Papy-coline fait de la résistance

Publié le 13 May 2022 à 10:15


PORTRAIT

Coline, 25 ans et interne en 2ème semestre pose avec Armand, 92 ans et mannequin d’un jour pour le magazine H
Coline, en première année d’internat, a choisi la gériatrie par amour. Elle défend sa spé contre son image « pas glam’ », milite contre la schématisation du patient âgé et contre le jeunisme de la société.

Remerciements à Armand Coutureau et à la maison de retraite Korian Agapanthe pour les photos

« Quand j’ai fait le choix de la gériatrie, mes parents ne m’ont pas tout de suite comprise », se souvient Coline, 25 ans, actuellement interne en deuxième semestre en médecine interne à Châtellerault. « Pourquoi essayer de sauver des gens qui vont bientôt mourir ? Tu seras face à des vieillards séniles et incontinents… », entend-t-elle. La gériatrie est bien plus que ça. Découverte lors de son premier stage en externat, elle accroche tout de suite : l’approche holistique du patient, la diversité des pathologies, les échanges avec la famille, le volet social et le temps passé auprès de chaque patient. Chimères ? « On choisit la gériatrie parce que – justement - l’on peut prendre ce temps » affirme-t-elle. Les patients aiment partager leurs souvenirs, joies ou drames. « Quand on voit une petite dame dans son lit d’hôpital, on la plaint. Puis, elle nous raconte son passé de résistante pendant la seconde guerre mondiale et on l’admire ».

Ces morceaux de vie l’éclairent sur le présent de ses patients : telle activité professionnelle qui exposa à des substances nocives, tel régime alimentaire qui engendra des carences. Sans pour autant catégoriser par rapport à un âge, à une ancienne profession ou à un niveau social.

 Une richesse humaine comme un casse-tête médical, une pathologie en entraînant souvent une autre, masquant parfois les symptômes de la pathologie initiale. Sans oublier la post-hospitalisation.

 La gériatrie est une médecine exigeante où coïncident poly pathologies, iatrogénie, perte d’autonomie et fragilités physiques comme psychiques.

 « On a l’habitude de dire que, si on ne peut rajouter des années à leur vie, on rajoute de la vie à leurs années », ajoute avec philosophie Coline.

LES "SCIENCES DU CORPS"
« À l’âge de sept ou huit ans, je jouais aux "sciences du corps", se souvient Coline. Je voulais soigner les gens, être utile. J’ai beaucoup travaillé, notamment en première année de médecine, et je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’avais échoué ».
Aujourd’hui, son application scolaire est un peu moins vive face au temps à passer en e-learning en plus des journées de travail.

« Comme tous les internes, nous avons un rythme soutenu et je préfère accorder du temps à mon couple et mes amis ». Coline pratique le sport de façon régulière et passe ses jours de repos à retaper la maison qu’elle vient d’acheter avec son chéri, ingénieur en génie électrique. Ils se marient l’année prochaine. Elle n’était pas particulièrement pressée mais elle pense à ses deux grands-parents avec qui elle aimerait partager ce moment. « Je reste leur petite-fille et je ne m’immisce pas dans leur santé mais… comment dire… notre formation et notre expérience médicale font que l’on se soucie d’eux autrement ». Elle a perdu l’une de ses grands-mères l’année passée.

Plus que la mort, c’est la douleur qu’elle redoute. « En tant que médecin, nous sommes là pour soulager les patients et ce n’est pas toujours évident quand ils ne communiquent pas. Si je les vois faire la moue pendant un geste médical alors que j’ai pris toutes les précautions nécessaires, je me pose toujours des questions ».

Coline avec le chef de clinique de la gériatrie de Poitiers, Arnaud Caupenne
qui est aussi porte-parole de l’AJG, Association des Jeunes Gériatres.

ODYSSÉE EN VÉLO
Pour faire une coupure avec son quotidien médical, Coline part en trek tous les ans. L’année dernière, elle est partie trois semaines au Népal. Cet été, elle part de la Rochelle pour rejoindre Biarritz avec son chéri en vélo, circuit qui fait partie du vélodyssée . Pour se loger, elle adhère au principe du warmshower. « C’est comme du coachsurfing mais dédié aux cyclistes, explique Coline. Il y a 15 jours, nous avons accueilli à Poitiers deux journalistes qui faisaient le tour du monde en vélo en trois ans et qui filmaient leurs aventures. On fait des rencontres étonnantes ! » Elle ne parle pas toujours de son métier, préférant débrancher vraiment. Sauf en famille où elle est se transforme en fervente défenseuse de sa spécialité. Toute sa famille est convaincue. Parents compris.

DEUX AUTRES "MORDUS" DE GÉRIATRIE

Victoire Leroy
Un autre regard en fin d’internat
Actuellement en année de recherche sur la biologie du vieillissement, Victoire reprendra en novembre sa cinquième année d’internat tout en continuant à œuvrer au sein de l’AJG, l’Association des Jeunes Gériatres.

Pour venir en gériatrie, elle a fait un crochet par la médecine interne à Tours, la gériatrie était alors un DESC et non un DES. Ce qui lui a plu ? La difficulté du diagnostic, des symptômes sourds, des pathologies sous-jacentes et la balance bénéfice/risque. « J’apprécie aussi la dimension éthique liée à la gériatrie et toutes ces questions sur la fin de vie que l’on ne se pose pas forcément avec un patient jeune. On se demande toujours pourquoi fait-on cela, jusqu’où peut-on aller… ».

Victoire reconnaît que la spé porte encore une image peu sexy. Elle aussi se fait porte-parole : « c’est une des spécialités les plus dynamiques actuellement en termes de recherche, de coordination de soins ou de postes. »

Benjamin Videlier
D’ingénieur à gériatre

« Sans regret », Benjamin Videlier a basculé du monde de l’ingénierie à celui de la médecine. En 2013, alors étudiant ingénieur en « Technologies de l’information pour la santé », il découvre l’hôpital lors d’un stage en immersion d’un mois avec les cadres de santé et auprès des internes et médecins. C’est le déclic. « Le contact humain, les soins, le fait d’apporter des solutions à des patients, le travail en équipe, tout cela m’a plu », se souvient-il. Il obtient son diplôme d’ingénieur, fait une année de master 2 en imagerie médicale avant l’obtention de la passerelle en 3ème année de médecine. Quant à la gériatrie, il l’a découvert pendant son externat, à Grenoble. Une spé qui correspond à sa vision de la médecine : humanité, prise en charge globale de la personne et relationnel avec les familles. Il aime prendre du temps pour expliquer aux proches les solutions envisagées pour la sortie du patient et vulgariser les termes médicaux parfois abscons. Pour sa thèse, il songe à travailler sur les nouvelles technologies dans le maintien à domicile. Une manière de concilier sa double expérience.

Internat de Gériatrie

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°20

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