Quelle gestion du patient coronarien non-revascularisé insuffisant cardiaque à fraction d’éjection altérée ?

Publié le 05 Oct 2022 à 15:46

 

Introduction
Le coronarien pluritronculaire ayant une fraction d’éjection réduite < 35 % est une catégorie de patients difficile à traiter et dont la revascularisation la plus complète possible a été jusqu’à présent recommandée. En effet, l’étude STICH publiée dans le NEJM en 2011 (1) avait démontré une moindre mortalité cardiovasculaire après pontages coronaires chez ces patients. Il était nécessaire de contrôler si ces résultats étaient vérifiés avec l’angioplastie coronaire.

Méthodologie
L’étude REVIVED (2), fraîchement publiée dans le NEJM, simultanément à sa présentation à l’ESC, est prospective, randomisée, pluricentrique mais réalisée au Royaume-Uni, en ouvert, contrôlée, et comparait les patients sous traitement médical optimal (groupe OMT) à l’angioplastie coronaire en plus de ce traitement optimal (groupe PCI). Tous les patients inclus avaient une FEVG ≤ 35 % et étaient pluritronculaires avec un score BCIS-JS ≥ 6/12. La viabilité myocardique était préservée dans les territoires à revasculariser (au moins 4 segments viables par territoire). Étaient exclus les infarctus récents de moins d’un mois, les troubles du rythme ventriculaires récents et les insuffisances cardiaques décompensées. Le critère de jugement principal était composite (mortalité toutes causes ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque). Parmi les critères secondaires on retrouvait l’évolution de la FEVG et une évaluation de la qualité de vie du patient. Les inclusions ont eu lieu pendant 7 ans, entre 2013 et 2020 et ont permis d’inclure un effectif plutôt restreint de 700 patients ayant en moyenne 70 ans et étant quasi-exclusivement des hommes (88 %). La FEVG moyenne était de 27 % et 40 % d’entre eux étaient tritronculaires. À noter que 50 % de ces patients étaient porteurs de défibrillateurs implantables.

Résultats
On a noté 347 patients assignés au groupe angioplastie (PCI) et 353 patients au groupe traitement médical optimal (OMT). Le suivi moyen a été de 41 mois. Le critère de jugement principal est survenu chez 37 % patients du groupe PCI contre 38 % du groupe TMO soit l’absence de différence entre ces groupes (129 versus 134 événements HR=0.99, [IC 95 % = 0,78-1,27], p = 0,96) (Figure 1). La FEVG était comparable entre les deux groupes tout au long de l’étude (Figure 2). Les scores de qualité de vie étaient légèrement en faveur du groupe PCI à 6 mois et à 12 mois mais totalement comparables à 24 mois (Figure 3).

Figure 1 : Courbe de Kaplan-Meier du critère de jugement principal comparant l’angioplastie (PCI) au traitement médical optimal (OMT) dans le traitement de la cardiopathie ischémique avec dysfonction VG sévère (FE < 35 %)

Figure 2 : Évolution de la FEVG à 6 et 12 mois entre le groupe angioplastie (PCI) et le groupe traitement médical optimal (OMT) – critère de jugement secondaire

Figure 3 : Évolution de la qualité de vie évaluée par le score KCCQ à 6 et 12 mois entre le groupe angioplastie (PCI) et le groupe traitement médical optimal (OMT) – critère secondaire de jugement

Conclusion
Dans cette population, l’angioplastie n’a pas amélioré des critères durs comme la mortalité toutes causes ou l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. La FEVG et les symptômes, symbolisés par les scores de qualité de vie, n’ont également pas été améliorés. Cette étude n’est pas inintéressante mais doit cependant être relativisée pour plusieurs raisons. D’une part, l’âge très important des patients, 70 ans, est nettement plus élevé que lors de l’étude STICH publiée en 2011 où ils avaient en moyenne 59-60 ans. Ces populations très masculines sont proches de leur espérance de vie théorique surtout avec leurs comorbidités et peuvent facilement décéder pour d’autres causes, ce qui explique le taux si élevé de survenue du critère principal dans les deux groupes malgré un suivi relativement court. Le nombre de patients inclus, 700 au total, est très faible, surtout pendant une aussi longue durée d’inclusion (100 patients inclus par an, un tous les trois jours en moyenne dans tout le Royaume-Uni). L’inclusion n’a eu lieu qu’au Royaume-Uni alors que STICH incluait dans 22 pays. La moitié des patients avaient un défibrillateur implantable ce qui a pu jouer un rôle sur le nombre de décès dans les deux groupes. Par ailleurs, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque a été bouleversée au cours de la décennie 2010-2020 par l’arrivée du sacubitril-valsartan remplaçant les IEC/ARAII comme référence du traitement dans la triade comprenant également le bétabloquant et l’anti-aldostérone. Cela peut en partie expliquer ces résultats. Quand le traitement médical s’améliore, il est plus difficile de trouver un bénéfice à l’angioplastie, comme l’ont déjà prouvé les célèbres études COURAGE (3) puis ISCHEMIA (4). Autres limites de l’étude : une faible puissance avec des événements inférieurs au taux attendu et une durée de suivi également nettement plus courte que pour STICH. Vraisemblablement, cette étude donne un élément de réflexion mais est méthodologiquement trop insuffisante pour faire modifier les pratiques et les recommandations de l’ESC (5). Comme souvent, d’autres études de plus grande ampleur et si possible internationales seront nécessaires pour déterminer si la revascularisation par angioplastie apporte ou non un bénéfice aux insuffisants cardiaques traités médicalement de façon optimale.

Références
1. Velazquez EJ, Lee KL, Deja MA, Jain A, Sopko G, Marchenko A, et al. Coronary-artery bypass surgery in patients with left ventricular dysfunction. N Engl J Med. 2011 Apr 28;364(17):1607–16.
2. Perera D, Clayton T, O’Kane PD, Greenwood JP, Weerackody R, Ryan M, et al. Percutaneous Revascularization for Ischemic Left Ventricular Dysfunction. N Engl J Med. 2022 Aug 27.
3. Boden WE, O’Rourke RA, Teo KK, Hartigan PM, Maron DJ, Kostuk WJ, et al. Optimal medical therapy with or without PCI for stable coronary disease. N Engl J Med. 2007 Apr 12;356(15):1503–16.
4. Maron DJ, Hochman JS, Reynolds HR, Bangalore S, O’Brien SM, Boden WE, et al. Initial Invasive or Conservative Strategy for Stable Coronary Disease. N Engl J Med. 2020 09;382(15):1395–407.
5. McDonagh TA, Metra M, Adamo M, Gardner RS, Baumbach A, Böhm M, et al. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J. 2021 Sep 21;42(36):3599–726.

Auteur
Dr Adrien Pasteur-Rousseau
Institut Coeur Paris Centre,
ICPC, Paris

Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°16   

 

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