Réflexion autour de la chambre d’apaisement en hôpital de jour dans les services de pédopsychiatrie

Publié le 26 May 2022 à 07:53


En 2017, les nouvelles recommandations nous poussent à repenser l’isolement et la contention.
En pédopsychiatrie, la réflexion est souvent mise de côté, peu développée ou encore occultée. Pourtant la souffrance psychique des enfants est bel et bien présente. L’impuissance liée à des dispositifs inaboutis ou seulement à visée de mise à l’écart, met en difficulté les équipes soignantes et ne permet pas de proposer un soin satisfaisant. C’est dans une dynamique d’innovation et d’optimisation des outilsexistants que nous avons réfléchi à une nouvellechambre d’apaisement.

Les enfants sont conduits en chambre d’apaisement principalement pour des raisons d’agitations importantes perturbant l’activité du groupe thérapeutique, des mouvements d’hétéro-agressivité, voire d’auto-agressivité. Les objectifs sont donc une protection du groupe et de l’enfant, ainsi qu’une diminution de la tension interne propice à l’échange verbal. La pièce doit donc respecter des mesures de sécurité mais aussi proposer des dispositifs actifs de soins.

Actuellement, la salle d’apaisement est une pièce vide, avec deux matelas au sol, un système de chauffage protégé et une fenêtre sécurisée. Il est possible de fermer la porte à clé visant essentiellement à la mise à l’écart de l’enfant tout en assurant sa sécurité et celle des autres enfants comme des adultes. Cette présentation spartiate encourage les soignants à n’utiliser cette pièce qu’en dernier recours et donc ne pas toujours prendre en compte la crise dès les prémices. Si la dimension soignante était mieux prise en compte, ne serait-il pas possible de diminuer l’intensité des crises ou encore de les anticiper par une prise en charge plus précoce ?

C’est à travers une réflexion collégiale menée sur plusieurs mois que nous avons pu dégager un projet de chambre d’apaisement. S’en est suivi un questionnaire qui a été rempli par les enfants (10 garçons et 7 filles) à l’aide des infirmières du service, permettant de reconsidérer notre avancée.

Tout d’abord il est à noter que 88 % des enfants sont favorables à un changement ou une modernisation de la chambre d’apaisement. La pièce se situait jusqu’à présent au fond du service, il est désormais envisagé d’en diminuer la symbolique excluante en la mettant dans une position plus centrale (64 % des enfants favorables). On envisage d’y installer du mobilier sécurisé (lit, fauteuils) permettant de choisir la position assise, favorisant un échange verbal avec le soignant, ou couchée.

Un repère temporel, type horloge, paraît indispensable. Ces éléments répondent à un minimum de confort et de sécurité et 76 % des enfants se sont montrés favorables à leur installation.

D’un point de vue thérapeutique, la couleur des murs est discutée avec une préférence pour le bleu (23 %) ainsi que l’installation de boudins muraux (dispositifs souples et mous) permettant d’extérioriser une agressivité non canalisable par la parole. Un dispositif sonore intra-mural est envisagé avec des musiques à tendances méditatives et favorisants l’apaisement.

Associé à l’ambiance musicale (88 % des enfants favorables), un dispositif lumineux (LED bleues) basé sur la cohérence cardiaque pourrait permettre de diminuer la enfants à chercher à se recouvrir, à s’enrouler dans ce qu’ils ont à leur disposition, il est donc évoqué de lourdes et grosses peluches aux coutures sécurisées faisant écho aux couvertures lestées. L’aromathérapie est aussi en cours de discussion et actuellement déjà utilisée dans certaines structures.

Les nouvelles recommandations considèrent la fermeture de la porte comme un isolement, celle-ci sera donc proscrite et si elle est nécessaire, l’enfant sera conduit dans une chambre de « protection », communément appelé chambre d’isolement
La mise en place d’une chambre d’apaisement de ce type, nécessite une évaluation progressive et échelonnée des dispositifs pour en voir les bénéfices et les risques.

La diversité des profils pathologiques des enfants accueillis à l’hôpital de jour nécessite une adaptation du lieu en fonction des troubles, certains ayant besoin de temps courts et répétés, d’autres de temps d’apaisement plus longs. Il faut aussi prendre en compte le fait que ce dispositif pourrait conduire à une recherche de bénéfices secondaires et à une possibilité de ne pas se confronter au groupe, problématique récurrente de certains enfants de l’hôpital de jour. C’est pourquoi l’utilisation doit être protocolisée par le médecin en charge de l’enfant. Ce projet de chambre d’apaisement se dessine comme une réelle alternative à l’isolement, offrant à l’enfant un espace chaleureux qu’il peut investir positivement.

Les états de crise en hôpital de jour sont malheureusement très fréquents et mettent en danger les enfants ainsi que les soignants parfois avec une dangerosité immédiate. L’erreur serait de répondre avec violence à la violence, être excluant, punitif, ou encore de banaliser faute de moyens ou de solutions. Notre devoir est de mettre des limites supportables et soignantes dans des situations parfois extrêmes. Le tabou que peut susciter ces situations ne doit pas ostraciser des questions essentielles pour tous.

M. GAUTHIER, S. MIELE, N. LECAVELIER,
et toute l’équipe de l’HDJ intersectoriel du CHU de St Etienne

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°20

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