Participation des internes aux RPC

Publié le 17 May 2022 à 03:53

Partie 1 : Océane Pécheux, interne 10e semestre à Lille. Présidente de l’AGOF

Introduction
L’an dernier, les Professeurs Nisand et Deruelle, respectivement président et secrétaire du CNGOF, nous propose d’impliquer les internes dans la préparation des RPC, « recommandations pour la pratique clinique ». Reste à s’arranger avec les coordinateurs des RPC, puis réfléchir à la place éventuelle que les internes pourraient y prendre. Relecture finale ? Bibliographie ? Les avis divergent. Pour les RPC qui doivent être finalisées dans quelques mois, il s’agira donc d’une relecture finale ; pour la prééclampsie sévère, dont la présentation est prévue en janvier 2021, nous partirons sur un travail de bibliographie.

C’est une première édition de ce type d’opportunités pour les internes ! Possible grâce au partenariat récemment renforcé » entre l’AGOF et le CNGOF : en 2019, l’adhésion aux 2 sociétés devient commune, 50 euros (25x2) via uniquement le site du CNGOF, l’idée étant d’ouvrir des portes aux internes, et d’assurer la continuité logique entre une adhésion AGOF, et une adhésion CNGOF une fois l’interne devenu sénior.

L’AGOF ne compte qu’une poignée de membres, qui consacrent un temps important à se battre pour optimiser et harmoniser la formation des internes en France, et même si organiser une sélection nationale juste pour les RPC prend du temps, nous voulons le faire bien. Nous annonçons l’opportunité par mail et sur Facebook (suivez-nous sur Facebook !!) à nos adhérents (oui, il faut adhérer pour ne rien manquer !), et créons une grille de points sérieuse. Cette grille comprend notamment nombre de publications en anglais ou français, nombres de posters, communications orales, cours aux externes ; avec des points bonus pour les travaux en Obstétrique si on postule pour une RPC obstétricale, et des points bonus par exemple si la thèse a été réalisée précisément sur le thème de la RPC.

L’équité et la justice font partie de nos préoccupations premières au bureau. Les membres du Bureau étant globalement des internes très investis dans la recherche, etc. On ne voudrait pas que la sélection paraisse truquée ; et en même temps, on veut pouvoir postuler, pas de raison de ne pas avoir accès à de si belles opportunités non plus !

On conclue qu’un membre actif AGOF postulant pour une RPC ne peut départager et compter les points des autres internes pour la RPC en question. Chaque candidature sera côté par 2 membres AGOF différents. Nous sélectionnons ainsi, suivant les consignes des PU, soit un ou deux internes selon la RPC, et envoyons les résultats aux coordonnateurs des RPC.

Finalement, 2 membres AGOF seront sélectionnées, dont moi qui termine première de la sélection prééclampsie sévère.

Retour sur expérience
J’ai ainsi l’honneur d’être contactée par les coordonnateurs des RPC, Pr Schmitz, Pr Sentilhes, Pr Sénat, puis d’assister à la toute première réunion de ces RPC, où seront rediscutés avec les binômes d’experts SFAR/CNGOF l’intitulé des différents questions posées. La méthodologie GRADE sera désormais suivie scrupuleusement. Discussions intéressantes autour des termes précis à utiliser, des objectifs les plus intéressants en pratique clinique, etc. On nous inscrit avec l’interne d’anesthésie qui participe comme moi, à une formation bibliographie d’une journée organisée par la Cochrane, nous nous répartissons les questions, et commençons les recherches. Les textes préliminaires seront ensuite proposés par les experts aux coordonnateurs, date limite : 10 décembre, il faut s’y mettre tout de suite !

Partie 2 : Louise Benoit, interne 8e semestre à Paris. Retour sur expérience
En Mars 2019, l’AGOF propose aux internes de pouvoir participer aux RPC pour une première fois. Les fameuses « reco » auxquelles on fait constamment référence dans notre pratique quotidienne. Plusieurs internes vont donc pouvoir assister aux discussions derrières ces recommandations savantes. Je décide, par préférence, de postuler à celle sur les tumeurs frontières. Un CV et une lettre de motivation sont nécessaires.

Il y aura donc quatre réunion
• Le vendredi 15 mars pour revoir les chapitres et faire une première revue de la littérature.
Ÿ• Le vendredi 14 juin pour revoir la première version des papiers.
Ÿ• Le vendredi 13 septembre pour relecture et validation des articles.
Ÿ• Le vendredi 8 novembre pour relecture finale avec commentaires de la relecture externe.

Vu qu’il s’agit d’une première, je rejoins le groupe tardivement et ne peux assister qu’aux deux dernières réunions. Celle du 13 septembre sera annulée à cause d’une grève.

Je reçois par mail les différents documents nécessaires aux préparations des RPC : les doodles pour convenir des dates et du lieu, les fichiers Excel des revues de la littérature puis les versions préliminaires de chaque chapitre.

J’arrive donc le 8 novembre à 9h, au siège du CNGOF sur le boulevard Sébastopol, à Paris. Le Pr Bourdel, coordonnateur de cette RPC est déjà là, il y a beaucoup de travail. Rapidement suivent le Pr Darai, président et le Pr Huchon, méthodologiste. La salle se remplit progressivement : radiologues, anatomo-pathologistes, gynécologues plutôt PMA, plutôt obstétriciens et plutôt chirurgiens des quatre coins de la France.

On rentre directement dans le vif du sujet. Il faut pour chaque chapitre (9 au total) :
• Récupérer les commentaires des relectures externes. Chaque chapitre est envoyé à plusieurs lecteurs, experts dans le domaine. Ils adressent par la suite leurs remarques qui sont prises en compte : une interprétation différente d’un article, des références à modifier, des chiffres manquants et mêmes quelques fautes de frappes.
• Relire entièrement les recommandations de chaque chapitre. Je réalise à ce moment l’ampleur du travail. Tout doit être relu méticuleusement et chaque mot a son importance. Les gynécologues français vont modifier leur pratique en fonction de ce texte, il faut que rien ne prête à confusion. De même, aucune discordance n’est possible entre chaque chapitre.

Au bout de 5 chapitres, après 4 heures de relectures détaillées, il est finalement l’heure de partager des plateaux-repas. C’est tellement convivial qu’on oublierait presque qu’il s’agit d’une journée de travail. Mais, il reste encore beaucoup à faire et nous reprenons rapidement les relectures.

Les médecins viennent et repartent ; jongler le travail universitaire avec le travail clinique n’est pas toujours évident. Pr Darai, Pr Bourdel et Pr Huchon restent très concentrés et maintiennent un rythme effréné de relecture.

Certains chapitres ne nécessitent aucune remarque, d’autres sont sujets à de vives discussions. Une définition pose problème entre les anatomo-pathologistes et les chirurgiens gynécologues, il faut revoir ce qui avait été dit dans un précédent chapitre. Il ne doit rester aucun malentendu.

A la fin des relectures, il est temps de faire les arbres décisionnels, outil visuel essentiel au praticien. Plus de médecins vont regarder la synthèse des recommandations et les algorithmes que lire en détail le texte long. Même rigueur pour ces arbres décisionnels. Sont-ils concordants avec le texte ? Y’a-t-il un terme qui prête confusion ? Sont-ils le plus complets possible tout en restant le plus simples possible ?

La journée s’achève finalement. Il reste encore beaucoup de travail pour tout le monde et le temps presse. Les auteurs doivent rendre leur version retravaillée dans une semaine afin que les trois acteurs principaux puissent en faire la synthèse et conclure ce travail. Les recommandations seront présentées au Congrès Paris Santé Femme le 29 Janvier 2020.

Je me doutais qu’il y avait un travail titanesque derrière chacune des RPC mais j’ai été quand même impressionnée par l’ampleur du travail fourni. Chaque article de la littérature est revu à la loupe afin de pouvoir le grader avec un niveau de preuve puis de l’incorporer dans nos revues de la littérature. Les recommandations qui en découlent sont elles-mêmes décortiquées afin d’être les plus claires et les plus complètes possibles. Chaque terme doit être limpide. Chaque phrase doit pouvoir être comprise même en dehors du contexte.

Je réalise qu’en tant qu’interne, je me laisse parfois guider par les arbres décisionnels et les synthèses sans forcément lire le texte détaillé. Je prends donc la décision de relire les textes longs des RPC afin de comprendre le pourquoi de nos prises en charge et de ne plus les appliquer naïvement. Mais pour le moment, il est temps d’aller prendre une bière avec le groupe avant que chacun reparte dans sa ville respective…

Article paru dans la revue “Association des Gynécologues Obstétriciens en Formation” / AGOF n°18

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