Psychiatre en consultation mémoire

Publié le 02 Nov 2022 à 14:47

 

Bonjour, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Je m’appelle Mathieu Herrmann, je suis praticien hospitalier au Pôle de Psychiatrie de la Personne Âgée où j’exerce aussi le rôle de responsable du service ambulatoire au Centre Hospitalier Le Vinatier, principal hôpital psychiatrique de la région lyonnaise.

La plus grande partie de mon activité consiste en une activité de consultation psychiatrique classique auprès des personnes âgées de plus de 65 ans, présentant surtout des troubles psychiatriques de début tardif ou en rupture de suivi. Nous avons en effet la chance sur notre territoire d’avoir pu développer des Centres Médico-Psychologiques dédiés à cette population avec des prises en soins pluriprofessionnelles. Nous nous appuyons aussi sur des services d’hospitalisations pour Personnes Âgées ainsi que d’autres dispositifs ambulatoires de type équipe mobile.

En parallèle de cette activité j’ai la chance de participer à une consultation mémoire au sein du même hôpital, développée par le Dr Jean-Michel Dorey, depuis un peu moins de dix ans. Dans ce contexte, j’ai eu l’occasion de participer à la première session du DIU Maladie d’Alzheimer et Maladies Apparentées (DIU MA2) lors de mon assistanat. Ce DIU a été un moment riche en échanges et émulations entre neurologues, gériatres et psychiatres et a confirmé mon intérêt pour la cognition et surtout pour le travail en collaboration avec les autres spécialités intervenant dans le domaine.

Quelles sont les particularités de la consultation mémoire dans laquelle vous exercez ?

Tout d’abord il s’agit d’une consultation mémoire adossée à un hôpital psychiatrique, ce qui n’est pas courant.

Il s’agit d’une consultation labelisée, nous avons des liens forts avec le Centre Mémoire Ressource Recherche (CMRR) mais sans en faire partie.

Pour vous donner un exemple, nous accueillons des internes affectés à mi-temps dans le service et à mi-temps à la consultation mémoire neurologique du CMRR.

De même, l’unité a une vocation universitaire ce qui est une des particularités du CH Le Vinatier dans lequel co-existent des services universitaires et classiques. Dans ce contexte nous participons aux enseignements académiques et développons des activités de recherche.

L’effectif est modeste puisque l’équipe est composée de temps (très) partiels de deux psychiatres, deux neuropsychologues, une infi rmière et une assistante médico-administrative.

Quelles sont les missions de cette consultation mémoire au sein d’un hôpital psychiatrique ?

Les missions de la consultation mémoire neuropsychiatrique sont triples :

Tout d’abord, aider au diagnostic différentiel des pathologies psychiatriques avec involution cognitive. En effet, on sait maintenant que le risque d’évolution démentielle est multiplié par 3 dans les pathologies psychiatriques chroniques comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire.

Une autre mission est d’améliorer le repérage et le diagnostic des troubles neurocognitifs à mode d’entrée psychiatrique. Par exemple, environ 30 % des maladies d’Alzheimer et maladie à corps de Lewy, et quasiment une maladie fronto-temporale sur deux sont initialement confondues avec une pathologie psychiatrique primaire.

Enfi n, le dernier objectif est de proposer des avis thérapeutiques et diagnostiques pour les troubles du comportement complexes compliquant les troubles neurocognitifs.

L’évaluation des troubles du comportements et leur prise en soins ne fait pas partie des indications retenues par la consultation mémoire, cette mission étant remplie par une consultation ou une équipe mobile dédiée des Hospices Civils de Lyon.

En dehors de cette consultation un peu spécifique, quels peuvent être les apports d’un.e psychiatre dans les consultations mémoire ?

Les psychiatres peuvent amener une expertise diagnostique et thérapeutique complémentaire aux gériatres et neurologues. Par leur formation en psychiatrie générale ainsi qu’en psychiatrie de la personne âgée, ils peuvent notamment apporter des connaissances sur les manifestations cognitives des troubles psychiatriques, les addictions mais aussi sur les manifestations neuropsychiatriques prodromales ou associées aux troubles neurocognitifs débutants. Ils aident ainsi à trouver ou éliminer des diagnostics différentiels. Les échanges pluridisciplinaires vont aussi permettre de discuter de potentielles intrications neuro-psychiatriques. Il s’agit régulièrement d’évoquer des comorbidités avec une modulation de l’expression des troubles cognitifs par une pathologie psychiatrique antérieure, plutôt qu’une lecture un peu réductrice « psy/pas psy ».

Au niveau thérapeutique, la connaissance des psychotropes facilite leur utilisation et optimisation lorsque cela est nécessaire mais renforce aussi la prise en compte de la iatrogénie. La connaissance d’autres outils thérapeutiques permet aussi d’évaluer la faisabilité et l’indication de différentes psychothérapies en fonction des troubles et de leur intensité. Enfin, la grille de lecture des situations est peut-être un peu différente et le psychiatre est d’une certaine manière à l’interface entre le modèle biomédical et un modèle psycho-social, permettant d’articuler les deux pour une prise en soins individualisée. Par ailleurs, ils n’ont pas peur des « patients psy ». Cela peut paraître accessoire mais pas tant que cela en réalité...

Est-ce un exercice qui peut être amené à se développer ?

e l’espère ! La mise en place d’une option « Psychiatrie de la Personne Âgée » dans le DES de Psychiatrie devrait permettre de développer les connaissances et l’intérêt des internes en psychiatrie pour la Personne Âgée et le travail d’articulation avec les gériatres. Il en va de même en ce qui concerne le DIU MA2.

La prévalence importante des symptômes thymiques et anxieux dans les troubles neurodégénératifs débutants et le vieillissement des personnes avec pathologies psychiatriques chroniques vont nécessiter des compétences particulières et nourrir des discussions pluri-professionnelles riches !

Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°31

 

 

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