Dans la Fiche pratique de ce numéro de la Gazette du jeune gériatre nous poursuivons de détailler le process de la rédaction d’un protocole de recherche clinique. Nous allons particulièrement nous attarder sur le contenu que doit avoir un tel protocole en nous basant sur le canevas d’un synopsis (celui-ci doit être envoyé aux différentes instances afin d’obtenir les autorisations).
En face de chaque item vous trouverez des explications ainsi que des indications/conseils.
Pour mémoire, nous avions vu dans le précédent numéro l’intérêt d’un tel protocole et les obligations réglementaires qui s’y rapportaient.
Il faut voir cet article comme une check-list à vérifier lors de l’élaboration du protocole.
Comment rédiger un protocole de recherche clinique ? :
Le SYNOPSIS
TITRE |
Il doit contenir le design de l’étude, le facteur étudié, le facteur explicatif, la population cible et l’intervention qui sera réalisée. En lisant ce titre, il faut que le lecteur comprenne tout de suite si votre étude peut l’intéresser ou non, il faut donc être très clair. Dans certains cas, les lecteurs n’iront pas plus loin… il faut donc éviter d'en « perdre » une partie alors qu’ils auraient pu être intéressés. |
PROMOTEUR | Nom et lieu d’exercice du promoteur, ainsi que son rôle exact. |
INVESTIGATEURS |
• Investigateur principal : Nom, structure et lieu d’exercice. C’est l’occasion de clarifier la position des auteurs. Oui, c’est également cela les rôles des investigateurs, ce n’est pas simplement d’inclure des patients. Vous n’êtes pas tout seul à porter votre projet d’étude. Pensez à vous entourer correctement et suffisamment ! Il y a assez de travail pour tout le monde et c’est sur la longueur que vous le ressentirez. |
FINANCEMENTS | • Source et type de financements. • Source du support matériel ou d’autre type de support. Ils correspondent en fait aux différents liens d’intérêt qui peuvent exister pour cette recherche. |
MÉTHODOLOGIE |
• Décrivez le design de votre étude : • Il faudra également préciser dans cette partie : |
CRITÈRES D'INCLUSION DES SUJETS | • Décrivez la population à inclure (là il n’y pas de méthodologie toute faite, elle dépendra de votre objectif principal et de la recherche bibliographique que vous avez faite). • Décrivez la méthode de recrutement. • Quand ? (détaillez s’il y a un délai entre un potentiel screening et l’inclusion dans l’étude à proprement parler). • Où ? (dans quel(s) service(s) ? Quel(s) hôpital(aux) ? Quel(s) pays ?). • S’il s’agit d’une étude interventionnelle, détaillez les critères d’inclusion et d’exclusion des personnes qui réaliseront l’intervention (ex : chirurgien, thérapeute…). |
CRITÈRES DE NON INCLUSION DES SUJETS | • Idem (pas de méthodologie toute faite). • Exemple classique : « participer à une autre étude ». |
INTERVENTION | • S’il y en a une : - Détaillez les moyens mis en oeuvre pour vérifier l’observance des participants et ainsi pouvoir réaliser une analyse en intention de traiter et une analyse per-protocole. - Précisez si d’autres interventions sont admises lors de l’étude ou non (et entraîneraient donc une sortie de celle-ci). - Décrivez comment sera respecté l’aveugle. |
ÉTHIQUE | • Mentionnez l’approbation des comités d’éthiques (CPP ou CEREES). • Mentionnez l’enregistrement/l’approbation de la CNIL. |
DATE / VERSION | • Protocole établie en date du …/…/… . • Version n° … • Numéro d’enregistrement Clinical Trial de la recherche (après l’avoir obtenu). Toute modification doit être notifiée et datée. |
JUSTIFICATION / CONTEXTE |
• Décrivez la question de recherche et justifiez l’intérêt de votre étude : rationnel de 10 à 20 lignes. • S’il s’agit d’une étude interventionnelle, décrivez les avantages et les risques prévisibles et connus de votre intervention. Hypothèse : « Nous formulons l’hypothèse que… ». Ce paragraphe doit être complété par une courte bibliographie (courte mais de qualité !). |
OBJECTIF PRINCIPAL |
• Il découle de l’hypothèse formulée (qui correspond à une seule question de recherche). Justifiez tout de même votre choix (même si cela vous parait évident, ce n’est peut-être pas le cas des personnes qui n’ont pas fait votre recherche bibliographique et qui ne connaissent pas le sujet aussi bien que vous. Les premières personnes qui vous liront à travers ce protocole ne sont pas forcément expertes sur le sujet, il faut leur faciliter le travail au maximum… c’est tout de même elles qui vous diront si oui ou non vous pouvez débuter votre étude. |
OBJECTIFS SECONDAIRES | • Ils peuvent être multiples. • Ils servent à illustrer l’objectif principal et/ou à ouvrir des perspectives à l’issue de l’étude. Lorsque vous ferez votre recherche bibliographique ou que vous commencerez à rédiger votre protocole, vous aurez déjà pleins d’idées sur les travaux qui pourront en découler… essayez déjà de trouver comment avec vos objectifs secondaires vous pourrez trouver des éléments de réponse, c’est du travail déjà fait pour la suite de vos travaux. Cela se ressentira également dans votre discussion et dans la manière dont vous présenterez vos résultats, il y aura une cohérence. Vous aurez également une vision plus précise de votre question de recherche. Ces objectifs secondaires vous permettrons d’illustrer votre objectif principal. En revanche, et là ATTENTION ! En aucun cas, il ne faudra espérer conclure sur un de vos objectifs secondaires ! |
CRITÈRE DE JUGEMENT PRINCIPAL | • Il doit être unique ! Et découle de l’objectif principal et doit permettre de répondre à la question posée. • C’est par rapport à ce critère de jugement principal que sera calculé le nombre de sujets nécessaires à l’étude. |
CRITÈRES DE JUGEMENT SECONDAIRES | • Ils découlent des objectifs secondaires ; chaque objectif secondaire doit avoir son critère de jugement secondaire. |
COMITÉ DE SURVEILLANCE INDÉPENDANT | • Détaillez les motifs de la constitution (ou non) d’un tel comité. • Précisez qui en est membre |
NOMBRE DE PARTICIPANTS | • Il correspond au nombre de sujet nécessaire (=NSN) pour pouvoir conclure à l’absence de différence. Il existe des abaques qui permettent de calculer le NSN à partir du risque α (risque de 1ère espèce = risque de conclure à tort à une différence qui n’existe pas), du risque β (risque de 2e espèce = risque de conclure à tort à l’absence de différence alors qu’elle existe ; 1 – β = puissance = pourcentage de chance de conclure à une différence qui existe), de la variabilité des mesures, de l’écart attendu entre les 2 bras et enfin du type d’étude. Le plus simple à ce niveau, si vous n’êtes pas familiarisés avec ces statistiques, est de vous rapprocher d’un collègue qui est plus à l’aise ou d’un statisticien de votre établissement. C’est une étape primordiale (oui encore une !). En effet, on conçoit bien maintenant que si le résultat de l’étude est « absence de différence entre les deux bras étudiés » (alors que le NSN a été respecté) nous avons tout de même β % de chance qu’il y ait tout de même une différence… mais si le NSN n’a pas été respecté et que notre étude aboutit à la même conclusion nous n’avons aucun moyen de savoir si l’absence de différence est réelle ou si elle n’a simplement pas pu être mise en évidence à cause d’un nombre de participants insuffisant. Ainsi, ne pas calculer au préalable de NSN (ou ne pas le respecter) équivaut à prendre le risque de réaliser un travail pour lequel il sera impossible de conclure… ce qui est dommage au vu du travail, du temps et de l’argent qui vont être investis. |
DUREE DE LA RECHERCHE | • Période d’inclusion : du …/…/… au …/…/… . Elle doit être définie au préalable (et non uniquement jusqu’à obtention du NSN). Elle est établie à partir d’une analyse des caractéristiques de la population étudiée (obtenues soit grâce à une revue de la littérature, soit à partir d’une rapide analyse épidémiologique de terrain). |
PLAN D’ANALYSE STATISTIQUE | • Décrivez les analyses statistiques que vous utiliserez pour les critères de jugement primaire et secondaire(s) : - Précisez comment seront analysées les données quantitatives et qualitatives ? - Précisez si vous effectuerez une analyse de supériorité ou de non-infériorité ? • Il faudrait également décrire : - Le degré de signification statistiques prévu (risque alpha et beta). - Comment seront prises en compte les données manquantes ? Et les sujets sortis de l’étude (perdu de vue, décédé, effet indésirable grave avec levée de l’aveugle…) ? - Si vous prévoyez de réaliser des analyses en sous-groupe, des analyses avec ajustement ou des analyses intermédiaires. En général : • Pour les données quantitatives, un t-test de Student est approprié si les variables suivent une loi Normale et si elles sont homogènes. Si ces variables ne suivent pas une loi Normale (on le sait grâce à des tests statistiques qu’il faut également faire au préalable), il faut faire un test non-paramétrique (Test de Mann-Whitney). Si ces variables suivent une loi Normale mais ne sont pas homogènes, il faut appliquer une correction statistique (de Welch). • Pour les données qualitatives, un test du Chi2 est approprié si les conditions d’application sont respectées, dans le cas contraire on effectuera un test exact de Fisher. • Des régressions peuvent également être réalisées pour analyser des corrélations en gommant l’effet de facteurs confondants… mais là, clairement, nous vous conseillons de vous rapprocher d’un statisticien. |
PERSPECTIVES | • Détaillez l’impact de votre travail sur la pratique et les travaux que vous souhaiterez réaliser à la suite de votre étude (dans le cas où vous mettriez en évidence une différence et dans le cas inverse). Même avant de débuter votre étude, votre travail de recherche bibliographique vous a permis d’entrevoir quelles pourraient être les problématiques annexes ou quelles seraient celles qu’il serait intéressant d’approfondir. |
Dans les annexes vous pouvez faire figurer toutes les autres choses qui vous semblent pertinentes :
- Le Formulaire d’information et de consentement ;
- Les procédures spécifiques à l’étude ;
- La liste des investigateurs ;
- Votre bibliographie ;
- Le cahier d’observation…
Ce protocole doit être validé par le promoteur et le(s) investigateur(s) avant soumission aux différentes instances réglementaires.
Pour rappel, vous ne pourrez publier votre protocole qu’après avoir obtenu toutes les autorisations (cf. article dans la Gazette n°20).
Encore une fois, si cette étape peut être longue et fastidieuse, elle est bien le garant d’une recherche réussie et fiable. Elle sera plus facile à surmonter à plusieurs ! Entourez-vous confortablement (pensez aux réunions régulières dont nous avions déjà parlé dans le dernier numéro de la Gazette).
Vous éviterez de traiter d’une problématique qui l’a déjà été par le passé et éviterez ainsi de perdre du temps et de l’argent. Et vous ne ferez pas prendre de risques inconsidérés à vos sujets d’étude.
Vos échanges avec les autres membres de votre équipe seront à l’origine d’une émulsion nouvelle et vous permettront de confronter vos idées et votre méthodologie.
Les étudiants que vous accueillez auront une belle illustration de l’intérêt de la Lecture Critique d’Article enseignée en 2e cycle et (pourquoi pas) vous remercierons d’avoir fait germer en eux des vocations !
Enfin, publiez votre protocole ! Vous aurez un article supplémentaire à votre actif.
Les résultats de l’étude réalisée par l’AJG et présentée lors des JAJG 2019 nous confortent bien dans l’idée que la recherche en Gériatrie est importante mais n’est pas assez développée, par manque de temps dédié et par manque de formation sur les différents aspects que nous avons abordés plus haut.
Votre Association des Jeunes Gériatre est là pour vous épauler dans vos travaux. N’hésitez surtout pas à nous contacter !
Alexandre BOUSSUGE
Pour l'Association des Jeunes Gériatres
Références
- Code de la santé publique - Article L5311-1. Code de la santé publique.
- SPIRIT 2013 Statement : Defining standard protocol items for clinical trials | The EQUATOR Network [Internet]. [cité 24 juin 2019]. Disponible sur : http://www.equator-network.org/reporting-guidelines/spirit-2013-statement-defining-standard-protocol-items-for-clinical-trials/
- Arrêté du 16 août 2006 relatif au contenu et aux modalités de présentation d’un protocole de recherche biomédicale ne portant pas sur un produit mentionné à l’article L. 5311-1 du code de la santé publique.
Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°21
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