L’insuffisance mitrale (IM) est la 2ème valvulopathie native en Europe (1), touchant environ 10 % des plus de 75 ans, avec un pronostic mauvais en cas de fuite sévère. En effet, dans ce cas, la mortalité est de 43 % à 10 ans (2). La correction de la fuite mitrale améliore fortement ce taux de mortalité élevé (3). Dans le but d’améliorer la morbi-mortalité de l’IM, de nombreuses innovations de réparation ou de remplacement mitral percutané sont en cours de développement avec un avenir très prometteur.
Indication du traitement mitral percutané
Dans l’IM, les recommandations de l’ESC/ EACTS 2017 (4) préconisent un traitement percutané pour les patients ayant :
- Une IM primaire sévère symptomatique inopérable ou à haut risque chirurgical (FEVG < 30 % et comorbidités importantes) après discussion avec la Heart Team (IIb, C).
- Une IM secondaire sévère symptomatique inopérable ou à haut risque chirurgical.
- Avec FEVG > 30 %.
- Sans indication de revascularisation chirurgicale.
- Qui demeure symptomatique malgré un traitement médical optimal.
- Qui remplit les critères échographiques de faisabilité (IIb, C).
- Une IM secondaire sévère symptomatique.
- Avec FEVG < 30 %.
- Sans indication de revascularisation chirurgicale.
- Qui demeure symptomatique malgré un traitement médical optimal.
- Après évaluation par la Heart Team des possibilités de transplantation cardiaque ou assistance (IIb, C).
Traitement de l’insuffisance mitrale
MitraClip®
Le premier MitraClip® a été implanté en 2003 et depuis 100.000 MitraClip® ont été posés dans le monde.
Après ponction veineuse fémorale, le dispositif est monté sous contrôle ETO à travers le septum inter-auriculaire jusque dans l’oreillette gauche. Le clip permet de capturer un feuillet prolabé et de le fixer sur le feuillet opposé normal, ce qui in fine transforme l’orifice mitral en un double orifice (Figure 1).
Cette technique est réservée au prolapsus de A2 ou P2, et au IM secondaire sur dilatation du ventricule gauche. Certaines conditions doivent être remplies pour garantir de bons résultats (5), (6) :
- IM centrale, d’origine non rhumatismale ni endocarditique.
- Surface d’ouverture de la valve > 40mm2.
- Hauteur de coaptation > 2 mm.
- Distance entre le point de coaptation et le plan de l’anneau ≤ 11 mm (tenting height).
- En cas de prolapsus, l’écart entre les feuillets (flail gap) doit être < 10 mm et la largeur du prolapsus (flail width) < 15 mm.
- Longueur du feuillet postérieur > 10 mm.
- Bords libres des feuillets souples et non-calcifiés à l’endroit de pose du clip.
Figure 1 Principe du MitraClip®
L’essai clinique randomisé EVEREST II (7), publié dans le JACC en 2015, a comparé les résultats du MitraClip avec la chirurgie mitrale dans les IM primaire et secondaire :
- Le critère composite de décès, de réopération ou réintervention pour IM résiduelle, et d’IM résiduelle ≥ 3 à 5 ans était plus élevé dans le groupe MitraClip que dans le groupe chirurgical (68 % versus 36 %, p = 0.01).
- Les réopérations ou réinterventions pour IM résiduelle à 5 ans étaient plus élevées dans le groupe MitraClip comparé au groupe chirurgical (43 % versus 5 %, p = 0.003).
- Le taux d’IM résiduelle ≥ 3 à 5 ans était plus élevé dans le groupe MitraClip comparé au groupe chirurgical (19 % versus 1 %, p = 0.02).
Ces résultats expliquent que le Mitraclip® soit réservé aux patients inopérables ou à haut risque chirurgical.
Deux études randomisées comparant le MitralClip® au traitement médical ont été publiées dans le NEJM et montrent des résultats contradictoires :
- L’étude MITRA-FR (8) ne trouvait aucun bénéfice du Mitraclip® en termes de survie et de ré-hospitalisation, mais avec un suivi de 1 an seulement.
- L’étude COAPT (9) retrouvait une diminution de la mortalité à 2 ans dans le groupe Mitraclip (29.1 % contre 46.1 %) et une diminution de taux de ré-hospitalisation.
L’expérience des opérateurs, le nombre de malades inclus plus élevé et la durée de suivi plus longue dans l’étude COAPT peut expliquer ces résultats opposés. L’essai RESHAP-HF trial en cours permettra peut-être de trancher sur l’utilité du MitraClip®.
Annuloplastie mitrale indirecte
L’annuloplastie mitrale indirecte consiste à introduire le dispositif par voie veineuse jugulaire, puis de passer par le sinus coronaire pour atteindre la valve mitrale. Deux principaux systèmes ont été développés par l’industrie (Figure 2) :
Le système Monarc® a été abandonné aux vues des résultats décevants à court terme (plaie du sinus coronaire et plicature de l’artère circonflexe fréquents) (10).
Le système Carillon® présente aussi des résultats cliniques décevants (Essai REDUCE FMR).
Annuloplastie mitrale directe
Deux systèmes ont été développés : le Cardioband® et le Mitralign® (Figure 3).
Le système Cardioband est un anneau mitral implanté de façon percutanée veineuse fémorale, monté sous contrôle ETO à travers le septum inter-auriculaire jusque dans l’oreillette gauche. C’est un procédé chronophage (temps opératoire > 3 heures) mais avec un taux de succès technique élevé (97 %). Les résultats de l’étude de faisabilité sont corrects : survie à 1 an de 87 %, ré-hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans 34 % des cas, ré-intervention dans 22 % des cas, fuites mitrales de grade > 2 dans 39 % des cas (11). Au vu de ces résultats, un essai clinique est en cours (essai ACTIVE).
Le Mitralign® consiste à implanter deux pledgets reliés entre eux dans l’anneau mitral postérieur. La mise sous tension du système plicature l’anneau de 1 à 3 cm et réduit ainsi l’IM. L’étude de faisabilité a montré des résultats encourageants (12).
Figure 2 Système d’annuloplastie mitrale indirecte
Figure 3 Système d’annuloplastie mitrale directe.
TMVR « Valve in Valve » / « Valve in Ring » / anneau mitral calcifié avec endovalve aortique
Chez des patients redux de valve mitrale ou ayant un anneau mitral calcifié, il est possible d’implanter une endovalve aortique (Sapiens 3) en position mitrale. Les résultats sont assez décevants dûs à l’incompatibilté technique de l’endoprothèse aortique en position mitrale. En effet, une étude publiée dans l’European Heart journal en 2018, montre (13) :
- Un taux d’obstruction de la chambre de chasse de 3,3 %.
- Une mortalité de 7,7 % à 30 jours et de 35,7 % à 2 ans.
- Un taux de thrombose de valve à 2 ans de 14,4 %.
- De meilleurs résultats pour le valve-in-valve comparé au valve-in-ring.
Une autre étude exposant les résultats des endovalves aortiques sur RM serré calcifié publiée dans le JACC en 2018 retrouvait plus de 50 % de mortalité à 1 an (14).
Le développement des endovalves mitrales spécifiques amélioreront très certainement ces résultats.
TMVR sur valve native avec endovalve mitrale
La durabilité hypothétique des techniques de réparation percutanée a poussé les équipes à développer le remplacement valvulaire mitrale percutané (TMVR : transcatheter mitral valve replacement). Le développement de cette procédure est un véritable défi technique en raison de la géométrie ovale de la valve mitrale, de la nature non rigide de l’anneau mitral, de la nécessité d’ancrer la prothèse, de la grande variation des tailles annulaires mitrales et du risque d’obstruction de la chambre de chasse.
Actuellement, 9 prothèses biologiques auto-expansibles sont en cours de développement clinique. Les valves sont insérées principalement par voie transapicale, mais la voie transseptale est aussi possible. Plusieurs études de faisabilité ont été menées sur des patients inopérables ou à haut risque chirurgical. Pour résumé, ces études montrent un taux de faisabilité élevé, d’excellents résultats hémodynamiques (peu de fuite résiduelle, faible gradient post-procédure) mais un taux de complications périprocédurales, et de mortalité précoce et moyenne relativement élevées (mortalité globale à 1 an : 28 %).
Conclusion
Le remplacement valvulaire mitrale percutané donne de bien meilleurs résultats en termes de fuite résiduelle par rapport aux techniques de réparation, ce qui est une condition essentielle pour obtenir de bons résultats au long cours. Le remplacement valvulaire semble donc avoir plus d’avenir que la plastie percutanée. Les résultats des essais randomisés du TMVR chez les patients à haut risque sont attendus avec beaucoup d’espérance par la communauté scientifique. Ainsi, à l’instar du TAVI, le TMVR va très probablement révolutionner la prise en charge des IM primaire et secondaire.
Références bibliographiques
Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°10