Portraits - Unité de gynécologie adolescente et jeune adulte du Kremlin-bicêtre - retour sur la création de ce service unique avec le Dr Lise Duranteau

Publié le 28 Sep 2023 à 16:43

Lise Duranteau et son équipe de l’unité de Gynécologie Médicale Adolescente et Jeune Adulte.

Le service de Gynécologie Médicale de l’hôpital Bicêtre (94) - groupe hospitalo-universitaire AP-HP Université Paris-Saclay - est une structure dédiée à des missions innovantes de notre spécialité, fondée et dirigée par la cheffe de service, le Dr Lise Duranteau.

Ce service regroupe deux unités originales : l’Unité de Gynécologie Adolescente et Jeune Adulte (GYNADO) et plus récemment l’Unité GYNHEMO créée en collaboration avec le service des maladies hémorragiques.

L’Unité de Gynécologie Adolescente et Jeune Adulte a été élaborée avec pour objectif de participer à la prise en charge gynécologique au cours de la transition, en s’adressant particulièrement aux patientes atteintes de maladie chronique, de maladie rare ou traitées d’un cancer dans l’enfance.

Cette unité est rattachée au Centre de référence des maladies rares du développement génital (CRMR Dev Den), coordonné par le Dr Claire BOUVATTIER (endocrinologie pédiatrique) et est labellisée Centre de compétence des pathologies gynécologiques rares (CCMR PGR).

Le Dr Lise DURANTEAU revient pour nous, sur son parcours et sur la création de ce service unique en France.

Quel est votre parcours ?

LD : L’internat de gynécologie médicale n’existait pas à mon époque... J’ai donc un parcours très différent de celui que le DES de Gynécologie Médicale propose aujourd’hui, riche et plus polyvalent.

J’ai été interne puis Cheffe de clinique-Assistante d’Endocrinologie, encadrée par des mentors et inspirateurs exceptionnels dont le Pr. Philippe Chanson. J’avais prévu de m’orienter initialement vers l’endocrinologie de la reproduction et j’ai validé, par mon parcours et mon post-internat, le DESC de Médecine de la reproduction et de Gynécologie médicale, seule voie pour obtenir la spécialité à l’époque.

J’ai été ensuite praticienne hospitalière attachée (équivalent PHC) dans le service d’Endocrinologie et de médecine de la Reproduction du Pr. Schaison à Bicêtre, un des deux services proposant la spécialité d’Endocrinologie de la reproduction avec celui du Pr. Kuttenn à Paris. C’était donc un privilège de pouvoir exercer la spécialité dans l’un de ces services.

J’ai également réalisé une année de recherche au cours de l’internat pour obtenir un DEA (équivalent Master 2) de Physiologie hormonale et moléculaire. J’ai eu l’occasion de compléter cette formation de recherche fondamentale au cours d’un « fellowship » au sein d’un grand laboratoire de la Northwestern University de Chicago, IL.

La chance a voulu que je participe (alors que m’initiais au séquençage !) à la mise en évidence d’une mutation activatrice du récepteur de la LH. Je garde un souvenir inoubliable de la lecture de la séquence du récepteur muté !

De retour en France, j’ai eu l’opportunité de découvrir une autre facette de la médecine, en travaillant à l’Agence du Médicament. Cet intermède dans mon parcours m’a dotée de compétences en pharmacologie et m’a surtout permis de participer de façon concrète à des évènements marquants pour la gynécologie comme l’obtention de l’AMM européenne de la Mifépristone dans l’IVG médicamenteuse, de l’AMM de la contraception d’urgence et sa mise à disposition sans prescription, de l’analyse de risque des contraceptifs oestroprogestatifs de 3ème génération... de là est venue mon appétence pour la thérapeutique et la pharmacologie des hormones.

En parallèle, j’ai toujours conservé une activité clinique (un jour/semaine) et c’est par le biais de la création des centres de maladies rares que j’ai pu réintégrer l’hôpital avec un poste de Praticien Hospitalier.

Comment est venue l’idée de créer le service de GYNADO ? Quelles démarches ont été nécessaires ? Quelles ont été les difficultés ? Comment financer un tel projet ?

LD : Le déménagement du Centre de référence des maladies rares à l’hôpital Bicêtre m’a donné l’opportunité d’élargir les activités de prise en charge gynécologique à toutes les patientes suivies dans les services de spécialités médicales et chirurgicales, en particulier pédiatriques.

J’avais soumis un projet d’Unité de prise en charge gynécologique pour les patientes adolescentes. J’avais le soutien de la direction de l’hôpital grâce Mme Elsa Genestier, la Directrice du GHU du moment, mais il était impératif d’obtenir

le financement. Le parcours jusqu’à l’obtention de celui-ci fut long (deux années) mais il a permis de mûrir le projet, d’en faire la communication et d’obtenir les deux postes d’interne validant la Gynécologie Médicale grâce aux Pr Kuttenn et Pr Gompel qui avaient perçu l’intérêt de ce service dans la formation.

La création de l’Unité s’est concrétisée grâce à l’appel d’offres « Transition » de la Fondation des Hôpitaux (« Pièces Jaunes »). Puis ce projet a suscité énormément d’enthousiasme grâce à l’offre de soins nouvelle auquel il répondait.

Quelles sont les particularités du travail auprès des enfants, adolescents et jeunes adultes ?

LD : L’approche des patientes adolescentes demande en effet des aptitudes particulières :

  • L’interrogatoire ne doit pas être trop dirigé au risque d’être peu contributif et il demande du temps ;
  • Il faut intégrer la famille dans les échanges et l’information, et ne pas générer d’angoisse qui puisse retentir sur l’adolescente qui doit rester la personne à privilégier ;
  • Il faut tenir compte de l’environnement de l’adolescente ;
  • Enfin, concernant la gynécologie, même si les adolescentes ont énormément de questions relatives à leur vie gynécologique, leur sexualité et leur fertilité, elles ne se projettent pas forcément dans leur vie future, notamment lorsqu’une maladie chronique, un antécédent de cancer ou une maladie rare « pèse » depuis plusieurs années. Il faut donc respecter cette évolution variable d’une jeune fille à une autre et proposer un accompagnement pluridisciplinaire personnalisé.

L’unité est rattachée au Centre de Référence des Maladies Rares du développement génital (CRMR Dev Gen), coordonné par le Dr Claire Bouvattier, endocrinologue pédiatre, et est labellisé Centre de Compétences pour les Pathologies Gynécologique Rares (PGR).

Comment se déroule l’obtention d’un tel label ? Quelles en sont les caractéristiques ? Quelles obligations découlent de celui-ci ?

LD : La labellisation en CRMR est un processus institutionnel de reconnaissance et de visibilité de centres d’expertise soumis à un appel d’offres du ministère de la Santé (DGOS) dans le but d’améliorer la prise en charge des patient.e.s ayant une maladie rare. La labellisation tient compte des activités cliniques, de recherche mais aussi des interactions avec les associations de patients.

Les CRMR Dev Gen et PGR auxquels le service est rattaché, font partie de la filière FIRENDO. Les CRMR coordinateurs et constitutifs bénéficient d’un financement pour le fonctionnement de leur centre. Les centres de compétences qui n’obtiennent injustement pas de financement, permettent un maillage territorial pour les patients et participent le plus souvent activement à l’activité clinique de suivi des patients et aux relations avec les associations de patients.

Quelles sont les perspectives à venir pour le service et pour le développement de la gynécologie médicale de l’adolescente et de la jeune adulte ?

LD : Je pense que l’offre de soins de GYNADO a démontré l’intérêt d’une prise en charge gynécologique spécifique des adolescentes, en collaboration avec les pédiatres et les spécialistes d’adultes.

L’expertise de reproduction est également un axe fort de GYNADO. Il est formalisé grâce à un poste de docteur junior partagé entre notre service et celui d’AMP de l’hôpital Béclère (92). Ce lien entre les deux services permet d’offrir un accompagnement individualisé des jeunes femmes jusqu’à leur projet parental. L’offre de soins inclut la préservation de fertilité, notamment pour des patientes traitées en oncologie en collaboration étroite avec l’Institut Gustave Roussy par exemple.

D’autres projets collaboratifs ont vu le jour et sont amenés à se développer. L’Unité GYNHEMO créée en 2022, est l’exemple concret de notre collaboration au quotidien avec les hématologistes responsables des troubles hémorragiques. En effet, la fréquence des règles abondantes chez les adolescentes, leur retentissement physique, psychologique et sur la qualité de vie nous convainc de la nécessité d’explorer ce symptôme trop souvent négligé pour faire le diagnostic précoce d’un potentiel trouble hémorragique ou d’une affection gynécologique et de proposer une prise en charge adaptée. Les cas complexes sont discutés au cours d’une RCP spécifique.

Pour la suite, je souhaiterais aussi développer les activités d’éducation thérapeutique (ETP) au sein de notre service, celle-ci étant une composante essentielle dans la prise en charge des patientes adolescentes ayant une affection chronique. Deux autres projets sont également en cours concernant les femmes porteuses d’un caryotype avec un chromosome Y et les patientes avec maladies hémorragiques.

Article paru dans la revue « Association nationale des Internes et des assistants en Gynécologie Médicale » /AIGM-Gynéco Med N°01

 

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