Actualités : Optimiser la prise en charge du parkinson avancé - Défis, stratégies et innovations

Publié le 15 avr. 2025 à 07:52
Article paru dans la revue « Anainf Association des Assistants et Internes en Neurologie » / ANAINF N°1

La maladie de Parkinson avancée est marquée par lʼapparition de fluctuations motrices et non-motrices et de dyskinésies, rendant la prise en charge plus complexe1. Lʼoptimisation des traitements oraux a ses limites, et les traitements de stimulation dopaminergique continue doivent être envisagés2. Cet article propose une approche pédagogique de la prise en charge à travers un cas clinique, en illustrant les stratégies thérapeutiques disponibles, y compris les innovations récentes comme la Foslevodopa/Foscarbidopa (SCYOVA) sous-cutanée et la Levodopa/Carbidopa/Entacapone (LECIGIMON) en infusion intrajéjunale.

Cas Clinique

Présentation du patient 

Monsieur A., 61 ans, est suivi pour une maladie de Parkinson diagnostiquée il y a 7 ans, initialement marquée par un tremblement de repos du membre supérieur droit. Il est traité par : Ropinirole (REQUIP) LP 8 mg le soir, Levodopa/Carbidopa (SINEMET) 100/10 mg : 2 comprimés 5 fois par jour et Levodopa/Benserazide (MODOPAR) 125 (100/25 mg) dispersible en cas de besoin.

Question 1 : Quelle est la meilleure stratégie face à l'apparition de fluctuations motrices ?

Monsieur A. rapporte une efficacité réduite de son traitement, avec un effet de la Levodopa/Carbidopa durant seulement 2h30 à 3h, entraînant des tremblements et des blocages. Que pouvez-vous lui proposer ?

A. Ajout d'Entacapone à chaque prise de Levodopa/Carbidopa 

B. Ajout de Rasagiline à chaque prise de Levodopa/Carbidopa 

C. Augmentation du Ropinirole LP à 16 mg

D. Ajout de Péribédil LP 50 mg trois fois par jour 

E. Réalisation d'un bilan en vue d'un traitement de stimulation dopaminergique continue

Réponses et explications

A. VRAI : L'ajout d'Entacapone, inhibiteur de la catéchol-O-méthyltransférase (COMT), prolonge l'effet de la Levodopa d'environ 33 %. Il peut être administré sous forme de comprimé séparé (Entacapone, Contan) ou sous forme combinée (Levodopa/Carbidopa/Entacapone, Stalevo). Il peut cependant aggraver les dyskinésies et provoquer des diarrhées. Penser également à prévenir les patients de la coloration possible des urines et des autres sécrétions en orange à cause de l'entacapone.

B. FAUX : La Rasagiline, inhibiteur de la monoamine-oxydase B (IMAO-B), a un effet modeste sur les fluctuations motrices, ne se prescrit qu'une fois par jour et n'est pas recommandée dans ce contexte.

C. DISCUTABLE : Augmenter le Ropinirole est possible et peut avoir un effet limité sur les fluctuations. Cependant ceci expose à un risque accru d'effets secondaires (troubles du contrôle des impulsions, somnolence…) et aura probablement moins d'effets sur les symptômes de Monsieur A. que l'augmentation de la Levodopa.

D. FAUX : Ajouter un second agoniste dopaminergique augmente le risque d'effets indésirables sans bénéfice thérapeutique significatif prouvé.

E. VRAI : La règle dite des « 5-2-1 » recommande une évaluation pour une stimulation dopaminergique continue en présence de 5 prises par jour, 2 heures de blocages ou 1 heure de dyskinésies par jour. Des outils d'aide à la décision comme Manage-PD disponible en ligne peuvent égaleront être utilisés (https://www.managepd.eu/FR/).

Question 2 : Comment gérer les dyskinésies de pic de dose ?

À la suite de l'introduction de la Levodopa/Carbidopa/Entacapone (Stalevo), Monsieur A. développe des dyskinésies invalidantes. Quelles sont les options thérapeutiques ?

A. Ajout d'Amantadine 

B. Diminution des doses de Levodopa/Carbidopa/Entacapone 

C. Mise en place d'un traitement de stimulation dopaminergique continue

D. Utilisation du stylo d'Apomorphine sous-cutané 

E. Ajout de Clozapine

 

Réponses et explications

A. VRAI : L'Amantadine, antagoniste des récepteurs NMDA, est le seul traitement ayant l'AMM pour les dyskinésies. Attention au risque d'hallucinations et à la sécheresse buccale. Attention également à ne pas prescrire le traitement après 16-17h pour ne pas perturber le sommeil. 

B. DISCUTABLE : Diminuer la Levodopa ou arrêter l'entacapone réduit les dyskinésies mais risque de réactiver les fluctuations motrices présentes initialement.

C. VRAI : Une stimulation dopaminergique continue permet de stabiliser les taux de dopamine et de réduire les variations motrices et non-motrices.

D. FAUX : Le stylo d'Apomorphine est une alternative pour traiter les blocages soudains mais n'a pas d'indication dans les dyskinésies de pic de dose.

E. FAUX MAIS... : La Clozapine est l'un de seul neuroleptique utilisable dans le parkinson avec la Quetiapine. Elle est utilisée en cas d'hallucinations ou de psychose sévère. Elle n'a donc pas d'indication ici mais sachez que des études ont prouvé que la Clozapine avait un effet positif sur les dyskinésies et les tremblements.

Question 3 : Quelle solution pour un patient en échec des stratégies médicamenteuses per-os ?

Monsieur A., âgé de 63 ans désormais, a enfin pu bénéficier de son bilan prétraitement de stimulation dopaminergique continue qui retrouve une dopa sensibilité des signes de 75 %, l'absence de troubles axiaux en « ON », l'absence d'apathie ou de troubles psychiatrique et l'absence de troubles cognitifs sur le bilan neuropsychologique. Malgré de nombreuses adaptations thérapeutiques, Monsieur A. présente une dégradation clinique marquée par l'intensification des fluctuations motrices, des douleurs dystoniques nocturnes et une altération de la qualité de vie. Quels traitements pouvez-vous proposer ?

A. Stimulation cérébrale profonde des noyaux sous-thalamiques 

B. Pompe à Apomorphine sous-cutanée 

C. Pompe à Foslevodopa/Foscarbidopa (SCYOVA) sous cutanée

D. Pompe à Levodopa/Carbidopa (DUODOPA) intrajéjunale 

E. Pompe à Levodopa/Carbidopa/Entacapone (LECIGIMON) intrajéjunale

Réponses et explications

Toutes les réponses sont valides et possibles. En effet, il existe désormais 5 solutions de traitement de stimulation dopaminergique continue disponibles en France 3. Au vu de son bilan Monsieur A. peut théoriquement être éligible aux 5 qui ont tous des avantages et des inconvénients spécifiques (Tableau 1). Actuellement peu d'études ont comparé les différents traitements entre eux, la décision est donc basée principalement sur les souhaits du patient, son éligibilité et les habitudes de l'équipe soignante qui prend en charge le patient 1, 3. Il est également possible de mettre en place une pompe pour améliorer les symptômes de Monsieur A. temporairement dans l'attente d'une chirurgie de stimulation cérébrale profonde.

Tableau 1 – Comparaison des différentes solutions de stimulation dopaminergique continue

Les nouveautés thérapeutiques

Deux nouveaux traitements de stimulation dopaminergique continue sont désormais disponibles en France :

•Foslevodopa/Foscarbidopa sous-cutané (SCYOVA) : Ce traitement permet une administration continue d'une pro-drogue de la Levodopa via une perfusion sous-cutanée4. Il représente une alternative moins invasive par rapport aux pompes intrajéjunales et offre peut être une meilleur tolérance que l'Apomorphine qui est un agoniste dopaminergique souvent responsable d'effets indésirables au long cours.

•Levodopa/Carbidopa/Entacapone en infusion intra jéjunale (LECIGIMON) : Ce dispositif combine la Levodopa avec un inhibiteur de la COMT, augmentant ainsi l'efficacité du traitement5. L'administration intrajéjunale permet une délivrance plus stable du traitement. Il a l'avantage d'avoir une pompe plus petite et plus légère que l'actuelle pompe Levodopa/Carbidopa (DUODOPA). Cependant il nécessite tout de même une gastrostomie jéjunalisée et expose le patient aux effets indésirables potentiels de l'entacapone (diarrhées et hallucinations principalement).

Ces innovations offrent des options supplémentaires aux patients en échec des stratégies médicamenteuses classiques et doivent être envisagées au cas par cas, en concertation avec un centre expert parkinson.

 

Conclusion

Le Parkinson avancé requiert une prise en charge personnalisée, pour proposer le bon traitement au bon patient au bon moment de sa maladie. Une collaboration avec un centre expert est essentielle pour optimiser la prise en charge. Par conséquent, il ne faut pas hésiter à orienter les patients vers un centre expert Parkinson dès qu'ils respectent la règle des « 5-2-1 » et qu'ils présentent des symptômes mal contrôlés par les thérapeutiques médicamenteuse per-os. Il vaut mieux adresser trop tôt que trop tard ce d'autant que le parcours de traitement dopaminergique continu est souvent long tant sur le plan de la disponibilité du matériel que sur le plan acceptabilité par le patient.

Références

1. Deuschl G, Antonini A, Costa J, et al. European Academy of Neurology/Movement Disorder Society-European Section Guideline on the Treatment of Parkinson's Disease: I. Invasive Therapies. Mov Disord Off J Mov Disord Soc. 2022;37(7):1360-1374. doi:10.1002/ mds.29066. 

2. Krystkowiak P, Aubignat M. Les traitements de seconde ligne dans la maladie de Parkinson à un stade avancé : à quel moment ? Pour quels patients ? Prat Neurol - FMC. 2019;10(2):55-60. doi:10.1016/j.praneu.2019.01.009. 

3. Antonini A, Pahwa R, Odin P, et al. Comparative Effectiveness of Device-Aided Therapies on Quality of Life and Off-Time in Advanced Parkinson's Disease: A Systematic Review and Bayesian Network Meta-analysis. CNS Drugs. 2022;36(12):1269-1283. doi:10.1007/ s40263-022-00963-9. 

4. Soileau MJ, Aldred J, Budur K, et al. Safety and efficacy of continuous subcutaneous foslevodopa-foscarbidopa in patients with advanced Parkinson's disease: a randomised, double-blind, active-controlled, phase 3 trial. Lancet Neurol. 2022;21(12):1099-1109. doi:10.1016/S1474-4422(22)00400-8. 

5. Nyholm D, Jost WH. Levodopa-entacapone-carbidopa intestinal gel infusion in advanced Parkinson's disease: real-world experience and practical guidance. Ther Adv Neurol Disord. 2022;15:17562864221108018. doi:10.1177/17562864221108018.

 

Dr Mickael AUBIGNAT 
Amiens

Publié le 15 avr. 2025 à 07:52