Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent (PEA), Psychiatrie de l’Adulte (PA), Psychiatrie périnatale (PP), Psychiatrie de la personne âgée (PPA)
La paupérisation de la Psychiatrie publique est un fait connu de longue date. Les rapports d’experts produits ces dernières années n’ont cessé de le dire (Robiliard, 2013, IGAS, 2017 pour les plus récents). Et c’est comme si rien ne changeait. Ou plutôt des changements se font, par simple effet du temps qui s’écoule, en usant les êtres et les choses. C’est ainsi que notre beau système de santé français s’épuise. Il y a certes un bon côté dans la longue durée de cette course de fond : pas facile de casser quelque chose qui tient et bénéficie à un grand nombre. Il y a aussi un grave inconvénient : une dérive lente qui semble irrésistible, qui conduit à l’agonie – ce que l’on n’ose modifier, ce que l’on ne sait réorienter, ce que l’on a peur de voir couler. On peut se dire, un peu lâchement et sans gloire, que « tant que ça tient et que les décideurs politiques regardent ailleurs, c’est toujours ça de gagné ». Mais à faire le dos rond face à l’adversité et à la dégradation, nous savons tous qu’il n’y a que des coups à prendre.
Comment trouver une issue ? Certains bons esprits ont trouvé la solution. Elle est fort simple, il suffisait d’y penser : diminuer ce qui ressort de la solidarité (ce qui est remboursé) et laisser chacun « décider » de comment et où il veut 1 Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent 2 Psychiatrie de l’Adulte 3 Psychiatrie périnatale 4 Psychiatrie de la personne âgée être soigné. Pour la psychiatrie, c’est d’autant plus vrai que nombreux sont ceux qui se satisferaient qu’elle n’existe pas. Si seulement on n’en avait pas besoin, si seulement les troubles mentaux étaient illusions, ou inventés… Tout ira enfin pour le mieux dans le meilleur des mondes : les plus forts ne sont-ils pas de tout temps ceux qui survivent le plus longtemps ?
La paupérisation de la psychiatrie a donc fini par être reconnue ces temps derniers, à l’occasion de la pandémie. On reconnait maintenant qu’elle est un parent pauvre.
Plus sérieusement, comment convaincre qu’il faut trouver un autre chemin ? Si nous n’y parvenons pas, les soins continueront à se dégrader malgré l’effort de tous, et le pire est que cette dégradation ne deviendra totalement visible qu’au moment d’atteindre un point de non-retour.
On n’en est pas très loin :
La paupérisation de la psychiatrie a donc fini par être reconnue ces temps derniers, à l’occasion de la pandémie. On reconnait maintenant qu’elle est un parent pauvre.
(France-Inter, Dimanche 27 juin 2021, par Philippe Bardonnaud, Vanessa Descouraux, Géraldine Hallot : Psychiatrie, la grande oubliée de la médecine française).
Comment la renforcer, cette pauvre psychiatrie ? Soulignons que personne n’est pressé, à juste titre, de passer à un système « à la mode T2A ». Les effets pervers de cette tarification à l’activité (pas seulement à l’acte rappelonsle mais au type d’activité) sont connus depuis longtemps et dénoncés :
« je (le soin) te (l’hôpital) rapporte plus pour couper l’orteil de ton (le patient) pied diabétique que de te refaire un pansement tous les jours pour éviter qu’il s’infecte ».
Sauf que si ce système rapporte plus à la structure de soins, il coûte plus cher au système de remboursement, notre branche maladie de la Sécurité sociale. L’hôpital va mal, mais la Sécurité sociale ne s’en porte pas mieux : les patients seront soignés à plus grand coût à moins qu’ils ne soient pas soignés du tout…
La psychiatrie elle, était, et reste encore, à part, dans sa tarification. Néanmoins, ce financement est en train d’évoluer lentement mais sûrement vers une T3C qui est ou n’est pas une forme de T2A (autre débat cf. article de Bertrand WELNIARZ page 22). La T3C ne serait pas une tarification à l’activité même si une part serait à l’acte. Elle serait populationnelle. A noter tout de même que les critères de définition des risques des populations restent à définir ainsi que la manière dont ils pourraient évoluer... Une tarification plus complexe mais néanmoins plus « dynamique » que la dotation globale est demandée et attendue. Sauf que ce qui est demandé par la psychiatrie, comme par le MCO aujourd’hui, c’est une tarification qui tienne compte de la spécificité des soins aux patients.
Or la T2A a été pensée pour les pathologies aiguës dont les soins sont, si possible, standardisables. Pourtant, il ne s’agit que d’une toute petite part aujourd’hui des soins à l’hôpital et d’une encore plus infime part de ceux de la Psychiatrie. C’est évidemment toute la question qui est posée en creux, celle du financement des pathologies aiguës au regard des pathologies chroniques. Est-ce à dire que la psychiatrie ne serait concernée que par la pathologie chronique ?
Autre genre de questions, et pas des moindres : c’est quoi, au fait, la psychiatrie ? Une discipline ? Une spécialité ?
Ce genre de débat dont notre pays a le secret, se trouve réactualisé par la question de la « séparation » de la Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent de la Psychiatrie de l’Adulte. Adieu la Psychiatrie générale ? Ce débat divise de nombreuses assemblées de psychiatres. Mais en dehors des cercles de la psychiatrie, dans le grand public, les choses semblent pourtant claires : les médecins qui s’occupent spécialement des enfants, ce ne sont pas les mêmes que ceux qui s’occupent des adultes. Autre façon de le dire : la pédiatrie est la médecine de l’enfance et cela n’a jamais empêché l’existence de la médecine généraliste. Il y a ensuite en pédiatrie, des « sur-spécialités », comme la pneumo-pédiatrie, ou la cardio-pédiatrie, dont l’exercice est essentiellement hospitalier. En chirurgie, autre section des études médicales, personne ne s’étonne que l’on soit chirurgien de l’enfant (CHIR+PED) ou chirurgien de l’adulte (CHIR +A). On n’en est pas moins chirurgien. Mais alors pourquoi semble-t-il si difficile d’imaginer que l’on puisse être soit psychiatre et « de l’Adulte », soit psychiatre « de l’Enfant » ? Pourquoi semble-t-il si difficile d’envisager l’autonomie des uns et des autres au sein d’une filière commune ?
Pourquoi les psychiatres d’adultes, universitaires ou non universitaires (pour une fois réunis dans une cause commune) vivent-ils ainsi comme insupportables les besoins propres de formation et la reconnaissance de leur spécialité de psychiatres de l’enfant et de l’adolescent ? Serait-ce que la psychiatrie de l’adulte redouterait qu’en se « séparant », la psychiatrie de l’enfant ne détruise en quelque sorte la particularité de la psychiatrie au sein de la grande famille de la médecine.
La psychiatrie de l’adulte et celle de l’enfant se trouvant construites sur un modèle semblable à celui des autres disciplines médicales, la Psychiatrie perdrait ainsi sa spécificité ? Paradoxe ultime, pour rester singulière, la psychiatrie n’autoriserait aucune différenciation en son sein. Elle serait totipotente.
Alors, crainte que la spécificité de la psychiatrie ne se dilue en un contexte de perte d’identité et la perte de sens souvent mise en avant ces dernières années dans l’exercice des soins psychiques ? Appréhension d’un retour parfois évoqué à la neuropsychiatrie et à la neuropsychiatrie infantile, comme dans certains pays où les deux, Psychiatrie de l’adulte (PA) et psychiatrie de l’Enfant et de l’Ado (PEA) sont depuis longtemps deux spécialités à part entière ?
Et si le problème de fond était une représentation inaccessible de cette « séparation »? Cette impossibilité à penser a abimé les rapports et autorisé une mise sous tutelle fréquente de la Psychiatrie de l’enfant par la Psychiatrie de l’adulte. S’y ajoute également la question budgétaire ; celle-ci mine aussi les relations, les besoins des enfants sont d’autant plus faciles à contourner que la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent n’est le plus souvent, ni visible ni sanctuarisée dans le budget global.
Et puis voici qu’une proposition de résoudre partiellement ce conflit par le haut est arrivée par un deus ex machina bicéphale : les cabinets des deux ministères de la Santé et de l’Enseignement Supérieur proposent la mise en place d’une seule formation de spécialité DES à deux branches, avec deux coordinateurs à équivalence, un pour la PEA, un pour la PA et pour la PPA. Une formation de meilleure qualité nous aiderait tous à prendre soin des patients qui ont des besoins différenciés, à n’en point douter.
La Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent pourrait enfin être une spécialité à part entière sans se mettre à part de la grande famille des Psychiatres. Les uns comme les autres, nous serions reconnus dans nos spécificités… Et si de ce fait, nous trouvions ainsi, individuellement, de quoi renforcer notre unité dans les combats qui nous sont communs ?
Gisèle APTER
Article paru dans la revue “Le Syndical des Psychiatres des Hôpitaux” / SPH n°20