PH temps partiel des praticiens à fidéliser, un statut à éliminer

Publié le 31 May 2022 à 17:25


PRÉAMBULE

Un statut dans la fonction publique a deux objectifs : assurer la pérennité de la fonction par-delà les changements politiques, garantir la qualité du service public en conformité avec l’article 1 de la constitution.

Un praticien peut exercer à temps partiel sous plusieurs statuts et dans le respect de son indépendance professionnelle garanti par le Conseil de l’Ordre. Si son mode d’exercice principal est autre, il peut légitimement exercer sous statut contractuel (statut de « nouveau » praticien attaché ou NPC3). C’est aussi pertinent en début de carrière d’être, pour un temps limité, sur des statuts spécifiques d’assistant.

Un praticien temps plein peut bénéficier de mesures d’aménagement du temps de travail : dispense de garde, temps partiel thérapeutique pour raisons de santé, activité réduite pour convenance personnelle.

Les praticiens hospitaliers à temps partiel statutaires (Tp) ont satisfait aux épreuves du concours de praticien hospitalier dans les mêmes conditions que les temps pleins, ont été affectés dans les mêmes conditions, ont fait eux aussi leur année de stagiaire avant d’être titularisés ; mais leur statut est codifié de façon distincte dans le code de santé publique5. Pour eux, l’exercice hospitalier est l’exercice principal.

CONSTAT SOCIAL
Le statut de Tp est source de dissensions et de discriminations entre praticiens.

La Dre …, dentiste en gérodontologie, ayant depuis longtemps souhaité être temps plein, a été vacataire puis Tp multi-site (jusqu’à 3 sites distants de plus de 30 mn) avant de finir par être nommée temps plein sur des vacations obtenues grâce à ses confrères gériatres qui ont fait pression sur leur pôle du fait de son apport inestimable. Le pôle odontologie, où les hospitalo-universitaires temps partiel sont très nombreux, ne comprenait pas pourquoi elle ne travaillait pas en cabinet libéral.

Le Dr…, dentiste Tp, travaillant en chirurgie maxillo-faciale, a été poussé à la démission sans être remplacé. Il a gardé deux vacations pour travailler en chirurgie maxillo-faciale mais son activité principale est maintenant en libéral. Le Dr…, à l’issue de son clinicat, a débuté un Tp « imposé », complété par 40 % sous statut contractuel 20 ans plus tard CDI fonction publique d’état. Dans ses contrats répétés dans la même mission, il fait le même travail que des collègues ayant gardé leur statut temps plein. La promesse de temps plein s’est perdue dans l’oubli avec la réponse « vous êtes jeune, vous pouvez attendre » puis « vous êtes trop âgé, il faut faire un effort pour les jeunes » ou « vous comprenez avec votre échelon ça coûterait trop cher de vous passer temps plein ».

La Dre…, « recrutée » dans un autre CHU par un chef de service sur le départ a monté un projet de centre de référence qui a été accordé. Ce projet lui permettrait de passer temps plein, l’administration l’a refusé. Suite au changement de chef de service, une cabale n’a été résolue que par une intervention syndicale.

Le Dr…, est Tp en SAMU et a une activité de médecin généraliste en cabinet libéral dans une ville « à problèmes », il ne peut pas bénéficier de l’indemnité d’engagement de service public exclusif.

La Dre…, radiologue Tp, a pendant de nombreuses années exercé comme radiologue en hôpital public, elle assure le reste de son activité au profit d’une structure de statut privé à but non lucratif (reconnu d’intérêt public), elle aurait pu être PH temps plein et travailler dans cette structure dans le cadre d’une convention. Elle ne touche ni IESPE, ni indemnité multi-site.

Quelle folie que de motiver des praticiens temps partiels à ne pas avoir d’activité de soignants quand ils ne sont pas à l’hôpital alors que l’on manque tant de praticiens ?

DROITS
Les Tp ont des obligations de participation à la continuité des soins et à la permanence des soins, de remplacement des confrères identiques aux temps plein ; la durée de réalisation de ces obligations ampute de façon amplifiée leur mission première. Comment concilier une activité sur le temps restant alors que l’on ne maîtrise pas son emploi du temps ?

L’IESPE, de fait, ne s’applique pas aux praticiens temps partiel. Ils ne peuvent en bénéficier que s’ils travaillent comme vacataires dans d’autres hôpitaux : mais alors pourquoi ne sont-ils pas temps plein avec une activité multisite ?
Quelle folie que de motiver des praticiens temps partiels à ne pas avoir d’activité de soignants quand ils ne sont pas à l’hôpital alors que l’on manque tant de praticiens ?

Les pharmaciens Tp n’ont même pas le droit d’avoir une officine ou un laboratoire (même associés) ! Que dire là aussi de cette perte sèche de compétence.

CE QUE NOUS DEMANDONS
La priorité vitale est de récupérer du temps médical, on ne peut pas former des praticiens en un jour ; par contre les Tp sont un vivier immédiatement employable. Il faut donc, d’urgence, favoriser leur passage à temps plein.

Mesures incitatives :
• Proposer un passage temps plein sur leur poste ou avec un complément de poste dans leur hôpital.
• Intégrer par convention tout praticien ayant un complément dans la fonction publique (ARS, Grades, agences d’état, éducation nationale…).

Mesures « coercitives »  :
• Majoration de salaire proratisée inverse au temps de travail pour accroître le coût horaire.
• Alignement du paiement des gardes sur les hospitalo-universitaires si elles ne peuvent pas rentrer dans le temps de travail hebdomadaire.

Mesures d’accompagnement pour le passage temps plein :
• Mise en place d’aides à l’accueil des enfants et d’aide aux praticiens aidants familiaux.

Mesures d’accompagnement pour les Tp ne souhaitant pas ou ne pouvant pas passer temps plein :
• Etablissement de fiches de poste strictes définissant les missions, les obligations de service, la participation à la continuité et à la permanence des soins.
• Obligation d’équipement informatique, téléphonie portable et en dispositifs médicaux de même niveau que pour un temps plein, mise en place de moyens dédiés d’accès à distance au système d’information hospitalier (VPN, ordinateur dédié).
• Temps de formation identique ou au moins proratisé par rapport aux temps plein.
• Prise en compte du temps de travail supplémentaire réalisé hors de l’hôpital (validation de courrier pour éviter les délais, préparation et participation aux activités institutionnelles, temps syndical) comme des plages additionnelles.
• Prendre en compte la disponibilité des Tp dans toute réunion institutionnelle du service, jusqu’au GHT.
• IESPE proratisée pour les Tp qui sur le reste de leur activité interviennent dans des structures de service public7.

En résumé les mesures proposées8 visent à :
1 Augmenter les temps médical et pharmaceutique disponible vite et efficacement ;
2 Donner à ces praticiens l’occasion de fournir un meilleur rendement et une meilleure qualité de soin ;
3 Donner des conditions d’exercice sereines et favoriser le choix de rester à l’hôpital public.

C’est gagnant pour les Tp, gagnant pour l’hôpital et gagnant pour la société !

La vraie solution est un statut unique temps plein pour tous, promis, que nous attendons toujours…


Dr Pierre RUMEAU
Président du Syndicat
National des Praticiens
Hospitalier

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°24

L'accès à cet article est GRATUIT, mais il est restreint aux membres RESEAU PRO SANTE

Publié le 1654010737000