Quelques QCM : Quelques quiz de proctologie

Publié le 24 Feb 2023 à 09:36

 

Jeune-gastroentérologue en milieu d’internat, tu le lances courageusement et plein d’entrain dans ta première semaine de remplacement ! C’est l’occasion pour toi d’accroître tes connaissances, d’avoir une première approche de l’activité libérale mais aussi (car il faut bien être honnête…) d’arrondir ta fin de mois en vue des prochaines vacances au ski… Quelles que soient tes motivations, tu te lances !

8H15 : Ton premier patient arrive. Tu es immédiatement frappé par sa démarche _: il dandine, est très crispé en rapport de toute évidence avec une douleur intense mêlée à une gêne difficile à dissimuler. Tu lui proposes aimablement de s’assoir, petit rictus nerveux suivi d’un refus catégorique_! Tu te crispes à ton tour et comprends immédiatement la thématique de la consultation… Tu ne perds pas de temps et passe à l’interrogatoire. Le patient décrit une boule périanale apparue brutalement il y a 48h, responsable d’une douleur vive et permanente.

Voici les constatations de ton examen clinique :

Question 1

  • La douleur correspondant à cette pathologie proctologique fréquente est typiquement pulsatile et insomniante.
  • Une incision sous AL en urgence est indiquée afin de soulager le patient.
  • Un traitement médical est recommandé en première intention.
  • Une antibiothérapie systémique est indiquée.
  • Les AINS sont formellement contre-indiqués au vu du risque de cellulite.
  • Réponse : C

    L’interrogatoire est une étape essentielle de la consultation à ne pas négliger. Il permet tout d’abord d’instaurer un climat de confiance entre le patient et le praticien ce d’autant que vous allez examiner une région intime de l’anatomie de vos patients. Il permet également, à lui seul, de poser une hypothèse diagnostique qui sera confirmée ou non par l’examen clinique.

    Il s’agit ici d’une thrombose hémorroïdaire externe (THE) à ne pas confondre avec un abcès de la marge anale, principal diagnostic différentiel à éliminer formellement avant toute prescription d’AINS (cf. ci-dessous) !

    8H30 : Ton deuxième patient est là. C’est une jeune femme. Elle aussi se tient debout dans la salle d’attente avec son nouveau-né dans les bras… Optimiste tu te dis que c’est pour le bercer_! Tu l’invites donc à te précéder dans le box de consultation et comprends aussitôt à sa démarche, une fois encore…, que s’assoir n’est pas une option_! Ayant appris de tes «_erreurs_» tu ne lui proposes pas et passe directement à l’interrogatoire.

    La plainte principale de cette jeune maman est une douleur très vive et permanente associée à des gonflements irréductibles autour de l’anus présents depuis son accouchement il y a 5 jours. À l’examen clinique tu constates ceci :

    Question 2

  • Ton diagnostic est posé par l’inspection, tu ne tortures pas la patiente avec un examen proctologique en période aiguë.
  • Tu retiens l’indication d’une hémorroïdectomie par Milligan et Morgan en urgence.
  • Tu prescrits des corticoïdes tant que dure la douleur pour soulager cette patiente allaitante.
  • En bon proctologue que tu es, tu prescrits des laxatifs.
  • La pilosité de cette patiente t’inquiète grandement, tu l’envoies chez l’endocrinologue_!
  • Réponses : A, D

    Il s’agit d’une THE oedémateuse dont le diagnostic est clinique. Un examen proctologique avec toucher rectal et anuscopie n’est pas utile à la phase aiguë, il sera pratiqué à distance une fois la crise passée. Le traitement est médical. Un geste instrumental est contre-indiqué. Les AINS sont le traitement de choix et sont autorisés lors de l’allaitement (contre-indiqués pendant la grossesse à partir de 24SA).

    La pathologie hémorroïdaire est fréquente au cours de la grossesse et du post-partum (8 à 38_% des femmes enceintes en souffrent, 20 % en post-partum). Les facteurs en causes sont multiples : hyperpression vasculaire pendant de la grossesse, modifications hormonales, constipation fréquemment associée, efforts de poussée lors de la délivrance. Un accouchement tardif (au-delà de 39,7 SA), un gros bébé et une première phase de travail prolongée sont d’autres facteurs de risque rapportés de THE.

    La pilosité n’a rien à voir dans la physiopathologie de la pathologie hémorroïdaire. Je n’avais juste pas de photo de THE oedémateuse chez une femme dans mon stock…

    8H45 (car oui tu es à l’heure) : C’est au tour du troisième patient. Celui-ci arrive en rampant… Il s’installe tant bien que mal directement sur la table d’examen en position genupectorale, il a manifestement l’habitude de consulter le proctologue et te dit pour tout commentaire « je suis très constipé ». Voici le problème :

    Question 3

  • Tu tombes dans les pommes.
  • Tu te dis que cette photo n’est de toute évidence pas prise en position genupectorale.
  • Tu poses le diagnostic de « cul en chou-fleur ».
  • Tu te dis que les chaises en salle d’attente quand on est proctologue c’est vraiment surfait !
  • Tu commences à aimer la proctologie car en vrai c’est vraiment sympa
  • Réponses : B C D et E

    Il s’agit ici d’un prolapsus hémorroïdaire interne circonférentiel thrombosé. Il se présente sous la forme d’une tuméfaction circonférentielle recouverte de muqueuse (ce qui la distingue de la THE), excessivement douloureuse, associée à un oedème réactionnel de coloration violacée voire noirâtre. Il survient souvent au décours d’un effort de poussée important. Peuvent se rajouter des rectorragies d’allure canalaire, un suintement fréquent dans les sous-vêtements et parfois de la fièvre (secondaire à l’inflammation). La prise en charge est médicale _dans un premier temps. L’évolution est identique à la thrombose hémorroïdaire externe mais la résorption est en général plus longue. En cas d’échec du traitement médical optimisé (AINS, corticoïdes, antalgiques de pallier 2 et 3) et/ou apparition d’une nécrose extensive, un traitement chirurgical par hémorroïdectomie peut s’avérer nécessaire (rare en pratique).

    LES HÉMORROÏDES

    Les hémorroïdes sont des formations vasculaires physiologiquement présentes au niveau du canal anal dès la vie embryonnaire. Irriguées par des branches des artères rectales supérieure (hémorroïdes internes) et inférieure (hémorroïdes externes), elles sont constituées de capillaires et de shunts artério-veineux qui se drainent directement dans les veines rectales supérieure (système porte), moyenne et inférieure (système cave). On distingue le réseau hémorroïdaire externe (situées en dessous de la ligne pectinée, sous la peau de la marge anale) et interne (situées dans la partie haute du canal anal).

    LA PATHOLOGIE HÉMORROÏDAIRE EXTERNE = thrombose (+/- oedémateuse)

    Symptômes

    • Douleur périanale, d’apparition brutale, permanente et intense associée à une tuméfaction.
    • Signes non associés à la douleur de THE : caractère pulsatile et insomniant. Attention, dès l’interrogatoire ces symptômes doivent faire évoquer un abcès, l’un des diagnostics différentiels, qui contre-indique formellement la prescription d’AINS ! En cas de doute entre THE et abcès vous pouvez prendre une pompeuse et aspirer afin de voir si vous obtenez du sang (THE) ou du pus (abcès).

    Examen clinique

    • Tuméfaction bleuâtre douloureuse située sous la peau, au niveau de la marge anale dont la taille, l’étendue en circonférence, le nombre et l’oedème sont variables.

    Traitement
    Le traitement médical est toujours indiqué en première intention. Il a pour objectif de soulager des symptômes et prévenir la récidive.

    • Antalgiques (paliers 1 à 3).
    • AINS ou corticoïdes (arrêtés dès que la douleur a disparu, aucun intérêt de les poursuivre pour tenter de faire disparaitre la tuméfaction plus rapidement).
    • Topiques associant dermocorticoïdes et anesthésiques locaux.
    • Laxatifs.
    • Phlébotoniques (rarement prescris en pratique courante).
    • Régles hygiéno-diététiques.

    En cas d’échec du traitement médical bien conduit, un traitement instrumental de type excision peut être proposé si la THE est non ou peu oedémateuse, unique avec un caillot bien palpable. L’incision n’est plus réalisée en pratique courante car susceptible d’aggraver la douleur et d’augmenter le risque d’avoir une marisque de la marge anale.

    L’évolution naturelle de la THE est la résorption spontanée. La période douloureuse est en général limitée aux 2 à 5 premiers jours de la poussée. La tuméfaction met plus de temps à disparaitre, entre 1 à 6 semaines. Elle laisse parfois place à une excroissance cutanée appelée marisque.

    À noter qu’il faut bien expliquer au patient qu’il peut y avoir des saignements à l’essuyage ou dans les sous-vêtements.

    Cela peut être dû à un phénomène de « sphacélisation ». En effet, on peut retrouver un cratère au niveau de la surface de la THE par lequel peuvent sortir des caillots et engendrer des saignements. Ces derniers étant une source d’inquiétude pour les patients !

    Il n’y a aucun risque de complication telle que la migration d’un caillot, l’infection ou la transformation néoplasique.

    LA PATHOLOGIE HÉMORROÏDAIRE INTERNE = saignement, prolapsus, plus rarement thrombose

    Symptômes

    • Rectorragies : Sang souvent dans la cuvette avec une abondance variable (saignement minime, en goutte à goutte voire des saignements abondants « en robinet »). Le sang peut être retrouvé à l’essuyage. Ces rectorragies sont indolores et surviennent essentiellement lors de l’exonération. Elles peuvent engendrer des anémies pouvant être sévères dans certains cas.
    • Prolapsus :

    › Unique ou multiple.

    › 4 stades selon la classification de Goligher (grade I = procidence des plexus hémorroïdaires au travers de l’anuscope, grade II = une procidence lors d’un effort de défécation se réintégrant spontanément, grade III = procidence nécessitant une réintégration manuelle, grade IV = procidence permanente non réductible).

    › Pouvant s’accompagner de saignements, de démangeaisons et de suintements notamment en cas de grade IV.

    • Douleur : Se traduit le plus souvent par une sensation de gonflement / pesanteur intra-canalaire non rythmée par la défécation et intermittente. Il peut s’agir de douleurs plus intenses en cas de thromboses hémorroïdaires internes associées.
    • Prurit

    Examen clinique

    • Aspect normal de la marge anale en cas de pathologie hémorroïdaire interne isolée sans prolapsus associé. En anuscopie, aspect congestif des plexus hémorroïdaires interne +/- bleutés en cas de thrombose associés.
    • Prolapsus hémorroïdaire +/- extériorisé (Classification de Goligher).

    Traitement
    La prise en charge thérapeutique fait appel au traitement médical (cf. traitement de la THE) aux techniques instrumentales et/ou à la chirurgie selon les symptômes et les plaintes du patient (cf. algorithme).

    Références
    - European Society of ColoProctology: guideline for haemorrhoidal disease. Van Tol RR et al. Colorectal Disease 2020. doi:10.1111/codi.14975.

    Prise en charge de la maladie hémorroïdaire : recommandations européennes Postu 2021 Thierry HIGUERO.

    - Deux visions des recommandations européennes sur la maladie hémorroïdaire La Revue Hémorroïdes, traitement selon les recommandations européennes de l’ESCP (snfcp.org).

    - Abramowitz L. Management of hemorrhoid disease in the pregnant woman. Gastroenterol Clin Biol 2008; 32(5 Pt 2): p. S210-4.

    Remerciements
    Un très grand merci au Dr Amine ALAM (service de Proctologie, Hôpital Saint Joseph, Paris) pour sa relecture, et aux Dr Vincent de PARADES (chef du service de Proctologie Hôpital Saint Joseph, Paris) et au Pr Leon MAGGIORI (service de Chirurgie viscérale, Hôpital Saint Louis, Paris) pour leur contribution iconographique !

     




    Mélanie DRAULETTE

    Article paru dans la revue “Association Française des Internes d’Hépato-Gastro-Entérologie ” / JJG n°2

    Publié le 1677227805000