Recommandations pour la pratique clinique : L’interruption volontaire de grossesse

Publié le 12 May 2022 à 14:47

En partenariat avec le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français nous publierons régulièrement dans cette revue des recommandations issues des conférences de consensus et de la réflexion d’experts ès qualités. Nous remercions le CNGOF d’avoir bien voulu accepter la publication de ces recommandations que vous pouvez retrouver sur leur site internet : http://www.cngof.fr

X. BOYER de LATOUR

Le groupe de travail

Promoteur : CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français) 91 bd de Sébastopol - 75002 Paris
Comité d'organisation : A. AGOSTINI, président (gynécologue obstétricien, CHU, Marseille), C. VAYSSIERE, coordonnateur (gynécologue obstétricien, CHU, Toulouse), A. GAUDINEAU, méthodologiste (gynécologue obstétricien, CHRU, Strasbourg), B. LETOMBE (FNCGM, Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale), S. EYRAUD (représentante des réseaux de ville), H. SEGAIN (CNSF, Collège national des sages-femmes de France), M. MSlKA RAZON (MFPF, Mouvement français pour le planning familial), M. HATCHUEL (ANCIC, Association nationale des centres d'IVG et de contraception).
Experts du groupe de travail : L. ATTALI (docteur en psychopathologie et psychanalyse et psychologue, CHRU, Strasbourg), K. BETTA-HAR (gynécologue obstétricien, CH RU, Strasbourg), P. FAUCHER (gynécologue obstétricien, CHU, Paris), P. FOURNET (gynécologue obstétricien, CH, Mont-Saint-Aignan), D. HASSOUN (gynécologue obstétricien secteur privé, Paris), C. JAMIN (gynécologue-endocrinologue secteur privé, Paris), T. LINET (gynécologue obstétricien, CH, Challans), A. OHANNESSIAN (gynécologue obstétricien, CHU, Marseille), S. VIGOUREUX (gynécologue obstétricien, CHU, Le Kremlin-Bicêtre), N. WINER (gynécologue obstétricien, CHU, Nantes), S. WYLOMANSKI (gynécologue obstétricien, CHU, Nantes
Lecteurs : C. AMIEL (gynécologue obstétricien, CH, Aix-en-Provence), I. ASSELIN (gynécologue médicale, CHU, Caen), A. AUGUSTONI (sagefemme, CH, Belfort), F. BAYOUMEU (anesthésie-réanimation, CHU, Tou - louse), P. BERVEILLER (gynécologue obstétricien, CHI, Poissy), C. BONNAUD (médecine générale, CH, La Roche-sur-Yon), E. DAVID (gynécologue obstétricien, secteur privé et PSPH, Strasbourg), M. GELLY (médecine générale, CHU, Bobigny), G. GRANGÉ (gynécologue obstétricien, CHU, Paris), P. GUERBY (gynécologue obstétricien, CHU, Toulouse), J. GUERMONT (sage-femme, CH, Mayotte), M. HOROKS (médecine générale, CHU, Paris), F. HURSTEL (professeur émérite de psychologie, université de Strasbourg), M. LACHOWSKY (gynécologue et psychosomaticienne secteur privé, Paris), J.P. LAPIERRE (médecine générale secteur privé, Aix-en-Provence), V. LAVOUÉ (gynécologue obstétricien, CHU, Rennes), B. LETOMBE (gynécologue médicale, CHU, Lille), G. LEVY (gynécologue obstétricien, Aix-en-Provence), A.S. MAISON-NEUVE (gynécologue obstétricien, CH, Aubagne), P.A. MIGEON, sage-femme et échographiste secteur privé, Lyon), J. MURET (anesthésie-réanimation, ESPIC, Villejuif), I. PAULARD (sage-femme, CHU, Brest), M. PERINEAU (gynécologue obstétricien secteur privé, Toulouse), O. PORQUET (médecine générale, CH, Saint-julien-en Genevois), E. ROUSSAY (médecine générale secteur privé, Sallertaine), L. SALOMON (gynécologue obstétricien, CHU, Paris), N. TRIGNOL VIGUIER (médecine générale, CHU, Tours)
Résumé
Objectif : Élaborer des recommandations pour la pratique des IVG. Matériel et méthodes - Consultation de la base de données Medline, de la Cochrane Library et des recommandations des sociétés savantes françaises et étrangères. Résultats - Le nombre d'IVG est stable depuis plusieurs décennies. Il existe plusieurs éléments expliquant le choix de l'IVG lorsqu'il existe une grossesse non prévue (GNP). L'initiation précoce de la contraception et le choix de la contraception en rapport avec la vie de la femme sont associés à une diminution des GNP Les contraceptions réversibles de longue durée d'action apparaissent comme une contraception à positionner en première ligne pour l'adolescente du fait de son efficacité (grade C)
L'échographie avant une IVG doit être encouragée mais n'est pas indispensable pour réaliser une IVG (accord professionnel). Dès l'apparition échographique de l'embryon, l'estimation de la datation de la grossesse se fait par la mesure de la longueur cranio-caudale (LCC) ou par la mesure du diamètre bipariétal (BIP) à partir de 11 SA (grade B). Les mesures étant fiables à ± 5 jours, l'IVG peut être réalisée lorsque les mesures de LCC et/ou de BIP sont respectivement inférieures à 90 mm et 30 mm (accord professionnel). L'IVG médicamenteuse réalisée avec la dose de 200 mg de mifépristone associée au misoprostol est efficace à tout âge gestationnel (NP1). Avant 7 SA, la prise de mifépristone sera suivie entre 24 et 48 heures de la prise de miso - prostol par voie orale, buccale, sublinguale voire vaginale à la dose de 400 µg éventuellement renouvelée après 3 heures (NP1, grade A). Au-delà de 7 SA, les modes d'administration du misoprostol, par voie vaginale, sublinguale ou buccale, sont plus efficaces et mieux tolérés que la voie orale (NP1). Il est recommandé d'utiliser systématiquement une préparation cervicale lors d'une IVG instrumentale (accord professionnel). Le misoprostol est un agent de première intention pour la préparation cervicale à la dose de 400 µg (grade A). L'aspiration évacuatrice est préférable au curetage (grade B). Un utérus perforé lors d'une aspiration instrumentale ne doit pas être considéré en routine comme un utérus cicatriciel (accord professionnel). L'IVG instrumentale n'est pas associée à une augmentation du risque d'infertilité ultérieure ou de GEU (NP2). Les consultations médicales pré-IVG n'influent pas sur la décision d'interrompre ou non la grossesse et une majorité de femmes est assez sûre de son choix lors de ces consultations. L'acceptabilité de la méthode et la satisfaction des femmes semblent plus grandes lorsque celles-ci sont en mesure de choisir la méthode d'IVG (grade B). Il n’y a pas de relation entre une augmentation des troubles psychiatriques et le recours à l'IVG (NP2). Les femmes ayant des antécédents psychiatriques sont à risque accru de troubles psychiques après la survenue d'une grossesse non prévue (NP2). En cas d'IVG instrumentale, la contraception oestro-progestative orale et le patch devraient être débutés dès le jour de l'IVG, l'anneau vaginal inséré dans les 5 jours suivant l'IVG (grade B). En cas d'IVG médicamenteuse, l'anneau vaginal devrait être inséré dans la semaine suivant la prise de mifépristone, la contraception oestro-progestatives orale et le patch devraient être débutés le jour même ou le lendemain de la prise des prostaglandines (grade C). En cas d'IVG instrumentale, l'implant devrait être inséré le jour de l'IVG (grade B).
En cas d'IVG médicamenteuse, l'implant peut être inséré à partir du jour de la prise de mifépristone (grade C). Le DIU au cuivre et au lévonorgestrel doit être inséré préférentiellement le jour de l'IVG instrumentale (grade A). En cas d'IVG médi camenteuse, un DIU peut être inséré dans les 10 jours suivant la prise de mifépristone après s'être assuré par échographie de l'absence de grossesse intra-utérine (grade C). Conclusion - L'application de ces recommandations devrait favoriser une prise en charge plus homogène et améliorée des femmes désirant une IVG. Mots-clés : interruption volontaire de grossesse, IVG médicamenteuse, IVG chirurgicale, contraception, réglementation de l'IVG

1 - Epidémiologie de l’interruption volontaire de grossesse en France
L'interruption volontaire de grossesse (IVG) est un avortement provoquer, décidé pour des raisons non médicales par la femme elle-même, autorisé jusqu'à 14 SA, par voie médicamenteuse ou instrumentale. Les grossesses non prévues (GNP) sont le résultat de rapports sexuels, sans utilisation des moyens pour éviter une grossesse ou suite à un échec de contraception, alors que les femmes ne souhaitent pas être enceintes
Le nombre d'IVG est stable depuis plusieurs décennies. Nous sommes toujours confrontés au “paradoxe français” : haute protection contraceptive médicalisée avec stabilisation des IVG et des GNP. La diffusion des méthodes efficaces de contraception a permis de diminuer la fréquence des GNP. En revanche lorsqu'elles surviennent, le recours à l'IVG est plus fréquent, et au final le nombre total d'IVG n'a pas baissé depuis 40 ans.
Les déterminants sociaux du choix de l'IVG quand une femme a une GNP sont dépendants de l'âge. Chez les moins de 25 ans ils dépendent du niveau d'études, chez les 25-34 ans du nombre d'enfants, et chez les plus de 35 ans de la possibilité de conjuguer maternité et carrière professionnelle. En moyenne deux femmes sur cinq seront concernées par une IVG au cours de leur vie féconde, vraisemblablement dans une période de transition (changement de partenaire, de situation, de contraception...). Si le risque de survenue d'une IVG existe effectivement pour toutes les femmes, il n'est cependant pas égal pour chacune et varie selon l'âge de la femme, son origine, sa situation conjugale et les violences passées ou présentes, sa situation familiale et professionnelle. Cela est particulièrement vrai pour les femmes ayant un recours répété à l'IVG. Les femmes se présentant pour une IVG répétée présentent plus souvent des violences conjugales, sont plus jeunes et plus souvent étudiantes, dans une situation sociale difficile ou dans un couple déclaré comme instable.
En ce qui concerne la contraception et la prévention des GNP, les professionnels de santé doivent être plus vigilants face aux femmes de moins de 20 ans et de plus de 40 ans, aux femmes à risques médico-sociaux de mésusage de la contraception ou ne consultant pas autant que les autres obésité) et aux femmes ayant déjà eu un antécédent de GNP. L'initiation précoce de la contraception et le choix de la contraception en rapport avec la vie de la femme sont associés à une diminution des GNP. Les contraceptions réversibles de longue durée d'action (implant et dispositif intra-utérin) apparaissent comme une contraception à positionner en première ligne pour l'adolescente du fait de son efficacité (grade C). Les professionnels de santé doivent être vigilants à la contraception prescrite en post-IVG en fonction du choix des femmes mais aussi des échecs des précédentes contraceptions. Si la femme souhaite une contraception, elle doit être initiée immédiatement après l'IVG (accord professionnel).

2 - Quelle place pour l’échographie dans la pratique de l’IVG ?
L'échographie avant une IVG doit être encouragée mais pour les femmes certaines de la date de leurs dernières règles et/ou de la date du rapport sexuel à risque, pour lesquelles un examen clinique par un professionnel de santé formé est possible, l'absence d'accès à l'échographie de routine ne doit donc pas être un frein à la programmation de l'IVG demandée (accord professionnel). Dans l'estimation de l'âge gestationnel en vue d'une IVG, en l'absence d'embryon visible, la datation de la grossesse repose donc sur la mesure seule du sac gestationnel (grade B). En l'absence d'embryon visible, en cas de grossesse intra-utérine évolutive, le terme est toujours inférieur à 7 SA (grade B). La présence d'une vésicule vitelline signe le caractère endo-utérin de la grossesse. Dès l'apparition échographique de l'embryon, l'estimation de la datation de la grossesse se fait par la mesure de la longueur cranio-caudale (LCC) définie par Robinson ou par la mesure du diamètre bipariétal (BIP) définie par le Collège français d'échographie fœtale (CFEF) à partir de 11 SA (courbes INTERGROWTH) (grade B). En cas d'âge gestationnel proche de 14 SA, la réalisation d'une échographie est recommandée pour définir une datation précise (accord professionnel). La datation de la grossesse évaluée sur la mesure de la LCC ou du BIP correspondant à un terme estimé à 14 SA est respectivement de 80 mm et 27 mm. Aussi la mesure étant fiable à ± 5 jours, l'IVG peut être réalisée lorsque les mesures de LCC et/ou de BIP sont respectivement inférieures à 90 mm et 30 mm (accord professionnel). Les méthodes de datation de l'âge gestationnel sont les mêmes en cas de grossesse gémellaire qu'en cas de grossesse unique. L'échographie sus-pubienne est sensible pour diagnostiquer la présence ou non d'un sac gestationnel, mais l'est moins pour la détection d'un embryon et la présence d'une activité cardiaque que l'échographie endovaginale (NP3). Ainsi, la grande majorité des femmes peut d'abord bénéficier d'une échographie sus-pubienne, réservant l'échographie endo-vaginale pour les situations de mauvaise visualisation par voie sus-pubienne notamment pour les termes autour de 7 SA (LCC) (accord professionnel). En cas de doute sur la localisation ou sur l'évolutivité d'une grossesse lors de l'échographie sus-pubienne, la réalisation d'une échographie endovaginale est recommandée (grade B). Le taux d'hCG sérique est un moyen peu fiable de datation de grossesse (NP4) et ne doit pas être utilisé pour la datation de grossesse en vue d'une IVG (grade C). Il n'y a pas d'argument suffisant pour recommander en routine l'échographie au cours et/ou au décours de l'IVG instrumentale (accord professionnel). Lorsqu'elle est réalisée, un endomètre d'épaisseur supérieure à 8 mm devrait conduire à une respiration (grade B). L'étude échographique de l'endomètre quelques jours après une IVG instrumentale n'est pas pertinente (grade B). En cas d'IVG médicamenteuse, la réalisation systématique d'une échographie post-IVG n'est pas recommandée en routine (grade B). Si elle est pratiquée, l'échographie suspubienne ou endovaginale après une IVG médicamenteuse devrait être réalisée à distance (après 15 jours) (accord professionnel). L'étude de l'épaisseur de l'endomètre n'a pas de place dans l'évaluation de l'indication d'une aspiration (accord professionnel). Si une échographie est effectuée dans les suites de l'IVG médicamenteuse, son seul but devrait être de déterminer si le sac gestationnel est présent (accord professionnel).

3 - Interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse
L'IVG médicamenteuse réalisée avec la dose de 200 mg de mifépristone associée au misoprostol est efficace à tout âge gestationnel (NP1). Il n'y a pas actuellement d'alternative médicamenteuse aussi efficace et sûre que l'association mifépristone-misoprostol pour l'IVG médicamenteuse (NP1). La dose de 200 mg doit être préférée à celle de 600 mg pour la mifépristone (grade A). Le misoprostol seul est moins efficace qu'une association mifépristone-misoprostol (NP1). Pour une efficacité optimale il ne faut pas raccourcir le délai entre mifépristone et misoprostol en dessous de 8 heures (NP1, grade A). Un délai de 24 à 48 heures n'a aucune incidence sur l'efficacité de la technique médicamenteuse à condition que la dose de misoprostol soit suffisante (NP1, grade A). Compte tenu de son innocuité et vu le taux de satisfaction des femmes la prise de mifépristone à domicile doit être facilitée (accord professionnel). Les différentes voies d'administration du misoprostol sont la voie vaginale, orale (les comprimés sont avalés), sublinguale (les comprimés doivent fondre sous la langue) et buccale (les comprimés sont mis en place entre les joues et les gencives, et les femmes doivent avaler les fragments résidu au bout de 30 minutes). Cette voie est aussi dénommée jugale. Avant 7 SA, la prise de mifépristone sera suivie entre 24 et 48 heures de la prise de misoprostol par voie orale, buccale, sublinguale voire vaginale à la dose de 400 µg éventuellement renouvelée après 3 heures (NP1, grade A). Au-delà de 7 SA, les modes d'administration du misoprostol, par voie vaginale, sublinguale ou buccale, sont plus efficaces et mieux tolérés que la voie orale (NP1). L'administration d'une première dose de misoprostol par voie orale n'est donc pas recommandée (grade A)
Entre 7 et 9 SA, la prise de mifépristone par voie orale sera suivie 24 à 48 heures plus tard de la prise de 800 µg de miso prostol par voie vaginale, buccale ou sublinguale éventuellement complétée d'une dose de 400 µg au bout de 3 à 4 heures (grade A) avec un taux de succès à plus de 98% (NP1). Entre 7 et 9 SA, il ne semble pas nécessaire de répéter systématiquement les doses de misoprostol, alors qu'au delà de 9 SA, cette répétition est recommandée (grade B). Entre 9 et 12 SA, la prise de mifépristone par voie orale sera suivie 24 à 48 heures plus tard de la prise de 800 µg de miso prostol par voie vaginale, buccale ou sublinguale. Les doses suivantes de misoprostol (jusqu'à 5 doses supplémentaires) devront être de 400 µg, administrées toutes les 3 heures par voie vaginale, buccale ou sublinguale, jusqu'à l'expulsion (NP2, grade B).

Après 12 SA, la prise de mifépristone par voie orale sera suivie 24 à 48 heures plus tard par des doses répétées de miso - prostol. La dose initiale de misoprostol est de 800 µg par voie vaginale. Si nécessaire, les doses suivantes de miso - prostol (jusqu'à 5 doses supplémentaires) devront être de 400 µg, administrées toutes les 3 heures par voie vaginale, buccale ou sublinguale jusqu'à l'expulsion (NP2, grade B). Entre 9 et 14 SA, les méthodes instrumentale et médicamenteuse devraient pouvoir être proposées. Les femmes doivent être informées des avantages et des inconvénients de chacune des méthodes en fonction du terme et des effets secondaires afin de faire un choix en fonction de leur situation personnelle et de leur ressenti par rapport à la technique. Allaitement, obésité, grossesse gémellaire et utérus cicatriciel ne sont pas des contre-indications à l'IVG médicamenteuse. Il n'existe pas de niveau de preuve pour modifier le protocole d'IVG médicamenteuse dans ces situations (accord professionnel). La prise en charge de la douleur par palier d'antalgique est indispensable pour le confort de la femme (accord professionnel). Elle sera évaluée par échelle visuelle analogique (EVA) ou numérique. Le phloroglucinol n'a pas montré son efficacité (NP1) et n'est donc pas recommandé (grade A). Le paracétamol est insuffisant dans la prise en charge de la douleur dans les IVG (NP1). L'ibuprofène est plus efficace que le paracétamol (NP1). La dose est de 400 à 600 mg à renouveler si besoin sans dépasser plus de 1 200 mg (avis d'experts). La prise systématique d'ibuprofène n'est pas supérieure à la prise à la demande (NP1), mais pour des raisons organisationnelles il pourrait être donné à titre systématique (accord professionnel). Il n'existe pas à ce jour de recommandation sur le moment de prise du traitement antalgique (accord professionnel). En l'absence de facteurs de risque et de symptômes, une grossesse de localisation indéterminée ne contre-indique pas la prise des médicaments pour l'IVG. Il est cependant recommandé d'informer les femmes du risque de non-diagnostic de GEU et des signes qui doivent les alerter (accord professionnel). Dans ce contexte, un suivi par dosage plasmatique de l'hCG est recommandé avant et après la procédure (accord professionnel). Une baisse d'hCG d'au moins 50% à J5 et 80% à J7 permet de conclure au succès de la procédure (NP3). Si la consultation de suivi n'est pas cliniquement indispensable, il est cependant important de s'assurer de l'efficacité du traitement (NP2, grade B). D'autres modalités, plus flexibles et mieux adaptées aux conditions de vie de chacune sont envisageables pour s'en assurer (autotest, télémédecine). La consultation post-IVG a par ailleurs d'autres objectifs (contraception, vécu de l'IVG) et doit donc être systématiquement proposée (accord professionnel). Un interrogatoire seul ou combiné à un examen clinique ne permet pas de déterminer de manière fiable le succès de l'IVG (NP1). Le recours au dosage de l'hCG sérique 15 jours après l'IVG médicamenteuse peut être utilisé pour juger du succès de la méthode (grade B). Une baisse supérieure à 80% du dosage initial 15 jours après l'IVG médicamenteuse est en faveur d'une réussite de celle-ci (grade B). L’autotest urinaire peut également être utilisé pour juger le succès de l'IVG médicamenteuse (NP2). Celui-ci peut être réalisé à domicile combiné à un suivi téléphonique (grade B). Quand cette méthode de suivi est choisie, elle peut être réalisée à partir de 2 semaines après l'IVG (grade B).

4 - Interruption volontaire de grossesse instrumentale
L’IVG instrumentale a un taux de succès élevé quel que soit l'âge gestationnel y compris avant 7 SA (NP2). Les données internationales sont rassurantes concernant la faisabilité et la sécurité concernant la pratique de l'IVG hors système hospitalier (NP2). Cependant, aujourd'hui, nous ne disposons pas de données françaises permettant de comparer le succès ou les risques liés à la pratique de l'IVG chirurgicale en centre hospitalier et en centre de santé (avis d'experts). Les recommandations du CNGOF de 2012 sur l'antibioprophylaxie lors d'une IVG instrumentale sont toujours en vigueur. Une antibioprophylaxie systématique doit être préférée à une antibioprophylaxie ciblée (grade A). La préparation cervicale permet de diminuer les complications rares, mais potentiellement graves (NP1) au détriment d'effets indésirables plus fréquents, mais non graves (NP1). Il est recommandé de l'utiliser systématiquement lors d'une IVG instrumentale (accord professionnel). Le misoprostol est un agent de première intention pour la préparation cervicale en vue de diminuer les complications liées au geste (grade A). Il est plus efficace sur la dilatation cervicale que le géméprost ou aux donneurs de NO tout en donnant moins d'effets indésirables (NP1). Le misoprostol est préférable aux laminaires du fait d'une meilleure satisfaction des femmes (grade A). Lors de la préparation cervicale par misoprostol, une dose à 400 µg est recommandée, car plus efficace qu'une dose à 200 µg (grade A). Une dose supérieure n'est pas plus efficace et est moins bien tolérée (grade B). Lorsque le misoprostol est utilisé avant une aspiration évacuatrice, il sera donné au choix de la femme : 3 heures avant le geste par voie vaginale (grade A) du fait de son bon rapport efficacité/tolérance ou 1 à 3 heures avant le geste par voie sublinguale (grade A) du fait d'une efficacité supérieure (NP1). La femme sera prévenue d'effets indésirables gastro-intestinaux plus fréquents que la voie vaginale (grade B). L'administration du misoprostol, pour la voie vaginale, pourra être faite soit par la femme elle-même, soit par un praticien et le choix devra être donné à la femme (accord professionnel). La mifépristone sans misoprostol avant une IVG instrumentale n'a pas été évaluée de façon suffisante. L'adjonction de 200 mg de mifépristone au misoprostol 24 à 48 heures avant le geste est bénéfique pour les grossesses comprises entre 12 et 14 SA (NP2). L'utilisation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens est recommandée en routine pour limiter les douleurs opératoires et postopératoires (grade B). Le traitement antalgique préopératoire pourra comprendre la prescription de 600 mg d'ibuprofène (accord professionnel). Le phloroglucinol n'est pas recommandé dans cette indication (grade B). Il n'existe pas de différence cliniquement significative en termes de risque entre anesthésie générale et anesthésie locale (NP4). La satisfaction est grande et comparable pour les deux types d'anesthésie (NP2). Le type d'anesthésie doit être laissé au choix de la femme après explication du rapport bénéfice-risque (grade B). L'anesthésie locale paracervicale (ALP) est la technique la plus évaluée dans l'IVG. Aucune technique d'anesthésie locale n'a montré sa supériorité par rapport à l'ALP (NP1). L’ALP est donc une technique de première intention lors de la réalisation d'une IVG sous anesthésie locale (accord professionnel). Lors d'une ALP, l'injection pourra se faire en 2 ou 4 points à plus de 1,5 cm de profondeur (grade B). L'utilisation de 4 pressions de spray à la lidocaïne à 5% pourrait être proposée avant l'injection de l'ALP (accord professionnel). L'utilisation d'un gel à la lidocaïne à 2%, 30 à 45 minutes avant le geste, est une technique alternative non invasive intéressante (grade B). L'utilisation de 20 cc de ropivacaïne 7,5 ou de lidocaïne à 1% mélangée à 2 cc de bicarbonate de sodium à 8,4% est plus efficace que la lidocaïne seule à 1% dans l'anesthésie paracervicale (NP2). L'aspiration évacuatrice est préférable au curetage (grade B). L'aspiration électrique ou manuelle est une méthode très efficace, à faible risque et acceptable par les femmes (grade A). La technique manuelle aurait un intérêt subjectif sur le vécu des femmes (grade B). La méthode par aspiration électrique est à privilégier après 9 SA (accord professionnel). L'utilisation d'une curette n'est pas recommandée en post - opératoire immédiat pour évaluer le succès de l'intervention (accord professionnel). Le paracétamol ou l'association de paracétamol et de codéine n'a pas démontré d'intérêt dans l'antalgie après une IVG instrumentale (NP2). Elle n'est donc pas recommandée en prescription systématique (grade B). À la sortie de la femme, il doit être proposé de remettre un compte rendu opératoire donnant les informations suffisantes à un autre praticien permettant de prendre en charge les complications éventuelles (accord professionnel). La consultation post-IVG a plusieurs objectifs (vérification de l'efficacité du geste, contraception, vécu de l'IVG) et doit donc être systématiquement proposée (accord professionnel). Au total, les différences en termes de succès, d'effets secondaires et de lésions d'organe entre IVG instrumentale et médicamenteuse sont très faibles (NP2). Ainsi le choix de la méthode instrumentale ou médicamenteuse devrait être laissé aux femmes quel que soit l'âge gestationnel en exposant les avantages et les inconvénients de chacune d'elles (accord professionnel).

5 - Complications de l’interruption volontaire de grossesse
La perforation de l'utérus lors d'une aspiration instrumentale est un évènement exceptionnel qui parfois peut être méconnu. L'abstention est possible en l'absence de signes d'irritation péritonéale, de douleur croissante et de signes de déperdition sanguine (accord professionnel). Un utérus perforé lors d'une aspiration instrumentale ne doit pas être considéré en routine comme un utérus cicatriciel (accord professionnel). La conduite à tenir devant une rétention après une IVG médicamenteuse ne devrait pas être différente de celle proposée après une grossesse arrêtée spontanément (accord professionnel). Une rétention ovulaire sera donc prise en charge soit par une aspiration instrumentale soit par l'administration de misoprostol ; l'expectative n'est pas recommandée dans ce cas. Une rétention de produit de conception sera contrôlée après la survenue des règles en l'absence de symptomatologie clinique (accord professionnel). Dans le cas contraire ou si la rétention persiste après les règles une évacuation de l'utérus sera pratiquée par aspiration ou par exérèse sous contrôle hystéroscopique (grade A). La conduite à tenir est la même après une IVG instrumentale sauf si la rétention est constituée de débris embryonnaires qui nécessiteraient dans ce cas une aspiration instrumentale d'emblée (accord professionnel). L'administration de misoprostol préalablement à une aspiration chirurgicale diminue le risque d'avortement incomplet (NP2). La survenue d'une hémorragie lors d'une IVG est un évènement très rare (1% des cas) avec nécessité de transfusion dans 0,1% des cas. L'hémorragie survenant dans le cadre d'une IVG médicamenteuse doit conduire à une aspiration instrumentale en urgence. On estime aujourd'hui que le risque de décès lié à la pratique d'une IVG dans les pays où l'IVG est légalisée est de l'ordre de moins d'une femme pour 100000, soit un chiffre largement inférieur au risque de décès lors d'un accouchement. L'IVG instrumentale n'est pas associée à une augmentation du risque d'infertilité ultérieure (NP2). Un antécédent d'IVG n'apparaît pas être un facteur de risque de fausse couche spontanée sauf si l'intervalle entre l'IVG et la grossesse suivante est inférieur à 3 mois. Pour autant, cette augmentation de risque est suffisamment faible pour ne pas devoir recommander à une patiente d'attendre 3 mois post-IVG pour débuter une nouvelle grossesse (accord professionnel). L'antécédent d'IVG n'apparaît pas être un facteur de risque de GEU (NP2). Au total l'IVG instrumentale par la technique d'aspiration ne semble pas augmenter le risque d'anomalie de la placentation lors d'une grossesse ultérieure (NP2). La pratique d'une IVG instrumentale du premier trimestre, réalisée par aspiration, n'apparaît pas être un facteur de risque d'accouchement prématuré ultérieur (NP3). L'IVG médicamenteuse même répétée n'est pas associée à une augmentation du risque d'accouchement prématuré ultérieur (NP2). Il est recommandé de pratiquer quel que soit l'âge gestationnel une prophylaxie de l'allo-immunisation Rhésus chez les femmes Rhésus négatif pratiquant une IVG (grade B). La pratique d'une IVG n'est pas un facteur de risque de cancer du sein (NP2).

6 - Aspects psychologiques de l’IVG
Les consultations médicales pré-IVG n'influent pas sur la décision d'interrompre ou non la grossesse et une majorité de femmes est assez sûre de son choix lors de ces consultations. Ces consultations se doivent d'être des temps d'informations, d'échange et d'écoute de la femme (accord professionnel). La présence et la disponibilité de l'équipe sont essentielles afin de reformuler autant de fois qu'il le faut l'ensemble des éléments si la femme en ressent le besoin (accord professionnel). Il est souhaitable d'avoir, dans la structure, un temps et un lieu dédiés spécifiquement à l'accueil et l'accompagnement des femmes demandeuses d'IVG (accord professionnel). Rencontrer la femme seule permet non seulement de s'assurer au mieux de sa liberté de choix (accord professionnel), mais aussi qu'elle ait la liberté de pouvoir évoquer librement son histoire et ses questionnements (accord professionnel). Il est recommandé de demander à la femme (au couple) si elle souhaite voir ou non les images échographiques (grade C). La femme doit être accompagnée de la même façon quelle que soit la méthode choisie (accord professionnel). Il est recommandé de permettre un accès équivalent à chaque méthode en présentant de façon éclairée les avantages et inconvénients de chacune d'elles (accord professionnel). Il est recommandé que les femmes puissent participer activement au choix de la méthode d'anesthésie après une information adaptée (grade C). Il est recommandé de ne pas conseiller d'emblée l'une ou l'autre méthode à la femme mais de présenter les méthodes réalisables par l'équipe de façon la plus objective possible (accord professionnel). Il est important de déterminer avec la femme le temps dont elle a besoin pour prendre sa décision d'IVG. Il est recommandé de proposer d'autres consultations (médecin, sagefemme, conseiller conjugal, psychologue, assistant social) durant le temps d'attente avant la réalisation de l'IVG (accord professionnel). La datation clinico-échographique ayant une imprécision (± 5 jours), on recommande de garder un temps, suffisant pour elle, de réflexion même aux âges proches de la limite légale. Il est recommandé de ne pas refuser une consultation pour demande d'IVG quel que soit le terme de la grossesse et en particulier au-delà d'un délai supposé> 14 SA (accord professionnel). Le professionnel devrait également proposer au compagnon la possibilité d'une écoute (accord professionnel). Il est recommandé que les professionnels qui ont été rencontrés restent disponibles et facilement joignables pour un meilleur vécu de l'IVG à domicile (accord professionnel). L'acceptabilité de la méthode et la satisfaction des femmes semblent plus grandes lorsque celles-ci sont en mesure de choisir la méthode d'IVG (grade B). D'un point de vue psychologique, le choix de la méthode devrait être offert aux femmes quel que soit l'âge gestationnel (accord professionnel). Les soignants doivent être sensibilisés sur l'importance d'adapter des conduites et discours en fonction de la singularité de chaque femme (accord professionnel). La femme peut évoquer le devenir du produit d'expulsion. Il est important de pouvoir utiliser des mots appropriés pour nommer le produit d'expulsion (accord professionnel). Selon la littérature, il n'y a pas de relation entre une augmentation des troubles psychiatriques et le recours à l'IVG (NP2). Les femmes ayant des antécédents psychiatriques sont à risque accru de troubles psychiques après la survenue d'une grossesse non prévue (NP2). Une proposition de soutien pour toutes les femmes qui ont une grossesse non prévue est nécessaire, quelle que soit l'issue de cette grossesse (grade B).
Les services accueillant les demandes d'IVG sont des lieux propices pour repérer et commencer une prise en charge des femmes vulnérables, faire appel aux services de soutien appropriés et les orienter au mieux (avis d'experts)

7 - Contraception après interruption volontaire de grossesse
Les méthodes contraceptives réversibles à longue durée d'action, dispositifs intra-utérins et implant, semblent plus efficaces pour éviter la répétition des IVG, notamment si elles sont débutées précocement après l'IVG (NP3). En cas d'IVG instrumentale, la contraception estro-progestative orale et le patch devraient être débutés dès le jour de l'IVG, l'anneau vaginal inséré dans les 5 jours suivant l'IVG (grade B). En cas d'IVG médicamenteuse, l'anneau vaginal devrait être inséré dans la semaine suivant la prise de mifépristone, la contraception estro-progestative orale et le patch devraient être débutés le jour même ou le lendemain de la prise des prostaglandines (grade C), car la contraception estroprogestative n'influe pas sur l'efficacité abortive de la mifépristone (NP2). Les pilules microprogestatives devraient être utilisées dès le jour de l'IVG instrumentale. En cas d'IVG médicamenteuse, elles devraient être débutées le jour même ou le lendemain de la prise des prostaglandines (accord professionnel). En cas d'IVG instrumentale, l'implant devrait être inséré le jour de l'IVG (grade B). En cas d'IVG médicamenteuse, l'implant peut être inséré à partir du jour de la prise de mifépristone (grade C). Cette insertion précoce n'est pas associée à une augmentation du risque d'échec de l'IVG médicamenteuse en cours (NP3)
En cas d'IVG instrumentale, l'insertion immédiate du DIU est une procédure peu risquée, les complications infectieuses et les perforations étant rares dans ce contexte. Le taux d'expulsion du DIU est dans ce cas plus élevé, mais le taux d'utilisation à 6 mois est supérieur (NP1). Ainsi, les DIU au cuivre et au lévonorgestrel doivent être insérés préférentiellement le jour de l'IVG instrumentale (grade A). En cas d'IVG médicamenteuse, un DIU peut être inséré dans les 10 jours suivant la prise de mifépristone après s'être assuré par échographie de l'absence de grossesse intra-utérine (grade C), car il n'est pas observé plus d'expulsions, d'infections, de perforations ou de saignements par comparaison à une insertion différée (NP3). Le taux de poursuite de la méthode contraceptive est similaire à 6 mois suivant le moment de l'insertion, mais plus de femmes se présentent à la visite post-IVG lorsque la pose a lieu précocement (NP3). Bien que nous n'ayons pas de données sur d'éventuelles interférences entre les molécules utilisées lors d'une IVG et celles utilisées pour la contraception d'urgence, il est raisonnable de proposer d'utiliser une contraception d'urgence après une IVG (quel que soit le délai post-IVG) en cas de situation à risque (accord professionnel).

Déclaration publique d'intérêt
Aubert Agostini est consultant pour la société Nordik Pharma depuis 2011. Karima Bettahar est consultante pour le laboratoire MSD en 2015. Philippe Faucher est consultant pour le laboratoire MSD en 2015. Danielle Hassoun est consultante pour HRA Pharma en 2015. Christian Jamin est consultant pour Teva Pharma et HRA. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts

Article parue dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°112

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Publié le 1652359634000