Partir en mobilité recherche ou en fellow à l’étranger

Publié le 25 May 2022 à 07:55


 Une véritable aventure avec ses joies et ses difficultés !

Interview de Théo Pezel, actuellement en mobilité aux États-Unis pour 2 ans, par Charles Fauvel qui s’apprête à partir à son tour en mobilité à l’étranger à la fin de l’année…

Beaucoup d’internes et/ou jeunes cardiologues se posent aujourd’hui la question de l’intérêt d’une mobilité ou d’un fellow à l’étranger, mais il existe peu de documentation sur le sujet ! Alors que Théo est depuis un an et demi aux Etats-Unis, au Johns Hopkins Hospital à Baltimore, où il réalise une mobilité de 2 ans en post-internat, il a accepté de partager son expérience et ses conseils pour les lecteurs du journal du CCF !

Donc tout d’abord un grand merci Théo pour avoir accepté de te prêter à l’exercice ! Partant moi-même en mobilité aux Etats-Unis à la fin de l’année pour 1 an, j’ai plusieurs questions à te poser, qui je l’espère, éclaireront également nos lecteurs !

Alors tout d’abord, à qui s’adresse la mobilité ou le fellow à l’étranger ?
L’envie de partir à l’étranger repose avant tout sur un désir très personnel de vouloir bouger, sortir de son environnement habituel, pour découvrir un autre monde, un autre mode de fonctionnement de la médecine. En effet, ce sera souvent l’occasion de connaître les joies de la vie à l’étranger, l’occasion de s’éveiller à une nouvelle culture et à une nouvelle façon de fonctionner, avec un esprit d’ouverture.

Globalement il y a deux grands types de profil de jeunes qui partent à l’étranger :

  • Tout d’abord, les jeunes intéressés pour faire un fellow technique (cardiologie interventionnelle, rythmologie, imagerie d’expertise…) leur permettant alors de réaliser leur technique 100 % du temps, et d’améliorer ainsi, de façon rapide, leurs compétences. C’est aussi en pratique l’opportunité de continuer à se former efficacement lorsque l’on doit « attendre un an ou deux », avant d’obtenir un éventuel poste d’assistant ou de chef à l’hôpital.
  • La deuxième situation correspond au souhait de s’orienter vers une mobilité de recherche et donc de se consacrer plutôt à une réflexion autour de la méthodologie des études cliniques, l’analyse statistique des données, la rédaction d’un article scientifique. Ainsi, c’est une opportunité de connaître toutes les étapes de la recherche, allant du brainstorming d’équipe pour trouver la bonne question posée, jusqu’à la publication finale du manuscrit.

Dans ma situation, je réalise une mobilité de recherche orientée sur l’imagerie cardiovasculaire multimodale. Le véritable intérêt de l’imagerie, par le fait qu’elle soit non invasive, est qu’elle permet facilement d’explorer les deux versants : faire de la recherche tout en apprenant et en s’améliorant techniquement sur le plan de l’analyse des images ! C’est aussi pour cela que de plus en plus de jeunes partent à l’étranger pour travailler sur l’imagerie cardiovasculaire !

Y a-t-il un « bon moment » pour faire sa mobilité et combien de temps doit-elle durer au minimum ?
Il n’y a probablement pas de « moment idéal » en soi pour faire sa mobilité, mais ce qui est souvent évoqué c’est de le faire le plus tôt possible lorsqu’on en a l’opportunité. En effet, plus on attend, et plus cela sera difficile du fait de la vie de famille, des obligations professionnelles sur nos centres... En suivant ces conseils, je suis parti immédiatement après l’internat car cela me permet de prendre du temps pour mieux apprendre l’imagerie cardiovasculaire et les bases de la recherche clinique. L’objectif étant de pouvoir mettre à profit ces connaissances dès mon retour en France, lors de mon clinicat à l’hôpital Lariboisière. De nombreux jeunes partent également après leur clinicat ou leur assistanat leur permettant alors de se perfectionner véritablement dans leur domaine d’expertise. Ces deux possibilités fonctionnent très bien et cela dépendra de chacun !

La durée minimum d’un fellow ou d’une mobilité à l’étranger est d’un an. Mais il peut être intéressant, en fonction de vos projets professionnels et personnels, d’envisager une mobilité de deux ans ou plus. Initialement c’est vrai que je pensais ne partir qu’une seule année. Cependant, après discussion avec l’équipe du laboratoire d’accueil du Pr Joao Lima, responsable de l’imagerie cardiovasculaire sur place, les projets qu’ils me proposaient en restant deux ans m’offraient l’opportunité de m’investir encore davantage, notamment sur des essais cliniques prospectifs. Mais là encore, cela dépendra de vos envies et des options que l’on vous propose.

Un an cela passe en effet très vite, alors n’hésitez pas à discuter directement avec l’équipe des opportunités possibles pour vous, sur un an ou sur deux ans. Il n’y a pas de règle, et l’essentiel c’est de vous faire plaisir et que cela semble cohérent pour vous et pour votre équipe française qui vous soutient. Si l’on prend l’exemple des fellows en cardiologie interventionnelle, il est fréquent qu’en une seule année, la formation porte uniquement sur l’aspect coronaire et l’angioplastie complexe ; alors qu’en partant deux ans, une formation sur le versant coronaire et sur le versant structurel (TAVI, Mitraclip…) sera proposée. Mais encore une fois, cela dépend des centres !

Pourquoi as-tu choisi les USA ?
Faut-il forcément quitter la France et/ou l’Europe ?
Toutes les opportunités d’expérience à l’étranger sont bonnes à prendre : les États-Unis, le Canada, la Grande Bretagne ou même d’autres pays d’Europe ! Tu as parfaitement raison, de nombreux jeunes cardios réalisent leur mobilité en France, permettant d’acquérir, à mon avis, un niveau de compétence équivalent. A mon sens, le véritable intérêt de partir à l’étranger est de pouvoir sortir de sa zone de confort et d’échanger au sein d’une équipe internationale, mêlant les cultures, les façons de voir la vie, mais aussi la médecine.

Le rapport à la cardiologie, à la technique ou encore à la recherche n’est pas le même partout dans le monde ! Loin de là ! Et le fait de voir comment la recherche et la cardiologie sont pensées aux États-Unis me permet de prendre du recul et de penser un peu différemment mon propre rapport à la médecine. Il y a « du plus » et « du moins bon » partout et c’est intéressant de pouvoir comparer.

Attention seulement à une précaution importante, pour un jeune qui souhaiterait réaliser une formation interventionnelle, cela est possible au Canada ou dans certains pays en Europe. Cependant aux États-Unis, aucune convention n’existe et ainsi, on ne peut pas se former en coronarographie ou en rythmologie interventionnelle. Cependant, comme je l’ai déjà mentionné avant, l’imagerie cardiaque permet facilement de contourner ce problème et tout en étant aux États- Unis, de profiter de l’apprentissage des compétences techniques et de l’apprentissage en recherche clinique.

Le plus important pour savoir où partir est plutôt d’avoir un contact en France, d’un de vos chefs ou collègues qui peut vous recommander auprès d’une structure. C’est l’étape la plus importante pour que tout se passe bien une fois sur place ! N’hésitez pas à demander conseil et contact aux jeunes que vous connaissez qui sont partis récemment !

Pour partir à l’étranger, est-ce qu’être « fluent » en anglais avant le départ est nécessaire ? Pas trop difficile de « s’acclimater » ?
Hahahahhaha !!! C’est une excellente question. Pour tout te dire, avant de partir, mon niveau d’anglais était plus que moyen… et c’était effectivement pour moi une source d’angoisse au début. Cependant la culture américaine est tout à fait différente dans son rapport aux étrangers et ils sont habitués à recevoir des jeunes venant du monde entier et personne ne te critique ou ne te rabaisse parce qu’au début tu as des difficultés à parler ou du fait de ton accent. Bien au contraire ! Tout le monde cherche à s’améliorer en discutant et en se corrigeant ensemble. Ainsi au bout de deux ou trois mois sur place, tu deviens vraiment à l’aise et ton cerveau fait des phrases plus facilement. Aussi je recommande vraiment à tous ceux qui hésiteraient à partir à cause d’un niveau très moyen en anglais, de ne surtout pas se limiter à cela !

Comment as-tu construit ton projet de recherche pour partir ? Comment s’est déroulée la prise de contact avec l’équipe qui t’accueille aux États-Unis ?
Il est très important de cadrer un minimum son projet de recherche ou de fellowship avant son départ ! Ainsi, il est fréquent d’organiser plusieurs réunions téléphoniques avec l’équipe d’accueil, quelques mois avant le départ afin d’échanger ensemble et de partir d’emblée dans la bonne direction. En effet, une fois arrivé sur place, le temps passe extrêmement vite et c’est essentiel aussi pour le moral, de savoir ce que l’on va faire et surtout avec qui.

Oui le contact avec l’équipe d’accueil a été vraiment génial ! C’est probablement l’un des vrais plus de la mobilité, à mon sens, même si avec cette pandémie à Covid, la situation a été plus compliquée que prévu… En effet, ce que j’ai trouvé particulièrement chouette c’est le fait que les équipes soient internationales, mêlant des jeunes de nos âges venant du monde entier (Chine, Japon, Brésil, Iran, Inde, Irlande, Italie, …) Ainsi, au-delà de l’échange professionnel, c’est aussi un échange humain autour de nos cultures, de nos habitudes alimentaires… J’ai l’impression que cela aide beaucoup à s’ouvrir l’esprit après des études de médecine qui parfois nous limitent dans cette dimension d’ouverture aux autres…


Soirée « Afterwork » avec une partie du laboratoire d’imagerie cardiovasculaire du Johns Hopkins, à l’occasion de la finale du Super Bowl 2020 avec l’équipe des Ravens de Baltimore !

J’imagine que la vie aux US est plus chère qu’en Europe ! Comment te finances-tu ? Faut-il anticiper en économisant avant le départ ?
Oui tu as raison ! Une mobilité à l’étranger représente un coût. Cependant, par chance, de nombreux organismes existent et soutiennent les mobilités à l’étranger :

  • Fédération Française de Cardiologie.
  • Différentes Filiales et Groupes de la Société Française de Cardiologie comme le groupe de Rythmologie ou le groupe Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies.
  • Fondation Philippe.
  • Bourse Inserm.
  • Institut Servier, Groupe Pasteur Mutualité…

Il est très important de faire une demande de bourse auprès de toutes ces entités afin d’obtenir une bourse suffisante pour vivre sereinement à l’étranger.

En pratique, on s’imagine arriver seul (ou avec sa/son conjoint) à la sortie de l’avion : Est-ce qu’il existe des organismes qui t’ont accueilli en sortant de l’aéroport ? à trouver et t’installer dans ton logement ? à chercher ton VISA avant le départ ?
Tu as raison, c’est un point très important ! C’est la structure d’accueil (centre hospitalier ou université) qui va jouer un rôle absolument clé en ce sens. Toutes les demandes administratives, demande de visa, obtention de formation pratique sur place, vont passer par ces centres ou universités.

Dans mon cas, c’est l’Université Johns Hopkins qui m’a envoyé différents formulaires à remplir ; en validant toutes les étapes souvent lourdes et rébarbatives, j’ai obtenu mon visa et suis arrivé finalement à destination ! Une fois sur place, il y a une véritable entraide entre les jeunes fellow qui te conseillent immédiatement sur les endroits à fréquenter, à éviter, ou prendre son logement... Ce que je recommande, c’est de ne pas choisir forcément son logement avant de partir mais d’opter plutôt pour un Airbnb pendant quelques semaines, afin de visiter un peu et de faire ton propre choix avant de prendre un appartement pour l’année.

Quel rôle exactement occupes-tu au sein de l’équipe médicale ? C’est quoi une journée « type » en mobilité ?
Cela varie énormément d’un centre à l’autre... Pour un jeune qui est en fellow l’essentiel de ta journée consiste à exercer ta technique et donc à être par exemple au cathlab du matin au soir. Parfois, ce fellowship peut être accompagné d’une activité de recherche et il sera possible sur certaines demi-journées, d’être dans un bureau et d’avancer tes travaux de recherche en parallèle. Dans mon cas, ma mobilité est très orientée sur la recherche et mes semaines sont rythmées par plusieurs réunions de recherche au cours desquelles, chacun présente l’évolution de ses projets et nous discutons tous ensemble. Le maître mot de ta semaine c’est « l’émulation à plusieurs », te permettant de mieux saisir les enjeux de ton travail. Le reste du temps, je participe trois fois par semaine à l’acquisition des images de scanners et d’IRM auprès des patients. Ensuite, nous sommes un core lab référent d’analyse IRM, écho et scanner pour des études multicentriques, et donc je participe aussi à la lecture de plusieurs dizaines d’examens par semaine. Et puis un temps est aussi consacré à la lecture des papiers récents, l’analyse statistique de nos données, la présentation de ces résultats à l’équipe. Puis, enfin la rédaction d’un article scientifique avec l’apprentissage progressif des bonnes règles à suivre. Encore une fois, le réel avantage de l’imagerie est de pouvoir continuer à pratiquer sa technique et à s’améliorer dans l’interprétation des images, tout en développant des compétences en recherche clinique.

L’éloignement de tes proches doit aussi te peser parfois. Ont-ils eu la possibilité de te rejoindre ou de ton côté, as-tu pu faire quelques allers-et-retours durant ton séjour ?
On ne va pas se raconter d’histoires, je ne suis pas sûr que j’ai choisi la meilleure période pour partir à l’étranger... La période n’est pas facile et après des premiers mois vraiment chouettes en début de mobilité, le Covid-19 a vraiment limité mon expérience sur le plan personnel… L’activité de travail au labo continue, avec une mutation forcée de l’ensemble des laboratoires vers une recherche différente et vers des modalités de travail différentes. Cependant, sur le plan personnel, j’aurais aimé plus visiter, plus voir, plus échanger et clairement la période n’a pas été facile à chaque instant.
Mais en laissant de côté le COVID-19, il est fréquent de faire des allers-retours pour les vacances ou les proches qui viennent nous voir !

Et pour finir : que dirais-tu à toutes celles et ceux qui désirent faire une mobilité ?
La mobilité à l’étranger est une véritable aventure !
Une opportunité unique de s’ouvrir l’esprit, tant sur le plan professionnel que personnel ! Et donc j’encourage le plus grand nombre, si vous en ressentez l’envie : foncez ! Vous ne le regretterez pas !

Merci Théo !

Envie de partir à l’étranger pour faire une mobilité et vous avez des questions ? Avant de partir, j’ai demandé de l’aide et des conseils autour de moi. je n’aurais pas aussi bien vécu les choses sans les collègues qui étaient déjà partis et qui m’ont guidé : Michel Zeitouni, Mathieu Kerneis, Vincent Algalarrondo, Emmanuel Sorbet, Delphine Mika, Fabien Picard et Vincent Spagnoli !

Merci encore a  vous les amis !
C’est a  mon tour de vous aider si vous avez besoin !

N’hésitez pas à me contactez si vous avez des questions : [email protected]

Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°13

Publié le 1653458158000