Technique d’implantation
L’implantation est réalisée au bloc opératoire, en respectant des conditions d’asepsie rigoureuse, associées à une antibioprophylaxie. L’implantation est réalisée de préférence du côté controlatéral au membre dominant. Les 2 voies d’abord veineuses essentielles sont les voies sous-clavière et céphalique. La veine sous-clavière est accessible via une ponction à l’aiguille, le repérage anatomique pouvant être guidé par la scopie (possibilité de réaliser une phlébographie).
La veine céphalique se termine dans la veine axillaire, qui elle-même devient veine sous-clavière dans sa portion proximale. La veine céphalique chemine dans le sillon delto-pectoral. Pour une implantation céphalique, l’exploration du sillon delto-pectoral représente le 1er temps opératoire à la recherche de cette veine. L’abord direct de la veine céphalique permet de réduire les risques de pneumothorax. Elle n’existe cependant pas chez tous les patients et son calibre n’est pas toujours suffisant pour accepter les sondes de stimulation.
Modes de stimulation et de détection
Le mode de fonctionnement du stimulateur est désigné par une association de 3 à 4 lettres. La 1ère lettre désignant la cavité stimulée (A pour l’oreillette, V pour le ventricule, D pour les deux ou O pour aucune), la seconde lettre la cavité détectée (A, V, D ou O) et la 3e lettre la fonction du stimulateur lors de la détection d’un événement (I : inhibition du stimulateur, T : stimulation de la cavité désignée par la 1ère lettre, D : possibilité d’inhibition ou de stimulation ou O : stimulation ne dépendant pas de la détection).
Comprendre le principe de « l’Asservissement du PM »
La 4e lettre (R), si elle est présente, désigne l’asservissement du stimulateur. L’asservissement permet une adaptation de la fréquence de stimulation à l’effort et donc de lutter contre l’insuffisance chronotrope. En effet, l’absence d’accélération de la fréquence cardiaque, notamment chez un patient stimulo-dépendant, peut être associée à une symptomatologie de type dyspnée ou asthénie à l’effort.
L’asservissement repose, selon le type de stimulateur, sur un accéléromètre, l’impédance intracardiaque ou une estimation de la ventilation minute (impédance thoracique).
Ces systèmes permettent de détecter une augmentation de l’activité du patient et d’accélérer la fréquence de stimulation en fonction du besoin estimé.
Technique de préservation de la conduction auriculo-ventriculaire spontanée
Une stimulation ventriculaire droite permanente peut être néfaste sur le plan hémodynamique et est associée à une réduction de la durée de vie des stimulateurs. Or, les patients implantés pour dysfonction sinusale ou BAV paroxystique ne nécessitent pas une telle stimulation permanente. Il existe donc des algorithmes sur les stimulateurs double chambre permettant un fonctionnement avec une stimulation auriculaire seule, tout en surveillant la présence d’une activité ventriculaire spontanée. Le stimulateur fonctionne donc en mode ADI (stimulation atriale seule avec surveillance de l’activité dans les 2 chambres) avec un passage à un fonctionnement en mode DDD lors de l’altération de la conduction auriculo-ventriculaire. Ce mode porte différents noms selon le constructeur (Vp suppression pour Biotronic®, Rythmiq pour Boston®, MVP pour Medtronic®, SafeR pour Sorin® et VIP pour St Jude Medical®).
Les critères de commutation d’un mode à un autre sont différents selon l’algorithme, mais il existe un délai entre l’apparition du bloc auriculo-ventriculaire et le passage en mode DDD. Une activité atriale non suivie d’une activité ventriculaire ne signe donc pas systématiquement un mauvais fonctionnement d’un stimulateur réglé sur un mode de préservation de la conduction AV spontanée.
Exemple de fonctionnement du mode SafeR du constructeur Sorin®. Le stimulateur fonctionne initialement en DDD, avec une stimulation ventriculaire après un événement atrial spontané. L’algorithme recherche régulièrement une conduction AV spontanée et repasse donc en mode ADI (1ère flèche), expliquant les ondes p non suivies. Un des critères de retour en DDD de cet algorithme est la présence de 3 activités atriales (non consécutives) non suivies d’un ventriculogramme sur les 12 derniers battements. Le stimulateur revient donc au mode DDD après la 3e onde p bloquée (2e flèche).
Exemple de mode de stimulation en fonction de l’indication
Le mode de programmation standard des stimulateurs double chambre est :
- DDD : le stimulateur cardiaque détecte l’activité des 2 cavités électriques et s’inhibe en cas d’activité spontanée plus rapide que la fréquence minimale réglée.
En cas d’activité auriculaire spontanée ou stimulée, le stimulateur vérifie la présence d’une activité ventriculaire spontanée y faisant suite pendant une durée réglable (délai atrio-ventriculaire, équivalent au PR physiologique). Une stimulation ventriculaire survient à la fin de ce délai en absence d’activité spontanée. Ce mode permet donc la préservation de la synchronisation atrio-ventriculaire, l’activité dans chaque cavité pouvant être spontanée ou stimulée.
Les autres principaux réglages utilisés sont :
- VVI : L’indication principale de ce réglage est la bradycardie associée à une FA permanente soit sous forme de FA lente éventuellement avec pauses, soit sous forme de BAV complet associé à la FA. En effet, il s’agit d’un mode de stimulation ventriculaire seule, faisant perdre la synchronisation auriculo-ventriculaire (qui n’est plus d’actualité en cas de FA de toute façon !).
- AAI : L’indication idéale de ce réglage est la dysfonction sinusale pure, sans trouble conductif auriculo- ventriculaire. Une sonde atriale seule est suffisante pour ce mode. En pratique, une implantation atriale seule n’est quasiment jamais réalisée du fait du risque de BAV paroxystique ou complet d’apparition plus tardive. Le réglage AAI est donc habituellement accompagné de l’algorithme de préservation de la conduction AV (AAI/DDD), impliquant une électrode ventriculaire.
- DDI : Il existe dans ce mode une stimulation atriale à la fréquence minimale réglée, et une stimulation ventriculaire après le délai AV réglé en l’absence d’activité ventriculaire spontanée. La différence principale par rapport au réglage en DDD est l’absence de synchronisation de la stimulation ventriculaire après une activité atriale spontanée. Chaque électrode agit sur un mode sentinelle dans sa cavité. Si l’oreillette est plus rapide, soit elle engendre une conduction spontanée, soit, en cas de trouble conductif atrio-ventriculaire, le ventricule sera stimulé indépendamment de l’oreillette, à la fréquence de base programmée. Ce mode est donc inadapté pour les patients présentant un BAV complet permanent avec une fonction sinusale normale. Ce mode est adapté à la FA paroxystique et évite l’emballement d’une stimulation ventriculaire qui serait synchronisée à l’activité atriale. Il s’agit donc du mode de repli lors d’un passage en FA.
As : Activité atriale spontanée, Vs : Activité ventriculaire spontanée, Vp : Activité ventriculaire stimulée, DAV : Délai atrio-ventriculaire.
Exemple d’un réglage en DDI (figure de gauche) et en DDD (figure de droite) chez le même patient, appareillé pour un BAV complet permanent avec activité sinusale normale. En DDI, stimulation ventriculaire à la fréquence minimale réglée, sans synchronisation avec l’activité atriale (activation simultanée sur le dernier complexe).
Le principe de la stimulation bi-ventriculaire sera abordé dans un prochain numéro en détail.
Comprendre la différence entre « Fréquence minimale de stimulation » et « Fréquence maximale synchrone de suivi »
Le réglage d’un stimulateur cardiaque est désigné par le mode de stimulation et par une fréquence de stimulation.
Les stimulateurs réglés sur un mode sans synchronisation atrio-ventriculaire (simples chambre ou DDI) fonctionnent à une fréquence minimale de stimulation. Il s’agit de la période temporelle (qui correspond à 60000 msec/fréquence programmée, 1000 ms pour une fréquence à 60/min par exemple) maximale séparant deux activités, atriales ou ventriculaires.
2 fréquences distinctes sont à régler pour les stimulateurs fonctionnant sur un mode de synchronisation atrio-ventriculaire (VDD, DDD) : La fréquence minimale de stimulation.
- La fréquence maximale synchrone de suivi : il s’agit de la limite de fréquence à partir de laquelle le stimulateur ne stimule plus le ventricule en réponse à une activité atriale spontanée.
- Exemple : Stimulateur double chambre réglé en DDD 60/130 chez un patient en BAV complet. Chaque événement atrial stimulé ou détecté réinitialise un délai de 1000 ms, au-delà duquel surviendra une stimulation atriale. Chacun de ces évènements sera suivi d’une stimulation ventriculaire après le délai AV réglé. Lorsque la fréquence atriale propre dépasse 130/min, la stimulation ventriculaire ne suit plus la cadence auriculaire et se limite à 130/min.
« Fonction de repli » : Astuce du PM lors des passages en FA
Les patients porteurs d’un PM double chambre réglés en VDD ou en DDD ont une stimulation ventriculaire synchronisée sur l’activité auriculaire détectée ou stimulée (en DDD). Or, en cas de passage en FA, une stimulation ventriculaire secondaire à chaque activité atriale (jusqu’à la fréquence maximale de suivi) engendrerait une tachycardie qui durerait autant que dure le trouble du rythme atrial. Il existe un changement de mode de fonctionnement dans ce cas vers un mode de stimulation ventriculaire asynchrone par rapport à l’activité atriale (DDI si DDD initialement ou VDI si VDD initialement), tout en continuant à détecter l’activité atriale pour pouvoir rebasculer en mode classique lors de la sortie de la FA. Cette fonction (appelée repli) se déclenche au-delà d’une fréquence atriale réglable avec un retour au mode initial lors de la diminution de la fréquence atriale.
Principe pratique du Test à l’aimant
L’application d’un aimant sur un stimulateur cardiaque déclenche une stimulation asynchrone, à haut voltage, à une fréquence donnée différente selon la marque du stimulateur.
Ce test peut avoir différents intérêts, essentiellement en l’absence de programmateur :
1- Connaître la marque du boitier de pacemaker : si elle est inconnue, grâce à la fréquence sous aimant (Biotronik: 90/min, Boston 100/min, Medtronic : 85/min les 3 premiers battements puis 100/min, Sorin : 96/min et St Jude Medical : 98.65/min). Ces fréquences changent lors de l’usure des boîtiers et sont donc essentiellement utilisables pour des boitiers suffisamment récents
2- Forcer la stimulation : via la sonde ventriculaire ou via les deux sondes en fonction du type de stimulateur (mono ou double chambre). Cela permet de connaître le nombre d’électrodes susceptibles de stimuler, si les spikes correspondants sont absents de l’ECG, et de déduire les causes d’une éventuelle anomalie de fonctionnement :
- Surdétection par le stimulateur : auquel cas l’aimant fait apparaître une stimulation.
- Défaut de capture : spike ne capturant pas.
- Fin de vie du boitier : pas de stimulation même à l’application de l’aimant.
L’usage de l’aimant, en raison du caractère asynchrone de la stimulation qu’il induit, doit pouvoir théoriquement être suivi d’une capacité à défibriller en raison du potentiel arythmogène que cette manoeuvre comporte.
3- Arrêter une tachycardie par réentrée électronique
Attention : à noter que l’application d’un aimant sur un défibrillateur automatique implantable ne déclenche pas de stimulation asynchrone mais désactive les thérapies (ATP et chocs).
Comprendre la fameuse « Tachycardie par réentrée électronique »
Il s’agit d’une tachycardie induite et entretenue par un stimulateur double chambre, réglé en mode de suivi atrial (DDD ou VDD) suite à une perte de synchronisation atrio-ventriculaire. Le tableau typique est celui d’une extrasystole ventriculaire avec onde p rétrograde. Cette onde p est bloquée en antérograde (période réfractaire du noeud) et déclenche une stimulation ventriculaire en réponse. L’activité ventriculaire est suivie d’une onde p rétrograde (sortie de la période réfractaire) et ainsi de suite...
L’application d’un aimant déclenche une stimulation asynchrone. Il n’y a donc plus de stimulation ventriculaire synchronisée à l’onde p rétrograde ce qui permet d’arrêter la tachycardie.
Références
- Ritter P, Fisher W. Pratique de la stimulation cardiaque. Paris : Springer-Verlag ; 1997
- Ellenbogen KA, Wilkoff BL, Kay GN, Lau CP. Clinical cardiac pacing, defibrillation and resynchronization therapy. Philadelphia : Elsevier-Saunders ; 2011.
- Franck R, Duthoit G, Waintraub X, Gandjbakhch E, Himbert C, Hidden Lucet F. Structures, fonctions, réglages et surveillance des stimulateurs cardiaques. EMC – Cardiologie 2015 ;10(1) :1-13[Article 11-036-F-10].
Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°3