Post-Internat : Chef de clinique et assistant spécialiste, le saint Graal ?

Publié le 13 May 2022 à 11:12


DOSSIER

Après l'internat, tu fais quoi ? Si tu es tenté par le poste de chef de clinique ou d'assistant hospitalier, lis ce dossier spécialement concocté pour toi !

Chef de clinique et assistant spécialiste, le saint Graal ?
Une fois le DES en poche, trois voies s’ouvrent à toi : intégrer directement un cabinet ou un service, obtenir un poste d’assistant spécialiste ou celui de chef de clinique (CCA). Deux années à ces postes offrent un sésame pour exercer en secteur 2. Mais à quel prix ?

Viser un poste de CCA peut se préparer dès la première année de l’internat comme pour Eve Durbant (cf. interview page 19) ou se jouer les six derniers mois, comme ce fut le cas pour Arnaud Caupenne, ancien CCA en Gériatrie à Poitiers. Premier obstacle, et pas des moindres, le ratio postes de CCA/internes en fin de cursus. L’association des Assistants et Internes en Neurologie a estimé qu’il y avait seulement un poste de CCA pour 2 internes, le nombre de postes n’ayant pas ou très peu augmenté ces quinze dernières années. Avec l’ouverture du numerus clausus actée, cette équation n’est pas prête d’être solutionnée… Quant au modus operandi de la nomination du CCA, il n’existe pas de critères précis : c’est le chef de service qui propose à l’un de ses internes de prendre le poste. Toutefois, si tu as une année recherche à ton actif, tu as une chance supplémentaire, ce parcours est valorisé par les chefs.

LES 3 P : PAYE, PÉDAGO ET PRESTIGE

Arnaud Caupenne ne regrette pas ses années de CCA, poste jouissant encore d’une image de prestige tout en étant « extrêmement formateur tant sur le plan clinique que sur celui pédagogique ». Un job mi-temps hospitalier et mi-temps enseignant qui se traduit par un double employeur : l’université et l’hôpital. Concrètement, Arnaud Caupenne rapporte la « nécessité d’une excellente organisation pour jongler entre l’hôpital, les temps d’enseignement et de préparation des cours ». Quant à la paye, elle est en-deçà des heures et des responsabilités demandées sur le terrain : aux alentours de 2 800€ net par mois avec des gardes payées doubles. Enfin, côté pédagogie, le CCA se retrouve à la fois à encadrer des internes et à dispenser des cours à l’Université face à des amphis d’externes. Une pédagogie qu’il faut souvent apprendre sur le tas, aucune formation n’étant prévue lors de la prise de fonction de CCA.

Le poste d’'assistant spécialiste/généraliste des hôpitaux (AH) ouvre, lui aussi, les portes du secteur II pour un salaire équivalent à celui de CCA mais sans mission d’'enseignement. Après avoir réalisé deux années consécutives sous statut de CCA ou d’'AH, le jeune médecin peut prétendre au titre d’'ancien chef de clinique des universités-assistant des hôpitaux ou d’'ancien assistant des hôpitaux, et ainsi accéder au secteur II.

DOCTEUR JUNIOR
Une nouvelle modalité pour l’accès au secteur II : le statut de Docteur Junior
Le statut du Docteur Junior instauré par le décret du 3 juillet 2018 (cf. encadré page 18) permet à la phase 3 de l’internat d’être désormais comptabilisée à raison d'une année pour l'obtention du titre d'ancien assistant des hôpitaux. Toutefois, il faudra compléter la phase de consolidation par, au minimum, une année de post-internat sous statut (CCA ou AH) avant de pouvoir prétendre au titre d’ancien assistant des hôpitaux et donc au secteur II. Il faudra donc être vigilant à pouvoir continuer à disposer de postes de CCA et d’AH suffisant pour satisfaire les aspirations de tous.
Autre point de vigilance : la cohabitation entre Docteur Junior et assistant spécialiste au sein des services. Et bien, la différence est de taille ! L’assistant des hôpitaux est entièrement autonome alors que le Docteur Junior reste un étudiant de 3ème cycle sous autonomie « supervisée » par son senior. Les premiers internes à tester ce nouveau statut seront ceux de la promotion ECNi 2017 dès la rentrée de Novembre 2020. L’ISNI s’inquiète en revanche des zones d’ombre qui persistent sur ce statut de Docteur Junior : l’interne de phase 3 serat- il toujours en présence d’un senior ? Y compris pour les gardes ? Il est évident que le fait de prendre des gardes de séniors ou non devra être un choix libre de l’interne sans qu’il n’y ait de forcing pour remplir les tableaux...

L’'ISNI s´inquiète des zones d'ombre qui persistent sur ce statut de Docteur Junior

PAS DE RÉMUNÉRATION AU RABAIS
« Sur la rémunération de ce Docteur Junior, si les internes se voient confier davantage de responsabilités, nous souhaitons aussi une évolution des salaires, revendique Antoine Reydellet, président de l’ISNI. L’idée serait que le salaire soit de 31 000 euros net annuel, entre celui d’un interne de dernière année et celui d’un chef actuel, hors primes et gardes ». L’ISNI défend aussi un barème de garde-senior pour les internes de 3e cycle.
En parallèle, l’ISNI refuse que le Docteur Junior paye, ne serait- ce que partiellement, la couverture responsabilité civile professionnelle (RCP). Actuellement, les RCP sont en général prises en charge par des mutuelles partenaires des syndicats d’internes, l’interne n’ayant rien à débourser jusqu’à la fin de sa formation. Une fois en poste, les primes de RCP coûtent très chères : jusqu’à 24 000 euros pour un gynécologue obstétricien par exemple.

Enfin, dernier cheval de bataille : que cette phase 3 soit ouverte au libéral afin de s’ouvrir à de nouvelles pratiques et techniques tout en soulageant les hôpitaux.

DR JUNIOR : NÉ UN 3 JUILLET 2018
Docteur junior est un étudiant du troisième cycle des études de médecine. L' ’interne devient Junior : « lorsqu’'il a validé l' ’ensemble des connaissances et compétences nécessaires à la validation de la phase 2 de la spécialité suivie [et] soutenu avec succès sa thèse (...). L’'étudiant de troisième cycle des études de médecine est nommé en qualité de Docteur Junior par le directeur général du centre hospitalier universitaire de rattachement ».
Junior devient membre de l'’Ordre : dans les trois mois suivant sa nomination, il est inscrit sur un tableau spécial établi et tenu à jour par le conseil départemental de l’'Ordre des médecins du département du centre hospitalier universitaire de rattachement.
Junior exerce des missions de prévention, de diagnostic, de soins et, le cas échéant, des actes de biologie médicale, « avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome ».

  • Rémunération brut
  • Rémunération hospitalière : ne sont pas compris les indemnités. 2e échelon après 2 ans de fonctions : rémunération de 20 560,07 €
  • Rémunération universitaire : les fonctions universitaires comprennent l’enseignement et la recherche ainsi que la correction des copies et la surveillance des examens (pas de supplément prévu pour ces deux dernières missions). 2e échelon après 2 ans de fonctions, rémunération à 19 464,45 €
  • INTERNE À CCA : UN CAP DIFFICILE À PASSER ?
    Eve Durbant, présidente de l’'association nationale des jeunes ophtalmologues (ANJO), répond à H sur son choix de passer par la case « Chef de clinique » après l’'internat, poste qu’'elle occupe au service d’'ophtalmologie de CHU de Reims.

    H.- Pourquoi vous êtes-vous engagée dans le clinicat ?
    Eve Durbant.- Le clinicat, et ses fonctions hospitalières et universitaires, est la suite naturelle de mon parcours ; dès la P2 je me suis engagée dans l'enseignement et la recherche. J'ai pu ainsi en sus de mon parcours médical être tutrice d'anatomie, monitrice de dissection d'anatomie, Master I d'initiation à la recherche (Bordeaux), Master I en Nanosciences (Reims), Master II en Neurosciences (UPMC), stage de recherche à L'Institut de la Vision, ... J'aime partager ce que j'apprends et la recherche m'attire.

    H.- Comment s’est passée la transition entre l’internat et le post-internat ?
    E.D.- Dès mon dernier semestre, on m'a laissé pas mal d'autonomie (consultations, recrutement, RCP, ...) en vue de mon clinicat plutôt axé sur les pathologies et chirurgies orbito-palpébrales, glaucomes et surface oculaire alors que j'avais encore toutes les "corvées" d'interne à gérer. Le passage au statut de chef de clinique, à Reims, a été un soulagement car j'ai pu accéder aux avantages du poste : un interne en binôme, une secrétaire, gestion de mon planning, etc.

    H.- Selon vous, le poste de chef de clinique est-il précaire ou au contraire porteur pour une carrière au sein de l’hôpital public ?
    E.D.- On est sensé être mi-temps à la faculté et mi-temps à l'hôpital, cependant bien souvent l'hospitalier est extrêmement chronophage. Il est clair que l'emploi d'un chef de clinique est très avantageux pour l'hôpital. Je pense que c'est un passage nécessaire si on souhaite faire une carrière hospitalière où il y aura nécessairement de jeunes personnes à encadrer. Et avec l'augmentation des promotions d'internes, ce n'est pas en fin de cursus d'interne mais plutôt dès le début qu'il faut penser à se construire un profil de chef de clinique (publications, master II, conférences, etc.).

    Avec l'augmentation des promotions d'internes, ce n'est pas en fin de cursus d'interne mais plutôt dès le début qu'il faut penser à se construire un profil de chef de clinique

    Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°22

    Publié le 1652433152000