Qu’est-ce que l’oncogériatrie ?

Publié le 17 May 2022 à 08:56


A l’occasion des 14èmes journées nationales de la Société Francophone d’Onco-Gériatrie (SoFOG), qui auront lieu à Nice le 20-21 Septembre, nous sommes revenus sur cette discipline en pleine expansion et avons pu rencontrer le Dr Boulahssass, oncogériatre à l’UCOG Paca-est et secrétaire de la SoFOG.

Qu’est-ce que l’oncogériatrie ?
L’oncogériatrie est le rapprochement de deux spécialités, la cancérologie et la gériatrie. Cette pratique vise à garantir à tout patient âgé atteint de cancer un traitement adapté à son état grâce à une approche multidisciplinaire et multi professionnelle. Des appels à projets INCa/DGOS depuis 2009 ont permis le déploiement de 24 unités de coordination en oncogériatrie et quatre antennes d’oncogériatrie en France.

Pourquoi ?
L’incidence du cancer augmente régulièrement au cours de la vie. Le cancer est donc, surtout, une pathologie du sujet âgé. En 2015, 233 943 nouveaux cas de cancer sont estimés chez les personnes âgées de 65 ans et plus en France métropolitaine, soit 60,9 % des cancers diagnostiqués tous âges confondus. Parmi eux, 57,6 % surviennent chez l’homme. Pour les personnes âgées de 85 ans et plus, 14 947 nouveaux cas de cancers sont estimés, soit 10,9 % de l’ensemble des cas diagnostiqués (8,6 % parmi les hommes et 13,7 % parmi les femmes).

Chez les hommes, les cancers les plus fréquents sont : le cancer de la prostate (35 792 estimés en 2011), le cancer du poumon (18 237 estimés en 2015), et le cancer colorectal (16 789 estimés en 2015).

Chez les femmes, le cancer du sein est le plus fréquent (25 283) suivis du cancer colorectal (14 429) et du cancer du poumon (7910) selon les estimations en 2015.

La survie varie selon la localisation du cancer. En 2015, 112 596 décès par cancer sont estimés chez les personnes âgées de 65 ans et plus, dont 55,6 % chez l’homme, soit 75,3 % du total des décès par cancer.

Quelles sont les missions des unités de coordination en oncogériatrie ?
Les unités de coordination en oncogériatrie ont pour objectifs d’améliorer la prise en charge des personnes âgées atteintes de cancer et de rendre accessible ce dispositif sur l’ensemble du territoire. On retrouve 4 principales missions :

  • Adapter les traitements des patients âgés atteints de cancer par des décisions conjointes oncologues-gériatres.
  • Promouvoir la prise en charge de ces patients dans la région afin de la rendre accessible à tous.
  • Contribuer au développement de la recherche en oncogériatrie, notamment en impulsant des collaborations interrégionales.
  • Soutenir la formation et l’information en oncogériatrie.

L’évaluation gériatrique en cancérologie
L’évaluation gériatrique standardisée est un outil utilisé par les gériatres depuis plusieurs années, qui vise à évaluer la personne âgée dans son ensemble, s’attachant de manière systématique à couvrir tous les aspects du vieillissement et de ses conséquences. Il s’agit d’un outil fiable et reproductible permettant d’individualiser des groupes homogènes de patients afin de permettre d’adapter au mieux leurs prises en charge. Elle explore l’état fonctionnel, les comorbidités, l’état nutritionnel, l’état cognitif, l’état psychologique, et le statut socio-économique.

Elle permet de reconnaître les syndromes de fragilités gériatriques, d’évaluer les comorbidités réversibles et d’estimer les problèmes psychologiques et sociaux pouvant interférer avec le traitement du cancer. Le but de l’oncogériatre est d’aider les oncologues dans leurs décisions de prise en charge thérapeutique, mais également de proposer une prise en charge gériatrique associée, et ceci afin d’améliorer le pronostic du patient en préservant une qualité de vie satisfaisante.

Afin de détecter la pertinence d’une évaluation gériatrique complète, plusieurs outils de dépistage de la fragilité gériatrique en cancérologie sont utilisés dont le G8 (P. Soubeyran et al, Plos-One 2014). Un score inférieur ou égal à 14 au G8 doit conduire à un recours à une évaluation gériatrique plus complète.

Le futur ?
Le plan cancer 2014-2019 prévoit d’améliorer la prise en charge des personnes âgées atteintes de cancer, notamment en s’appuyant sur une recherche clinique renforcée dans cette population. L’offre des essais cliniques, aujourd’hui, ne reflète pas l’épidémiologie des cancers du sujet âgé. En effet, environ 1 à 2 % de la population âgée de 75 à 85 ans est incluse dans des essais cliniques en cancérologie. De nombreux appels à projets ont été lancés par l’institut national du cancer et ses partenaires afin de développer la recherche clinique en oncogériatrie.

Références

  • Binder-Foucard F, Belot A, Delafosse P, Remontet L, Woronoff A-S, Bossard N. Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 - Tumeurs solides. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire ; 2013. 122 p. Disponible sur le site de l’invs et celui de l’inca.
  • Grosclaude P, Remontet L, Belot A, Danzon A, Rasamimanana Cerf N, Bossard N. Survie des personnes atteintes de cancer en france, 1989-2007. Étude à partir des registres des cancers du réseau Francim. Synthèse. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire, 2013. 410 p.
  • Monnereau A, Remontet L, Maynadié M, Binder-Foucard F, Belot A, Troussard X, Bossard N. Estimation nationale de l’incidence des cancers en France entre 1980 et 2012. Partie 2 – Hémopathies malignes. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire ; 2013. 88 p.
  • Estimation de la prévalence (partielle et totale) du cancer en France métropolitaine chez les 15 ans et plus en 2008 - Étude à partir des registres des cancers du réseau Francim. Boulogne-Billancourt, juillet 2014.
  • Les cancers en France en 2013. Collection Etat des lieux et des connaissances, ouvrage collectif édité par l’inca, Boulogne-Billancourt.
  • Terret C, Zulian G, Droz JP. Statements on the interdependence between the oncologist and the geriatrician in geriatric oncology. Crit Rev Oncol Hematol 2004 ; 52 : 127-33.
  • Wieland D, Hirth V. Comprehensive geriatric assessment. Cancer Control 2003;10:454-62.
  • Parmelee PA , Thuras PD, Katz IR et al. Validation of the Cumulative Illness Rating Scale in a geriatric residential population.J Am Geriatr Soc. 1995 ;43(2):130-7.
  • Balducci L, Extermann M. Management of the frail person with advanced cancer.Crit Rev Oncol Hematol. 2000 ;33(2):143-8. Repetto L, Venturino A, Serraino D et al. Geriatric oncology: a clinical approach to the older patient with cancer. Eur J Cancer 2003;39:870-880.

Rencontre avec le Dr Boulahssass
Dr Boulahssass, vous êtes oncogériatre au sein de l’UCOG PACA EST, qu‘est-ce qui vous a attiré dans la pratique de l’oncogériatrie ?
Il y a 3 points qui m’ont attiré dans cet exercice :
1) La réflexion médicale sur les cas difficiles, avec cette notion de balance bénéfice/risque, tenter d’être bienfaisant sans obstination déraisonnable, avec toute la complexité des cas qui fait la beauté de la pratique de la gériatrie.
2) Le travail en collégialité avec les différents intervenants avec une notion d’équipe élargie.
3) Enfin, la perpétuelle acquisition de connaissances avec une discipline comme l’oncologie où les avancées thérapeutiques et innovations diverses sont toujours exaltantes.

La gériatrie est en pleine expansion, notamment avec la création du DES de gériatrie. Y a-t-il une place pour les jeunes gériatres en oncogériatrie ? Si oui, comment se former ?
Evidemment les jeunes doivent se former, mais avant tout au métier de gériatre car avant tout un bon oncogériatre est un bon gériatre. Il me semble important, comme je l’ai fait lors de mon dernier choix d’interne, de pouvoir faire un semestre en oncologie afin de mieux comprendre la thérapeutique. Les DU, les congrès et le compagnonnage sont évidemment différents
modes de formation.

La 14ème édition des journées nationales d’oncogériatrie aura lieu le 20 et 21 septembre à Nice, que pouvez-vous nous dire pour nous convaincre d’y assister ?
La SOFOG sera à Nice en septembre (ceci est déjà un bon argument !). Plus sérieusement, il y aura deux thèmes phares : les cancers de la femme âgée et « restons connectés ». Mais on retrouvera aussi des cas cliniques, la mise en avant des avancées
en oncogériatrie, un focus sur la recherche et des sessions sur les thématiques phares, avec je l’espère, beaucoup d’interactions en collégialité. Les jeunes auront également une réunion dédiée pour dynamiser notre société.

14èmes journées SoFOG, les 20-21 septembre à Nice. Toutes les informations seront sur http://www.congres-sofog.com/. Tarifs Etudiant/Interne : 50 euros jusqu’au 5/07 puis 100 euros. Tarifs médecins 360 Euros.

Cyrielle RAMBAUD-COLLET
Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°18

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