Prise en charge des patients sujets aux fausses routes è domicile

Publié le 17 May 2022 à 20:17


L’une des complications malheureusement classiques d’une personne âgée dépendante, aboutissant à une hospitalisation voire au décès de cette personne est la pneumopathie d’inhalation, provoquée par une fausse route.

Méconnaissance du dépistage et des enjeux
En interrogeant l’entourage familial sur les circonstances de l’apparition de fausses routes, force est de constater que le repérage des signes de fausse route n’est pas acquis. De ce fait la prise en charge ne peut pas être adaptée. Si des questions précises sont posées, la présence de fausse route peut plus facilement être repérée.

« Votre mari tousse-t-il lorsqu’il boit ? », « Tousse-t-il souvent après avoir fini son repas ? », « Garde-t-il longtemps les aliments dans la bouche ? », « Met-il du temps à avaler ? ».

Une fois le repérage réalisé, il convient d’expliquer l’enjeu d’une prise en charge adaptée pour limiter la récidive de fausses routes. La fausse route, même occasionnelle, doit être expliquée à l’entourage comme étant un signe à prendre en considération immédiatement de façon à proposer des aménagements (autre type de repas, texture, positionnement : cf. la fiche pratique page 17).

Il ne s’agit pas d’inquiéter outre mesure l’entourage. Mais montrer que des gestes et des techniques simples, à la portée de tous, sont des mesures efficaces. Il est d'importance d’expliquer qu’un positionnement adapté en station assise permet de limiter l’apparition de fausse route.

"Qui d’entre nous peut avaler sans tousser en position couchée ?"

Les conseils d’adaptation des textures proposée doivent être suivis pour chaque repas. Ainsi le choix de la texture devra rester le même, que ce soit pour le café du matin, ou les boissons de la journée.

« Madame I. avait bien compris la nécessité de donner de l’eau gélifié à son mari, mais continuait à lui servir son café habituel au petit-déjeuner ! »

Charge de travail et diversification
Une des plaintes évoquée par les aidants est la charge supplémentaire liée à la préparation des repas. Certains aidants souhaitent évidemment continuer à prendre un repas « normal » avec morceaux et imaginent devoir cuisiner deux repas totalement différents. Bien évidemment, il est possible de mixer la viande et d’écraser les légumes !

D’autres encore se plaignent de ne pas proposer de diversité dans les repas confectionnés. Certains sites internet proposent des menus mixés savoureux et variés, voir par exemple l’application ARSLA Mixiton.

Rééducation
Dès le repérage de fausse route, la prise en charge en orthophonie peut être une aide efficace. La rééducation à la déglutition peut être débutée précocement et se poursuivre par l’apprentissage de techniques facilitatrices. Ne pas hésiter à contacter l’orthophoniste de l’établissement ou proposer au médecin traitant d’en parler à l’orthophoniste avec qui il a l’habitude de travailler.

La fiche technique ci-contre décrit quelques conseils à mettre en place. Bien que simples, leur mise en place nécessite un accompagnement des aidants par des professionnels (médecin, infirmier, aide-soignant, kinésithérapeute, orthophoniste, ergothérapeute…) pour leur apporter des explications au début de leur mise en place et régulièrement pour vérifier que ces conseils soient bien appliqués.

Patricia BAECHLER
Pour l'Association des Jeunes Gériatres

CONSEILS PRATIQUES FACE À DES TROUBLES DE LA DÉGLUTITION

La posture : le risque de fausse route peut être augmenté si l’installation n’est pas adaptée.
Pour les personnes alitées : Relever la tête du lit pour redresser le dos au maximum.

Pour les personnes assises (position vers laquelle il convient de tendre) : Le dos le plus droit possible, bien en face de son assiette, rechercher une flexion de nuque (tête penchée en avant).

Si la personne ne mange pas seule : Amener la cuillère vers la bouche pour inciter à une flexion antérieure de la nuque.
S’asseoir au même niveau qu’elle pour favoriser cette position.

L’extension de la nuque (vers l’arrière) favorise l’apparition de fausses routes).

L’environnement
Prendre ses repas dans un environnement calme : limiter les distractions visuelles et auditives dérangeantes (télévision, radio, discussion animée autour de la personne…). Certaines personnes doivent soutenir leur attention pour prendre leur repas.

Le comportement

  • Ne pas perdre de vue qu’assister une personne présentant un risque de fausses routes au repas prend du temps ! Parce que cette opération demande un effort de concentration, de cheminer séquence après séquence pour bien respecter chaque consigne.
  • Laisser le temps à la personne d’avaler bouchée après bouchée, respecter ce rythme lent sans précipitation.
  • Vérifier la quantité prise sur la cuillère (petite quantité).
  • Veillez à ce que la prise de tout un repas ne provoque pas de fatigue et par conséquent d’éventuelles fausses routes.

Les consignes

  • Bien pincer les lèvres.
  • Appuyer doucement la cuillère sur la langue pour mieux stimuler la déglutition.
  • Faire déglutir à vide entre chaque bouchée.
  • Ne pas faire parler la personne en même temps qu’elle avale.
  • Vérifier qu’il ne reste aucun résidu alimentaire dans la bouche en fin de repas.
  • Laisser la personne en station assise au moins 30 mn après la fin du repas (les fausses routes peuvent apparaître à distance de la prise alimentaire sous la forme de toux ou de voix « mouillée »).

Les textures
Homogène : pas de texture différente dans un même plat.

Gradation des textures pour les solides en fonction des capacités de la personne : lisse, puis mixé puis haché. Les plats épicés stimulent la sensibilité buccale.

Evitez les aliments qui s’éparpillent : quelques exemples (riz, semoule), trop secs (biscotte), collants (purée épaisse, petit-suisse) fibreux (asperge, poireau).

Pour les liquides : boissons gélifiées (gélatine, agar, ou toutes faites dans le commerce) puis épaissies. Préférez les boissons pétillantes, très froides ou très chaudes (mais attention aux brûlures…) encore une fois qui stimulent la sensibilité buccale.

Le matériel
Pour éviter les bouchées trop grosses, choisir une cuillère à dessert. Pour éviter l’extension de la nuque (toujours elle...) :

  • Ne pas utiliser de verre à bec (« canard »).
  • Remplir le verre au maximum.
  • Proposer un verre à encoche nasale.
  • Utilisation d’une paille : après avoir vérifié que la personne maîtrise l’aspiration.

Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°23

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