Plaidoyer pour une culture de responsabilité partagée

Publié le 31 May 2022 à 07:56

“ Notre grande erreur est d'essayer d'obtenir de chacun en particulier des vertus qu'il n'a pas et de négliger de cultiver celles qu'il possède. ”

Marguerite Yourcenar
Extrait des Mémoires d'Hadrien

L'hôpital est le cadre d'expression de différentes logiques professionnelles à concilier et à confronter avec une indiscutable nécessité de travail en équipe, à l’image des soins intrinsèquement coordonnés.

Garantir la cohérence de fonctionnement de l’hôpital au service de sa mission de soins ne se conçoit :
• Qu’en faisant se conjuguer les logiques opérationnelles du soin entre elles et avec les logiques de gestion.
• Qu’en créant une synergie entre ceux qui conçoivent, arbitrent, décident et ceux qui opérationnellement mettent en œuvre.

Cet enjeu central revient à promouvoir le passage de la culture de la responsabilité individuelle à une culture de la responsabilité commune. C’est au directeur, au président de la CME, au directeur des soins qu’il incombe de créer ensemble un environnement propice à la coordination des différents métiers pour faire passer les acteurs, de la singularité professionnelle à la complémentarité et ainsi garantir les coopérations indispensables aux activités de soins et à leur développement. Dans ce cadre, tous les espaces favorisant la réflexion et l’expression sont à saisir afin d’articuler la responsabilité clinique et la responsabilité managériale.

L’objectif est de parvenir à une culture hospitalière plus partagée. Une meilleure compréhension des logiques réciproques permet de mieux coordonner les responsabilités propres.

Ainsi, tout projet, a fortiori d’établissement, doit accorder une large place à la participation des professionnels pour partager les enjeux autour de la qualité, de la sécurité et du juste soin.

Il importe dans ce sens de définir collectivement un mode de management et d’exercice hospitalier où chaque professionnel trouve logiquement sa place. La gouvernance institutionnelle se doit également d'intégrer cette exigence à travers la participation active des représentants médicaux au pilotage de l’établissement. Elle doit conduire tous les acteurs à appréhender dans un même ensemble les dimensions stratégiques, cliniques, organisationnelles, et économiques.

La sécurisation des pratiques professionnelles et la gestion du risque associée doit s’attacher à donner du sens aux prises en charge individuelles et collectives, de sorte que ces démarches constituent de véritables points de repère pour l’exercice de chaque professionnel. Il convient d’intégrer la complexité des situations rencontrées et surtout ne pas enfermer les pratiques, au risque de les appauvrir.

La capitalisation de la richesse professionnelle de chacun concourt à créer une expérience collective au service des bonnes pratiques et de la qualité des prises en charge La capacité de gestion collective des incertitudes et des risques permet de sécuriser les processus de soins et de rendre intelligible toute tentative de formalisation.

La reconnaissance de compétences mobilisées contribue tant à l’amélioration de la performance qu’au maintien des potentiels des professionnels au service de l’approche collective.

Les logiques professionnelles doivent se retrouver au profit d’une vision partagée de l’hôpital confronté à une réalité économique et à une consommation de soins. Dans cet édifice à l’équilibre fragile et en perpétuel mouvement, tout est question de sens et de respect de la place de chacun au service d’un objectif commun : la qualité de soin et de service au patient.

Tout projet pour être viable dans la durée doit trouver un juste point d’équilibre entre les dimensions techniques et organisationnelles qui le sous-tendent. A défaut, il devra être reconsidéré dans un contexte de fragilité et d'instabilité vis-à-vis de son environnement et de frustration pour les professionnels qui l’auront porté et s’y seront investis. C’est au Directoire qu’il revient en particulier de s’assurer que ces prérequis ont bien été pris en compte pour créer les conditions favorables à son intégration et à sa mise en œuvre

Pour toutes ces raisons, les équipes médico-soignantes et gestionnaires doivent être situées au cœur de la gouvernance du système de santé La responsabilité qu’elles sont à même de porter pour le faire évoluer et la capacité à apporter une vision prospective ancrée sur la réalité des pratiques et l’évolution des besoins en constituent des arguments indiscutables.


Anita Garcia
Coordonnateur général des
Soins, de la qualité et de la
Gestion des risques


Gildas Le Borgne
Directeur adjoint
Centre Hospitalier de
Bretagne Sud - Lorient

(1) Notre propos peut être illustré par le développement et la structuration des activités ambulatoires tant en chirurgie qu’en médecine. Ce mode de prise en charge est venu profondément influencer les pratiques professionnelles et transformer l’organisation des soins et des circuits patients. Réunir les conditions de son implantation et de son enracinement n’a été possible que par une convergence d’approche des équipes soignantes et de direction autour de la définition et de la coordination des rôles de chaque acteur.
(2) Il en va ainsi de l’introduction d’une nouvelle activité médicale, d’une coopération avec un autre établissement, d’une nécessaire réorganisation imposée pour différents motifs (plan de retour à l'équilibre, démographie médicale, nouvel équipement, évolution règlementaire ou des bonnes pratiques, …).

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH9

Publié le 1653976586000