Camille RACCA est une néo-interne en génétique à Paris. Elle milite au sein de son association DRAW YOUR FIGHT pour la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicaps. Les choses commencent à bouger, lentement.
Le système qu'elle dénonce est celui de l'exclusion des étudiants et des internes handicapés...
Camille parle vite, déroule son histoire en jetant un œil parfois à sa perfusion qui ne la quitte pas. Elle souffre de douleurs neuropathiques depuis l'âge de ses 16 ans. J'ai appris à faire avec mais je ne peux pas rester longtemps assise, j'ai des difficultés à me déplacer, dit-elle en montrant sa béquille. Mais je n'ai eu aucune difficulté pour les cours, ni pour le concours d'internat . Cette année, pendant l'année charnière des EDN, elle passe son DU en douleur et continue à piloter son association, Draw your fight, qu'elle a fondée en 2022. Au début, mon objectif était seulement de faire mon internat, d'être médecin, pas de changer le système. Mais aujourd'hui, je me rends compte que l'on peut le changer. À plusieurs , témoigne Camille. Le système qu'elle dénonce est celui de l'exclusion des étudiants et des internes handicapés, celui de l'inertie des facultés, des coordinateurs, des professeurs, des chefs de services, des législateurs et des collègues. Trop peu de bienveillance envers la différence. Trop de jugement. On m'a dit que je ne trouverai pas de postes à l'internat, que je pouvais demander à tous les établissements de santé, qu'il n'y aurait jamais aucun poste avec les aménagements d'horaires de travail que je demandais ! Se souvient Camille, encore empreinte de colère face à cette injustice, face à toutes les discriminations auxquelles elle a fait face.
Les aménagements : ce n'est pas une faveur, c'est un droit
À travers l'association DRAW YOUR fiGHT, elle rend visible tous les handicaps. Pourquoi passer par le dessin ? J'ai toujours dessiné, depuis que je suis petite et cela m'a paru évident pour mettre en lumière tout ce que l'on ne voit pas. J'ai voulu sensibiliser le monde de la santé mais aussi les gens en général sur les handicaps invisibles qui représentent 80 % des handicaps ! Camille est très présente sur les réseaux sociaux à travers son association où elle partage sa participation à des conférences, à des congrès ou certains coups de gueule. Ce qui bouscule le monde universitaire et hospitalier. Elle se souvient d'un coordinateur qui a remis en question son handicap auprès de ses collègues. Elle lui a rappelé le droit de chacun à bénéficier d'aménagements. Ce n'était pas une faveur mais un droit. On lui demande alors de se taire… Je ne cache pas mon handicap. Avant chaque début de stage ou de formation, j'appelle le coordinateur ou le référent pour échanger sur ma situation, pour mettre en place les aménagements dont j'ai besoin, explique-t-elle. Quand je dis que j'ai la RQTH, nombreux me demandent ce que c'est ! S'ils ne connaissent pas la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé, il y a peu de chance qu'ils connaissent les aménagements auxquels j'ai droit…
Tout ce que je veux, c'est que l'on me juge sur mes compétences, pas sur mon handicap !
Combien d'externes et d'internes en médecine voire de médecins taisent leur handicap par peur d'être discriminés ? Je connais des personnes qui vivent avec des handicaps non visibles qui préfèrent se taire et ne demander aucun aménagement pour ne pas avoir leur chef de service ou leurs collègues contre elles, fait remarquer Camille. Cela comprend aussi les troubles psychiatriques, comme la bipolarité. La population française est concernée mais pas les étudiants en médecine ni les médecins ? ironise-t-elle.
Pour suivre le rythme des études de médecine ou de l'internat, sans aménagement ni reconnaissance, ces personnes compensent. Mais c'est au prix de leur santé physique et mentale. Certains ne tiennent pas, d'autres abandonnent, font un burn-out…, observe Camille. Grâce à l'association, sur les réseaux sociaux, certains la contactent pour connaître leurs droits. D'autres lui demandent s'ils seront discriminés une fois que leur maladie ou handicap sera connu… La réponse est directe : Oui, c'est une réalité, ces personnes seront discriminées, je ne leur cache pas. Mais en se taisant, on ne fait qu'entretenir le système de cette discrimination.
Camile Racca en conférence Flyers Draw Your fight Illustration handicap invisible
Quand la Génétique lui a ouvert ses bras
Trop peu de personnes voient le positif dans le handicap. La maladie m'a apporté des compétences en plus que d'internes ont.
Quand on questionne Camille sur son choix de l'internat en génétique, elle répond qu'elle avait hésité avec la médecine interne. Ce qui a fait la différence ? « L'accueil de la coordinatrice de la génétique ! Elle fait partie des rares personnes qui voient le positif dans le handicap ». Car la maladie lui a apporté des compétences « que peu d'internes ont », souligne-t-elle. Camille a déjà un D.U. douleurs, une certification en éducation thérapeutique, la présidence de son association… « Tout ce que je veux, c'est que l'on me juge sur mes compétences, pas sur mon handicap. ». En parallèle de la génétique, Camille souhaite accompagner les patients dans la prise en charge de la douleur. Avec sa double casquette interne/ patient, elle a un autre regard : « il y a encore beaucoup de choses à faire, je peux en témoigner personnellement », rapporte-elle. Son association est aussi active sur ce sujet. Plusieurs membres de Draw your fight ont ainsi participé en septembre dernier au congrès de la Société européenne d'anesthésie régionale (European Society of Regional Anaesthesia and Pain Therapy - ESRA) à Prague. Camille y serait bien allée mais l'avion n'était pas une option. « J'ai appris à déléguer, ce qui n'est pas si évident ! », confie-t-elle. Aujourd'hui l'association compte une cinquantaine de membres et vient de mener son premier cycle de conférences.
Mon handicap est à la fois ma plus grande faiblesse et ma plus grande force. Car, malgré toutes les limites qu'il entraîne, c'est grâce à lui que j'ai décidé de faire des études de médecine et de créer le projet Draw your fight.
Extrait du site Draw your fight.
En savoir plus sur https://www.drawyourfi ght.org/