kinésithérapie. Effectivement, la mise en place de conventions entre université et IFMK, qu'il reste à établir dans chaque localité, pourra donner lieu à la signature de la Charte Erasmus et à la mise en place d'un statut étudiant kinésithérapeute français à l'international.
L'enjeu de ces conventions est d'instaurer un accès aux services de la vie étudiante, une éligibilité universitaire, et une dynamique de recherche pour améliorer la prise en charge des patients et faire rayonner la Kinésithérapie française à travers le monde. La formation initiale à l'international est d'ailleurs parfois pleinement intégrée à l'université et suit un cursus licence-master-doctorat (LMD) en kinésithérapie [3], ce vers quoi la formation pourrait tendre en France.
En dépit de disparités persistantes à l'international, la réingénierie de la formation aura quoi qu'il en soit permis des avancées en termes de reconnaissance du statut des étudiants en kinésithérapie, ouvert l'accès à de nombreux services universitaires conditionné cependant à l'établissement de conventions. Et surtout, elle aura rendu une équité parfois perdue entre les futurs praticiens, ainsi que la place centrale de l'étudiant au sein de ses études permettant un investissement plus important de leur part à la formation.
UNE MEILLEURE PARTICIPATION AU SEIN DE LA FORMATION. . .
Il s'agit souvent d'un élément dissimulé lors du cursus des étudiants, cependant la participation à la formation initiale est un composant central permettant son amélioration et la responsabilisation estudiantine.
Grâce à la réingénierie, et par la mise en place de la nouvelle maquette de formation, les étudiants se trouvent dans une démarche d'apprentissage différente. À travers plusieurs UE du programme, ils sont invités à travailler sur l'élaboration du raisonnement professionnel et de l'analyse adaptée à la kinésithérapie. Leur objectif premier est d'apporter une autonomisation et une autorégulation de la pratique des étudiants par une démarche réflexive personnelle et guidée par les formateurs.
L'étudiant est également acteur de son parcours de stage, où la mise en place d'un Portfolio basé sur l'auto-évaluation des compétences et la gestion de leurs acquisitions au cours des différents stages cliniques, permet le développement d'une démarche professionnelle de qualité. Le tuteur de stage, quant à lui, supervisera la progression du stagiaire kinésithérapeute, dans le but de lui donner les outils pour aller plus loin dans la pratique.
Un changement de responsabilité donné aux étudiants, qui deviennent acteurs de la formation
Les étudiants kinésithérapeutes sont actuellement élus par leurs pairs au sein des conseils pour la gestion de leur formation (Conseil Pédagogique, Conseil de la Vie Étudiante, Conseil de Discipline, etc.), cependant leur portée reste limitée. L'enjeu pour les étudiants est de les voir décisionnaires, d'avoir une légitimité dans la vie des IFMK et face au système pédagogique.
La pertinence d'intégrer les étudiants aux décisions des établissements semble logique, car ce sont les premiers concernés par ces prises de positions.
De plus, la mise à profit de leur potentiel peut être un véritable atout dans le développement de compétences et d'expertises en rapport avec la vie professionnelle des futurs praticiens (prendre part à la vie d'un établissement, à la coordination des équipes, à la distribution d'un budget, etc.). Comparé aux universitaires, les étudiants kinésithérapeutes n'ont actuellement qu'un avis consultatif sur les questions de gestion d'IFMK. Dans le contexte de réforme, des conventionnements établis entre l'université et l'IFMK pourraient avoir un réel impact sur l'organisation de ces rendezvous importants pour la qualité des enseignements et la considération étudiante.
La prochaine étape logique de la réingénierie est la mise en place par les ministères, de groupes de travail sur la gouvernance des instituts paramédicaux, qui aboutiront certainement à de nouvelles dispositions adaptées à la « nouvelle » formation initiale en masso-kinésithérapie.
La réforme de la formation initiale aura bel et bien des retentissements sur la participation étudiante, particulièrement dans le domaine du développement de l'esprit critique et l'élaboration de raisonnements cliniques de la part des étudiants.
Malgré tout, les étudiants sont dans une démarche positive pour s'investir dans la vie des IFMK, en attendant la reconnaissance de leur légitimité aux prises de décisions.
Au cours de la réingénierie de la formation, les étudiants ont été consultés sur les travaux, et ont également su s'impliquer dans la construction de leur formation pour améliorer leur condition et la reconnaissance de leur statut d'étudiant en kinésithérapie. Ils sont aujourd'hui inclus dans un processus de réforme sur le long terme, dans lequel ils sauront s'investir en apportant une vision réfléchie et constructive sur la formation de demain.
Points à retenir
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DÉCLARATION DE LIENS D'INTÉRÊTS
L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
RÉFÉRENCES
[1] République française. Arrêté du 23 décembre 1987 relatif à l'admission dans les écoles préparant aux diplômes d'État d'ergothérapeute, de laborantin d'analyses médicales, de manipulateur d'électroradiologie médicale, de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue et de psychomotricien.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000871308&dateTexte=20080827&fastPos= 17&fastReqId=1694838601&oldAction=rechTexte.
[2] République française. Arrêté du 16 juin 2015 relatif à l'admission dans les instituts préparant au diplôme d'État de masseur-kinésithérapeute. http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte= JORFTEXT000030747066&dateTexte=&categorieLien=id.
[3] McMeeken J. Physiotherapy education in Australia. Phys Ther Rev 2007;12. 83–91, 1083–3196.
1 Prix moyen des frais d'inscription de l'année 2015 des concours maintenus pour l'année 2016.
Cet article est une re-publication réalisée avec l’accord des éditeurs de Kinésithérapie la Revue dans le cadre d’un accord passé entre la FNEK et Kinésithérapie la Revue. |
Clément Boisnard
FNEK c/o FAGE, 5, rue Frédérick-Lemaître, 75020 Paris, France
Reçu le 21 août 2015 ; accepté le 8 septembre 2015
Kinesither Rev 2015;15(167):65–68
Adresse e-mail : [email protected]
Du projet de la profession au développement des compétences par la recherche
From profession project to ski/is development through research practice
RÉSUMÉ SUMMARY |
KEYWORDS MOTS CLÉS |
L’introduction dans la maquette de formation initiale des kinésithérapeutes de la formation à et par la recherche marque un tournant dans la conception de la formation professionnelle de cette profession. Déjà introduite a minima dans nombre d’instituts de Formation en Wasso-kinésithérapie(IFMK) en France, le projet de recherche est un élément contributif à la formation de praticiens réflexifs et autonomes, capables de faire évoluer leurs pratiques en fonction des avancées de la science.
Note de la rédaction
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Le projet de la profession mentionnait «une formation à l'auto-évaluation des pratiques professionnelles fondée sur une initiation à la recherche » [1],
Partant du constat que « Le masseur-kinésithérapeute est aujourd'hui un praticien de santé, allié à la médecine, jil doit être] capable de contribuer à l'amélioration du système de santé (notamment par ses actes propres, mais également par des actes contributifs à la prise en charge médicale : consultations préparatoires aux consultations médicales) et à l'amélioration de qualité des actes (accès à la recherche) » [1]
L’argumentaire [1] précisait : « L'adossement à la recherche n'a de sens et d'intérêt que s'il colore toute ta formation. Il est attendu que dans tous les enseignements de savoirs et de techniques cet adossement permette aux professionnels en formation de comprendre et de s'approprier la complexité et le caractère dynamique des savoirs en jeu, leur dimension problématique, la nécessité de dépasser les évidences, les opinions pour pouvoir s'appuyer sur des critères rigoureux pour penser et agir dans les situations de soins. La formation à la recherche en Master 2 constitue un des supports du développement de méta-compétences à la relation de soins. Il ne s'agit pas prioritairement d'apprendre à instrumenter son action, mais bien davantage d'apprendre à faire avec l'incertitude. Cette approche réflexive et chtique est indispensable pour réaliser des actes de masso-kinésithérapie de qualité. La variété des situations de soins à affronter et des personnes à soigner rend caduques les formations de type applicatif ou normatif qui ne développe pas cette réflexivité. »
FORMATION PAR PROJET
La formation à et par la recherche trouve ses racines dans la pédagogie de projet qui est née au début du xx® siècle. L'idée est de rendre la personne en formation (enfant, adolescent ou adulte) auteur de son apprentissage [2],
Le « Learning by doing » de Dewey, évoluant vers l’approche éducative de projet « The Project Method » de Heard Kilpatrick, l’idée est de guider les apprentissages en faisant travailler sur des travaux de production réelle. C’est dans les années 1970-1980 que cette méthode de formation a été reprise dans la formation professionnelle et la formation des adultes [2]. Dans les formations d’ingénieur, d’architecte ou de manageur, le projet consiste à réaliser un prototype (au sens étymologique du terme) organisationnel, industriel, financier, etc. Aussi, on retrouve la réalisation : de prototypes matériels, de maquette, de business plan, d’application informatique, de site internet, de méthode, de produit, de design d’objet, de packaging, etc.
Le second élément essentiel du travail par projet est le travail en équipe. En effet, la dimension du travail coopératif est particulièrement formatrice et facilitatrice d’acquisition de compétences de communication et d’organisation. Pour accentuer cette dimension, dans un certain nombre de cursus, ce projet est collectif. Ainsi, l’école Polytechnique (Université Paris-Saclay) nomme ce travail « Projet Scientifique Collectif » (PSC). Le PSC réalisé sur un an a quatre objectifs [3] :
- permettre un travail d’approfondissement scientifique piloté par les élèves eux-mêmes, sur un sujet de leur choix, dans une démarche qui doit être créative et collective ;
encourager le travail collectif et l’esprit d’équipe, sur une durée longue, permettant d’acquérir des bases d’organisation ; - offriraux élèves une première expérience de la réalisation et de la gestion de projet ;
favoriser la collaboration entre élèves et chercheurs.
Le projet, par son caractère pratique et concret, donne du sens à l’apprentissage. Sa réalisation impose la mise en lien des savoirs et des savoir-faire.
La pédagogie de projet est au cœur de la pédagogie active.
Le questionnement, le recherche bibliographique, l’élaboration de la problématique comprenant le cadre conceptuel et les hypothèses de travail, le choix de la méthodologie, le recueil des données, l’analyse des données et leur mise en discussion au regard de la littérature, la rédaction du travail, la présentation et la soutenance de la recherche sont autant d’activités qui requièrent des compétences également utiles dans le suivi thérapeutique de patients (mais également dans les activités d’ingénierie en général).
Des études effectuées à Polytechnique [3] ont montré que les étudiants estimaient avoir acquis des compétences et gagné :
- en maturité et en autonomie dans le travail ;
- en qualité de veille scientifique et technologique permanente pour continuer à se démarquer ;
- en capacité à traiter une information abondante (y compris en anglais) et à la hiérarchiser (de nos capacités à démarrer un projet à partir de zéro, les Anglo-Saxons appellent cela le f< researcher instinct ») ;
- en capacité à travailler en équipe pluridisciplinaire, qui plus est (une constante en entreprise), et à être intégré à des réseaux professionnels ;
- en sens de l’analyse, de la capacité d’apprendre, en plus de la maîtrise de méthodes rigoureuses.
FORMATION À ET PAR LA RECHERCHE EN KINÉSITHÉRAPIE
L’annexe 1 de l’Arrêté définissant la réforme des études inscrit dans la compétence 8 les éléments principaux obtenus dans la formation à et par la recherche. Le texte précise sous la compétence générique (méta- compétence) de « Rechercher, traiter et analyser des données professionnelles et scientifiques », neuf compétences principales définies par la capacité des jeunes professionnels à :
- identifier, sélectionner et utiliser les bases de données scientifiques ;
- conduire une recherche bibliographique ;
- analyser et synthétiser les articles scientifiques et évaluer leur impact potentiel sur sa pratique professionnelle ou sur la recherche conduite ;
- formuler un questionnement scientifique, permettant de dégager les objectifs de la recherche ;
- élaborer un protocole de recherche ;
- identifier les organismes à consulter et les rôles des partenaires mobilisables dans le cadre de la recherche ;
- planifier et conduire une action de recherche de manière individuelle et en groupe ;
- élaborer une communication orale et rédiger un rapport et un mémoire de recherche ;
- communiquer en français et en langue étrangère par écrit et par oral sur la recherche réalisée.
Ces compétences sont utiles pour la participation à un travail de recherche.
RÉDACTION D'UN PROJET DE RECHERCHE
Dans l’idéal, la réalisation du projet de recherche se construit sur une durée voisine d’un an, qui peut schématiquement se diviser en 4 grands temps :
- le choix du sujet et la problématisation ;
- l’élaboration de la question et de la méthode ;
- la réalisation de la recherche ;
- le traitement et l’analyse des données acquises et la rédaction finale du mémoire de recherche.
Évidemment, selon les domaines investigués, les méthodes scientifiques choisies (qualitatives versus quantitatives, par exemple), ce canevas général peut varier. L’expérience des écoles de physiothérapie dans les universités nord- américaines confirme les acquis obtenus par ce moyen pédagogique.
Il est moins question de faire de la recherche (et de la production de savoirs) que de se former par la recherche.
C’est à partir de ces nouvelles compétences (listées plus haut) que l’accès à la physiothérapie est devenu possible en accès direct (sans prescription médicale) tout en garantissant la sécurité des patients.
L’expérience acquise à l’IFMK de Grenoble qui a ébauché, puis développé (dans le cadre du partenariat avec l’université Joseph-Fourier permettant la délivrance d’un master 1) la rédaction de projets de recherche depuis vingt ans, montre que les étudiants ainsi formés ont également une capacité à reprendre avec succès des études dans un cursus de recherche universitaire de master 2 dans des disciplines variées (sciences humaines et sociales ou sciences biologiques et médicales).
Idéalement, à l’instar de ce que font les écoles d’ingénieurs comme Polytechnique-Paris-Saclay [4], les projets de recherche se font avec l’appui de laboratoires labélisés universitaires ou de grands organismes de recherche (CNRS, INSERM, INRIA, INRETS, etc.). Cette opportunité, qui est également plus exigeante, doit être privilégiée pour les étudiants ayant pour projet d’enchaîner les études professionnelles avec un cursus universitaire de recherche (M2 recherche et doctorat d’université).
RÔLE DU FORMATEUR CHARGÉ DE DIRIGER LE TRAVAIL [2]
Pour optimiser ce temps de formation, le formateur, directeur du travail de recherche, doit éviter tout à la fois le dirigisme et le laisser-faire. Ses principales missions sont :
- l’accompagnement et le guidage des apprenants ;
- l’apport des informations et des connaissances nécessaires et/ou des sources d’informations ou de connaissances ;
- le contrôle de l’avancement de la production et du planning prévu.
Le suivi d'un projet de recherche demande plus d'investissement et de compétences pour les formateurs chargés de ce suivi.
C’est vraisemblablement un des investissements que devront faire les IFMK dans le cadre de cette réforme, en facilitant les formations des directeurs de mémoires déjà en activité et en recrutant parmi les kinésithérapeutes titulaires de masters ou de doctorats de nouveaux directeurs de mémoire de recherche.
TYPES DE PROJETS DE RECHERCHES
Il existe différentes formes de projets de recherche scientifique. Le seul véritable impératif est que la méthode choisie permette de répondre à la question de recherche. Ainsi, la revue de bibliographie, les études épidémiologiques, les études expérimentales, les enquêtes, les observations sont des méthodes employées. Ces travaux peuvent faire l’objet de publication dans des revues de la profession (francophones ou anglophones).
Par ailleurs, outre la réalisation d’un projet de recherche, il peut également être envisagé de rédiger un projet de recherche pour soumission à un Comité de Protection des Personnes (CPP) ou à un organisme de financement de la recherche public ou privé (Programme Hospitalier de Recherche Paramedical, de la Direction Générale de l’Offre de Soins, par exemple). Si cette dernière formule prive du travail de traitement et d’analyse des données, elle est formatrice par la nécessaire anticipation qu’elle impose.
Comme indiqué dans le guide du comité de suivi des masters : « Au niveau du diplômé, celui-ci doit avoir acquis une compétence en regard de la recherche. Cela n'induitpas qu'il doit être un expert de la recherche (sauf Master 2 recherche) mais bien qu'il doit avoir été sensibilisé à ce secteur par la connaissance de ses méthodologies, de ses enjeux (dans le secteur disciplinaire ou professionnel dans lequel s'inscrit la formation), de ses acteurs » [1 ],
CONCLUSION
La formation à et par la recherche n’est que la partie visible d’un changement plus profond. En effet, comme le précisait l’argumentaire précis de réforme de la formation rédigé par la profession : « L'adossement à la recherche n'a de sens et d'intérêt que s'il colore toute la formation >j.
C’est l’ensemble des enseignements qui devra à terme être fondé sur la recherche et non plus seulement sur des savoirs expérientiels ou des habitudes de pratiques. Les 31 000 travaux de recherche aujourd’hui recensés sur Pedro, mais également ceux référencés dans les autres bases telles Pubmed ou Sciencedirect, seront appelés pour étayer les enseignements.
« Il est attendu que dans tous tes enseignements de savoirs et de techniques cet adossement permette aux professionnels en formation de comprendre et de s'approprier la complexité et le caractère dynamique des savoirs en jeu, leur dimension problématique, ta nécessité de dépasser les évidences, les opinions pour pouvoir s'appuyer sur des critères rigoureux pour penser et agir dans les situations de soins. La formation à la recherche en Master 2 constitue un des supports du développement de méta-compétences à la relation de soins. Il ne s'agit pas prioritairement d'apprendre à instrumenter son action, mais bien davantage d'apprendre à faire avec l'incertitude. Cette approche réflexive et critique est indispensable pour réaliser des actes de masso-kinésithérapie de qualité. La variété des situations de soins à affronter et des personnes à soigner rend caduques les formations de type applicatif ou normatif qui ne développent pas cette réflexivité. »
Le passage de l’exercice professionnel basé uniquement sur l’expérience de chaque praticien à un exercice également basée sur la preuve {evidence-based practice} [5] est aujourd’hui une réalité tant sur le plan national et qu’international. C’est le double étayage, fondée d’une part sur l'expérience utilisant des données acquises de manière empirique [6], et d’autre part, la pratique fondée sur la preuve qui induisent l’amélioration du processus de prise en charge kinésithéra- pique (passage de l’art à la science), à l’exercice d’une responsabilité professionnelle soucieuse de la défense des droits de la personne.
Points à retenir
La formation à et par la recherche marque un tournant dans la formation des kinésithérapeutes.
La réalisation du projet de recherche doit se construire sur une durée voisine d’un an.
Le directeur du travail de recherche doit éviter tout à la fois le dirigisme et le laisser-faire.
Déclaration de liens d'intérêts
L'auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
RÉFÉRENCES
- Réforme de la formation initiale des masseurs-kinésithérapeutes; 2014 [101 p],
- MaddalenaR La bible de la formation ; 7B fiches pour dynamiser vos formations et rendre vos stagiaires actifs. Éditions Eyrolles; 2013 [385 p],
- https://www.polytechnique.edu/fr/formabon-par-projets.
- https://www.polytechnique.edu/fr/formabon-par-ia-recherche.
- Sackett DL, Rosenberg WM. On the need for evidence-based medicine. J Public Health Med 1995:17:330-4.
- Ghisolfi J. Médecine basée sur les preuves et médecine basée sur le bon sens : s'agit-il de deux nobons antinomiques. In: Journée de Techniques Avancées; 2002 [http://www lBsita.com/article. php?ar_id=458).
Cet article est une re-publication réalisée avec l'accord des éditeurs de Kinésithérapie la Revue dans le cadre d'un accord passé entre la FNEK et Kinésithérapie la Revue. |
Jacques Vaillant
°École de l^nésltfiérapie, CHU de Grenoble, 19, avenue de Kimberley, 38130 Échirolles, France ^Conseil national de l'Ordre des masseurs- kinésithérapeutes, 120-122, rue Réaumur, 75002 Paris, France
Adresse e-mail : jva i I lant@ohu-greno ble .fr
Reçu le 24 août 2015 ; accepté le 8 septembre 2015
Article paru dans la revue “Le Journal des Étudiants Kinés” / BDK n°50
L'accès à cet article est GRATUIT, mais il est restreint aux membres RESEAU PRO SANTE
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