Prescrire de l’activité physique adaptée post-AVC

Publié le 05 Sep 2023 à 13:01

 

Il est communément admis que l’activité physique adaptée (APA) a toute sa place au sein de la prévention primaire des AVC, par son efficacité démontrée sur le contrôle de l’hypertension artérielle, le contrôle des dyslipidémies, du syndrome métabolique, du syndrome d’apnée du sommeil.

De la même manière, en prévention secondaire et tertiaire, la prescription d’activité physique adaptée est toujours recommandée chez un patient post-AVC, compte tenu des bénéfices pour la santé de l’APA, même à distance de l’AVC.

Avant cela, une consultation médicale préalable est indispensable. Par exemple, lorsque l’on admet en centre de rééducation un patient post-AVC, il va falloir s’assurer qu’il peut réaliser de l’APA en sécurité, notamment en fonction de l’étiologie de l’AVC.

Prescrire de l’APA en MPR après un AVC

Pour prescrire de l’APA en centre de rééducation neurologique, le médecin MPR s’occupant du patient doit effectuer l’évaluation séquellaire, qui est souvent complexe. L’examen clinique évalue l’ensemble des fonctions locomotrices, cérébrales, sensorielles et de douleur du patient.
Il doit également évaluer le niveau de risque cardio-vasculaire du patient, en utilisant la classification de la Société Européenne de Cardiologie et l’index SCORE. Le patient post-AVC est le plus souvent classé à risque cardio-vasculaire très élevé. Un bilan cardio-vasculaire complémentaire est souvent nécessaire, en particulier d’imagerie et rythmique. De plus, la pression artérielle des patients doit être contrôlée, avec une surveillance au moins quotidienne : par les infirmiers en centre de rééducation, plus ou moins par les thérapeutes sur le plateau technique selon les valeurs de pression.
La prise d’anticoagulant, en cas d’AVC ischémique, peut augmenter le risque hémorragique pour certaines pratiques sportives. Le médecin doit en tenir compte pour sa prescription d’APA.

Les freins vis-à-vis de l’APA des patients post-AVC doivent être recherchés, afin de conduire au mieux l’entretien de motivation :

  • La sensation de fatigue, qui peut persister plusieurs mois après l’AVC ;
  • Un découragement devant la lenteur des progrès, un ressenti d’incapacité ou de frustration
  • Un syndrome dépressif, fréquent chez ces patients.

L’introduction de l’APA se fait au sein du SSR neurologique spécialisé, de manière adaptée aux capacités individuelles des patients. Elle a des effets bénéfiques sur la santé, réduit le handicap et améliore la qualité de vie :

  • Effets bénéfiques sur la neuroplasticité des zones cérébrales impliquées dans les fonctions cognitives ;
  • Amélioration de la récupération fonctionnelle en particulier neuromusculaire, et semble-t-il, la solidité structurelle osseuse souvent fragilisée après un AVC ;
  • Effets bénéfiques sur la capacité cardio-respiratoire des patients post-AVC ;
  • Pas d’aggravation de la spasticité musculaire, y compris avec le renforcement musculaire ;
  • Diminution du risque de syndrome dépressif chez les patients post-AVC.

APA et risque cardiologique : Selon les étiologies

Voici quelques bases à avoir en fonction des principales étiologies, pour comprendre quand et pourquoi adresser nos patients en consultation de cardiologie et/ou pour réaliser une épreuve d’effort.

L’épreuve d’effort

Chez des patients post-AVC, un avis cardiologique et une épreuve d’effort sont recommandés avant de débuter une activité physique d’intensité élevée.
Le réentraînement individuel du patient doit, si possible, être guidé par les données d’une épreuve d’effort avec VO2max, dès que l’activité physique est d’intensité modérée.
Cependant, les limites motrices séquellaires peuvent rendre difficile la détermination de la capacité cardio-respiratoire maximale lors de la réalisation de l’épreuve. En effet, pour mesurer une consommation maximale en oxygène par unité de temps (VO2Max) par les muscles, il faut pouvoir obtenir une contraction de ces derniers. Dans ce cas, si la VO2max n’est pas fi able, il est recommandé de se guider avec la puissance maximale développée, le premier seuil ventilatoire (SV1) et la qualité de récupération de la fréquence cardiaque post-effort.

AVC sur rupture de plaque d’athérome

Les patients coronariens devront bénéficier d’une épreuve d’effort et d’une consultation de cardiologie, pour évaluer le risque cardio-vasculaire à l’exercice (avec notamment au minimum la réalisation d’une épreuve d’effort).
L'activité physique (AP) va permettre une amélioration des facteurs de risque cardiovasculaire modifiables (hypertension artérielle, diabète, dyslipidémie, tabagisme), avec une action anti athérosclérose, par remodelage, diminution de volume et stabilisation de la plaque athéromateuse. De plus, l’AP, pratiquée régulièrement, améliore la tolérance myocardique à l’exercice et élève le seuil ischémique ; a un effet antiarythmique (plus marqué chez le coronarien sans dysfonction ventriculaire gauche) ; paraît potentialiser les effets des traitements médicamenteux et de l’angioplastie coronaire.

Pour en savoir plus :

https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-09/fi che-aps-scc.pdf

AVC lacunaires

Dans le cas d’un AVC lacunaire, soit survenu sur une microangiopathie hypertensive, l’activité physique va permettre d’aider à contrôler la pression artérielle, en tant que prévention secondaire.

En effet, pratiquer une AP d’endurance va permettre, chez l’hypertendu, d’abaisser de 5 à 7 mmHg la PA, de façon indépendante de la perte de poids.

Chez les patients hypertendus, une AP d’intensité légère n’est jamais contre-indiquée.

  • Chez les patients hypertendus traités, une AP d’endurance d’intensité élevée n’est pas systématiquement interdite, mais une AP d’intensité modérée semble préférable pour optimiser le rapport bénéfice/risque. À savoir que sur le plateau technique, nos exercices en isométrique augmentent fortement la pression artérielle systolique.
  • Chez les patients hypertendus non équilibrés, une HTA symptomatique, en particulier à l’exercice PAS ≥ 200 mmHg ou PAD ≥ 115 mmHg, est une contre-indication absolue.
  • Chez les patients hypertendus non équilibrés, une HTA symptomatique, en particulier à l’exercice PAS ≥ 180 mmHg ou PAD ≥ 105 mmHg, est une contre-indication relative.

Ces contre-indications sont temporaires, le temps de l’équilibration de l’HTA par un traitement, et ne concernent que l’AP d’intensité au moins modérée.

  • Chez les hypertendus mal équilibrés et/ou symptomatiques et/ou avec une atteinte d’un organe cible, des précautions particulières doivent être prises avec les AP d’endurance d’intensité très élevée (90-100 % du VO2 max) ou les AP en renforcement musculaire d’intensité élevée. Une contre-indication est parfois justifiée. Les patients présentant un risque cardio-vasculaire élevé ou très élevé devront réaliser une épreuve d’effort, après prise de leur traitement habituel.

Attention : une thérapeutique pharmacologique mal adaptée peut favoriser une déshydratation, des troubles électrolytiques, et/ou une majoration de l’hypotension post-exercice.
HAS 2018

Embolie cardiaque

Sur fi brillation atriale (FA) :

Dans la FA, la littérature retrouve une courbe en U : une AP modérée est bénéfique et une AP à haute intensité peut être néfaste.
Dans le cas d’une introduction d’APA, il faut faire attention à l’association d’une hyperthyroïdie, et de la consommation d’alcool ou drogues.

  • Il faut s’assurer que le patient a bénéficié d’une consultation en cardiologie préalable, en précisant que l’on souhaite débuter une APA, pour s’assurer qu’il n’y a pas de pathologie myocardique sous-jacente, ou de pré-excitation. Le cardiologue va réguler la fréquence de la FA pour qu’elle soit tolérée, avec des traitements bradycardisants notamment. Une fois la fréquence optimisée, aucune activité physique ne sera contre-indiquée au patient. Dans le cas de survenue de flutter, les cardiologues peuvent proposer une ablation.
  • Si le patient présente des symptômes d’arythmie en séance (APA ou kiné...), le patient doit s’arrêter pour cette séance, et calmer son rythme cardiaque.

Dans le cas de survenue de flutter, les cardiologues peuvent proposer une ablation.
ESC 2020

AVC hémorragique sur microangiopathie liée à l’HTA chronique

Cf. AVC lacunaire, car on vise ce même contrôle de l’HTA.

À la sortie du centre de rééducation neurologique, une activité physique doit être pratiquée quotidiennement par le patient

  • La participation du patient aux activités de la vie quotidienne doit être encouragée au maximum.
  • L’amélioration de l’autonomie dans les déplacements repose beaucoup sur la poursuite du travail de la marche par le patient, après la sortie du centre de rééducation.
  • Il est nécessaire d’associer aux activités de la vie quotidienne une activité physique régulière, adaptée au handicap et à la capacité physique du patient, et associant des exercices en endurance et de renforcement musculaire. L’entraînement mixte, associant endurance et renforcement musculaire, semble le plus efficace dans la littérature scientifique.
  • La durée de pratique d’une APA quotidienne est corrélée à la qualité de la récupération motrice. Il ne faut cependant pas l’introduire trop tôt, les 15 premiers jours semblant être une période ou l’APA est délétère.
  • L’intensité de l’APA et la nécessité ou non de sa supervision par un professionnel, dépendent surtout du niveau de risque cardio-vasculaire du patient. Un entraînement intensif supervisé apporte des bénéfices plus importants. La supervision individuelle peut être difficilement réalisable. Les entraînements collectifs supervisés par des enseignants d’APA ont prouvé leur sécurité et leur efficacité, en particulier sur la mobilité des patients post-AVC de gravité modérée.
  • L’éducation thérapeutique du patient et de son entourage sur l’apport de l’APA doit être poursuivie, en insistant sur l’absolue nécessité de sa régularité et de la poursuivre pour optimiser et pérenniser ses bénéfices.

Et vous ? Interrogez-vous votre patient sur son passé sportif ? Lui parlez-vous au cours du séjour de l’intérêt de poursuivre une APA à la sortie ? Communiquez-vous les coordonnées des clubs handisport à vos patients ? Prescrivez-vous de l’APA en contexte de fatigue post-AVC et de syndrome dépressif ?

 Sources
HAS 2018 - Prescription d’activité physique et sportive / Accidents vasculaires cérébraux2020
ESC Guidelines on Sports Cardiology and Exercise in Patients with Cardiovascular Disease

 Julie COTTEL

 Article paru dans la revue « Association des Jeunes en Médecine Physique et de Réadaptation » /AJMERAMA N°05

 

 

 

 

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