Portrait (Hyperrealiste ?) de la Direction interministerielle de la transformation publique

Publié le 31 May 2022 à 09:15

 

« La langue peut être un véritable champ de bataille, un lieu d’oppression mais aussi de résistance »

Toni Morrison

Nous avons voulu rendre à NOUS ce qu’il nous a donné : nous avons donc pensé et réfléchi pour lui et avons dessiné son métier à la lumière de ce que l’IA pourrait lui apporter. En hommage à son engagement, nous l’avons appelé « transformator ».

LES PRINCIPALES TÂCHES DU TRANSFORMATOR
Les transformators représentent une part non identifiable du périmètre étudié, mais nous savons que le salaire qu’ils perçoivent pourrait financer à minima 110 000 ETP de plus.
Sous des aspects de famille de métiers diverses et variées (consultant externe, consultant externe internalisé, directeur de mission), les transformators appartiennent en fait à une seule et même famille.
La famille des mêmes écoles de commerce ou de communication, des mêmes agences de consultants, des mêmes éléments de langage, des mêmes certitudes : la vulnérabilité est une insuffisance et la solidarité une erreur de jugement.

Dès lors, les tâches communes sont faciles à identifier, soient, par ordre croissant de difficulté.

• Transférer la responsabilité de la destruction (pardon : transformation) à ceux qui la subissent… et se retirer, heureux de voir le soleil du dogme se lever sur le champ de ruines des valeurs du service public (c’est en réponse à la poésie du « « promesse de réinvention du service public »).
• Transformer un moyen en but, gérer les conséquences d’une situation (pénurie des médecins dans les hôpitaux) tout en consolidant sa cause (management, gouvernance, moyens alloués).
• Mener des études non pas pour trouver une solution mais pour construire LA solution.
• Confondre et entretenir la confusion entre faits et dogme, entre aboutissement d’une réflexion et application d’un programme.
• Se persuader de ses propres éléments de langage : appeler « transformation » l’éradication des entraves à l’application du dogme.
• Voir la vie comme un immense jeu vidéo avec des schémas, des couleurs et plein de pictogrammes.
• Dire que le service public a donné du sens à sa vie alors qu’il ne lui a donné que des parts de marché.

LES PRINCIPAUX LEVIERS NUMÉRIQUES IDENTIFIÉS
L’activité du transformator est centrée sur la communication avec un haut degré de formatage et une grande porosité au dogme qui peut se résumer ainsi « la valeur du service public est le prix auquel on peut le vendre, pas le prix qu’on est prêt à payer pour le préserver ».

Dans ce contexte de colonisation massive de l’exécutif par les cabinets de conseil, le transformator est soumis à une forte pression de production toujours plus importante de pictogrammes, shémas et études retrogrades (partir du résultat et construire la question). A ce titre, de nombreux leviers numériques ont été identifiés, permettant une déformation durable de leur fonction.
1. Obligation de déposer la console de jeux à l’entrée du ministère.
2. Mise en place d’agents conversationnels (chatbots « Larousse des faux synonymes ») afin de s’imprégner d’un vocabulaire en relation avec des faits... même si cela sonne moins bien.
3. Mise en place d’agents conversationnels (chatbots « mon psy en 3 clics ») pour prise en charge des addictions au éléments de langage et aux affabulations.
4. Mise en place d’outils de simulation pour vivre le quotidien d’un malade truffé d’objets connectés et qui cherche la touche « je suis seul, j’ai peur, j’ai besoin d’être rassuré, écouté »
5. Se deconnecter et réfléchir au mot « soins ».
6. Se déconnecter et réfléchir aux mots « prendre soin ».
7. Se déconnecter et voir l’Autre. Le toucher, parler d’autre chose que de sa maladie, échanger un sourire... Aimer cela.

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH17

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