La gestion des anticoagulants et des antiagrégants en endoscopie digestive est une problématique fréquente qui a fait l’objet de recommandations européennes de l’ESGE en 2021 et d’un webinar de la Société Française d’Endoscopie Digestive (SFED) en 2022 (accessible en replay pour les adhérents SFED)1, 2. La présente mise au point a pour vocation de retranscrire les cas les plus fréquemment rencontrés dans la pratique courante de l’endoscopie en dehors du cas d’une hémorragie digestive aiguë
L’anti-agrégation plaquettaire
Concernant l’anti-agrégation, tous les gestes endoscopiques sont réalisables sous aspirine, certains nécessiteront l’arrêt des antagonistes des récepteurs P2Y122 (cf. tableau). Une exception cependant, l’ampullectomie, pour laquelle, l’arrêt de tout antiagrégant est recommandée à J-5 de la procédure endoscopique2. En cas de double anti-agrégation, un relais par aspirine sera à prévoir pour les procédures à fort risque et celle à très haut risque. Cependant, en cas de cumul d’une procédure à haut risque et d’un haut risque de thrombose
(stent actif de moins d’un an ou nu de moins d’un mois), l’arrêt de l’anti P2Y12 conduit à un haut risque de thrombose1. Dans ce cas, une concertation avec le cardiologue s’impose.
L’anticoagulation
Pour les anti-vitamine K (AVK), leur arrêt est discuté pour les gestes à faible risque hémorragique (recommandation modérée de poursuite de l’ESGE2, proposition d’arrêt à J-1 de la SFED). En revanche, en cas d’arrêt, le relai systématique de toute anticoagulation, quelle que soit son indication est à éviter. En effet, la stratégie d’ajout temporaire d’héparine expose le patient à
un surrisque hémorragique du fait de la potentialisation des effets de l’héparine et de l’AVK, même arrêté quelques jours auparavant3. Donc, chez les patients pour lesquels le risque thrombotique dépasse le risque hémorragique un relai de l’AVK pourra être effectué par héparine (héparine non fractionnée (HNF) sous cutanée (calciparine) ou intraveineuse ou une héparine de bas poids moléculaire (HBPM)). Les patients concernés à haut risque de thrombose sont ceux porteurs d’une valve mécanique4, les patients avec une fibrillation atriale et soit avec un antécédent d’AVC ou d’AIT de moins de 3 mois, soit avec un score CHADS2 ≥ 5
(C : insuffisance cardiaque-1 point ; H : HTA-1 point ; A : Âge ≥75 ans-1 point ; D : Diabète-1 point ; S : AVC/ AIT2 points) et ceux avec un accident thrombo-embolique veineux de moins de 3 mois ou intervenu sous anticoagulants2. Dans ces cas, la dernière injection d’HBPM sera administrée la veille de l’endoscopie au matin et la dernière injection de calciparine la veille de l’endoscopie au soir. Pour les anticoagulants oraux directs, le détail est retranscrit dans le tableau mais il n’y a pas de relai à prévoir en péri-opératoire. Cette période de pause thérapeutique est associée à un faible taux d’effets indésirables hémorragiques ou thrombotiques5. Des ajustements sont à apporter selon le type de geste réalisé et la fonction rénale du patient6.
Quand discuter de manière pluridisciplinaire ?
Le report du geste endoscopique peut aussi être une des stratégies à discuter avec le cardiologue pour les gestes non urgents chez les patients à haut risque cardiovasculaire. Une concertation avec le cardiologue traitant est nécessaire pour les patients porteurs d’un stent nu de moins de 6 semaines, ceux victimes d’un infarctus du myocarde ou porteur d’un stent actif de moins de 6 mois, ceux ayant déjà développé une thrombose sous bi-agrégation plaquettaire et ceux porteurs de plus de 3 stents ou de plus de 6 cm de stent. La présente mise au point est une proposition de synthèse sur le sujet traité et non une recommandation de prise en charge.
Tableau récapitulatif de la gestion de l’anticoagulation et de l’anti-agrégation en endoscopie digestive
Abréviations : CPRE : Cholangio-Pancréatographie Rétrograde Endoscopique ; DSM : dissection sous-muqueuse ; EE : ÉchoEndoscpie ;
FOGD : Fibroscopie OesoGastroDuodénale ; SC : sous-cutanée ; SE : Sphinctérotomie Endoscopique ; VO : Varices Oesophagiennes.
Haut risque de thrombose : Patients porteurs d’une valve mécanique, patients avec une fi brillation atriale soit avec un antécédent d’AVC ou d’AIT de moins de 3 mois, soit avec un score CHADS2 ≥ 5 (C : insuffisance cardiaque-1 point ; H : HTA-1 point ; A : Âge ≥75 ans-1 point ; D : Diabète-1 point ; S : AVC/AIT2 points) et ceux avec un accident thrombo-embolique veineux de moins de 3 mois ou intervenu sous anticoagulants.
Références
2. Veitch AM, Radaelli F, Alikhan R, et al. Endoscopy in patients on antiplatelet or anticoagulant therapy: British Society of Gastroenterology (BSG) and European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) guideline update. Endoscopy. 2021;53(9):947-969. doi:10.1055/a-1547-2282.
3. Rechenmacher SJ, Fang JC. Bridging Anticoagulation. J Am Coll Cardiol. 2015;66(12):1392-1403. doi:10.1016/j.jacc.2015.08.002.
4. Nishimura RA, Otto CM, Bonow RO, et al. 2017 AHA/ACC Focused Update of the 2014 AHA/ACC Guideline for the Management of Patients With Valvular Heart Disease: A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. J Am Coll Cardiol. 2017;70(2):252-289. doi:10.1016/j.jacc.2017.03.011.
5. Douketis JD, Spyropoulos AC, Duncan J, et al. Perioperative Management of Patients With Atrial Fibrillation Receiving a Direct Oral Anticoagulant. JAMA Intern Med. 2019;179(11):1469-1478. doi:10.1001/jamainternmed.2019.2431.
6. Albaladejo P, Bonhomme F, Blais N, et al. Management of direct oral anticoagulants in patients undergoing elective surgeries and invasive procedures: Updated guidelines from the French Working Group on Perioperative Hemostasis (GIHP) September 2015. Anaesth Crit Care Pain Med. 2017;36(1):73-76. doi:10.1016/j.accpm.2016.09.002
Nicolas RICHARD
Clémence DESCOURVIÈRES
Avec un grand merci au Dr Olivier GRONIER
(Président de la SFED, Centre d’Endoscopie Digestive
Ambulatoire de Strasbourg) pour la relecture
Article paru dans la revue “Association Française des Internes d’Hépato-Gastro-Entérologie” / AFIHGE N°01