PARTIE 1
Mise à jour des recommandations de la double antiagrégation plaquettaire (DAPT, dual antiplatelet therapy)
Des recommandations spécifiques à la DAPT ont été proposées pour la première fois et dévoilées lors de l’ESC avec une publication simultanée dans l’European Heart Journal pour guider le cardiologue dans la prise en charge médicamenteuse du patient coronarien.
Le mot d’ordre est un traitement personnalisé, adapté à chaque patient et situation clinique, à réévaluer régulièrement afin de l’adapter à la balance risque ischémique-risque hémorragique. Même si la tâche demeure complexe, les auteurs présentent plusieurs outils destinés à orienter la prescription, notamment un cortège de 18 scénarii représentatifs de la pratique clinique quotidienne
Quelle DAPT ?
Dans un contexte de syndrome coronaire aigu et en l’absence de contre-indication spécifique, le Ticagrelor ou le Prasugrel sont recommandés en première intention, associés à l’Aspirine (classe IB).
Quel que soit le type de SCA, les doses de traitement préconisées sont 60 mg de prasugrel, 180 mg de ticagrelor, 600 mg de clopidogrel. En cas de thrombolyse dans le SCA ST+, seul le clopidogrel est recommandé et un switch par ticagrelor ou prasugrel pourra être proposé à partir du 3e jour.
Quand administrer la DAPT ?
Pour le SCA ST+ : le traitement doit être immédiatement introduit.
Pour le SCA ST- : le traitement doit généralement être introduit une fois l’indication d’une angioplastie retenue pour éviter le sur-risque hémorragique en cas de diagnostics différentiels. Il est néanmoins possible de proposer un prétraitement pour les patients à haut risque par ticagrelor ou clopidogrel mais le prétraitement par prasugrel est contre-indiqué dans le SCA ST-.
Durée de la DAPT ?
Un message clef relayé par le Professeur Montalescot est que « l’on ne devrait pas choisir son stent en fonction de la durée du double traitement antiplaquettaire autorisé chez le patient ». Ainsi les durées de double antiagrégation sont données sous forme de fourchettes et celle-ci pourra être réduite à 1 mois après implantation d’un stent actif si nécessaire chez un patient à haut risque hémorragique ou nécessitant une chirurgie urgente étant donné la sécurité des plateformes actuelles de stents.
Quel que soit le mode de revascularisation utilisé, la durée optimale de DAPT après un syndrome coronaire aigu est fixée à 12 mois. La prescription est ensuite modulable à 6 mois (voire 3 mois) en cas de haut risque hémorragique, ou peut encore être prolongée au-delà de 12 mois en cas de bonne tolérance chez un patient à haut risque ischémique.
En cas de maladie coronaire stable, la durée de DAPT recommandée est de 6 mois pour un stent actif, 12 mois pour un stent résorbable, 6 mois pour une angioplastie au ballon et 1 mois en cas de stent nu.
Elle peut en revanche se voir réduire jusqu’à 1 mois en cas de risque hémorragique élevé. Dans le cas contraire, le traitement peut être poursuivi jusqu’à 36 mois chez le patient à haut risque ischémique tel que le patient pluri-tronculaire, stenté sur le tronc commun, avec un diabète déséquilibré ou ayant présenté plusieurs récidives coronariennes
Scores de risque permettant de guider la durée de la DAPT
Des scores de risque sont proposés :
Score hémorragique « PRECISE-DAPT » (PREdicting bleeding Complications In patients undergoing Stent implantation and subsEquent Dual Anti Platelet Therapy) : un score ≥ 25 est en faveur d’une réduction de la durée de la DAPT
Score ischémique « DAPT » : un score ≥ 2 est en faveur d’une poursuite de la durée de la DAPT
Gestion d’un traitement anticoagulant associé à la DAPT ?
Les patients chez qui une triple association est indiquée sont par définition à risque hémorragique élevé (augmentation du risque hémorragique de 2 à 3 fois). La DAPT doit être la plus courte possible, réduite à 1 mois par défaut, à adapter à l’aide des scores de risque évoqués ci-dessus pour un maximum de 6 mois en cas de syndrome coronaire aigu chez un patient à très haut risque ischémique. Les anticoagulants oraux directs peuvent être utilisés. La prescription de Ticagrelor ou Prasugrel n’est pas recommandée.
Gestion d’un relai entre 2 inhibiteurs P2Y12 ?
Dans le contexte aigu, en cas de relai entre deux inhibiteurs du P2Y12, le patient doit toujours recevoir une dose de charge, sans prendre en compte l’heure ou la dose de clopidogrel préalable ou après une fenêtre de 24h en cas de prescription initiale de Ticagrelor ou de Prasugrel
Gestion des complications hémorragiques de la DAPT
Le premier point est la généralisation de la voie d’abord radiale en première intention (classe I). D’autre part au niveau médicamenteux, les recommandations préconisent l’association d’un inhibiteur de la pompe à proton pour tous les patients sous DAPT (classe I).
Par ailleurs, le monitoring plaquettaire n’est pas recommandé en routine.
En ce qui concerne la prise en charge à proprement parler des complications hémorragiques, en l’absence d’essai randomisé disponible sous DAPT, les recommandations sont pratiques :
• Si saignement faible/modéré (sans hospitalisation) : DAPT maintenue tout en relayant l’inhibiteur du P2Y12 par un moins puissant (Prasugrel ou Ticagrelor remplacé par le Clopidogrel).
• Si saignement important : DAPT arrêtée et relayée si possible par une simple antiagrégation plaquettaire par inhibiteur du P2Y12.
Résumé des nouveautés ESC 2017
ACS = acute coronary syndrome; APT = anti-platelet therapy; CABG = coronary artery bypass graft; DAPT = dual antiplatelet therapy; MI = myocardial infarction; NSTE = Non-st-segment elevation; OAC = oral anti-coagulant; PCI = percuatenous coronary intervention; PRECISE-DAPT = PREdicting bleeding Complications in patients undergoing Stent implantation and subsEquent
Dual Anti Platelet Therapy; Stable CAD = stable coronary artery disease.
PARTIE 2
En pratique, les nouvelles recommandations sur la prise en charge de l’infarctus du myocarde – syndrome coronaire aigu ST avec élévation du segment ST (SCA ST+)
Quelques items étaient attendus avec impatience depuis les dernières recommandations de 2012, comme la validation d’une classe I pour l’implantation de stent actif ou la voie d’abord radiale préférentielle. D’autres font leur entrée dans les recommandations comme la revascularisation complète en phase aiguë passant d’une classe III à IIa ainsi qu’une recommandation plus importante pour l’utilisation d’enoxaparine.
En pré-hospitalier
L’adage « time is muscle » est bien entendu toujours d’actualité mais les délais de prise en charge ont cependant été simplifiés en abandonnant le concept du « door-to-balloon ». Plus simple d’utilisation, le délai retenu est celui entre le diagnostic clinique (ECG qualifiant) et l’arrivée sur la table de coronarographie avec un seuil inchangé qui reste de 120 minutes pour privilégier l’angioplastie primaire. Une fibrinolyse doit sinon être proposée en l’absence de contre-indications et dans un délai maximum de 10 minutes.
Devant une présentation atypique telle qu’un bloc de branche gauche ou un rythme ventriculaire électroentrainé, les experts statuent que « dès que le patient présente des symptômes et que l’évaluation clinique suggère une occlusion coronaire, une coronarographie à but diagnostique doit être réalisée ».
Points clés en salle de cathétérisme
La voie d’abord radiale devient la règle en première intention et avec implantation d’un stent actif (classe I).
En revanche, la thromboaspiration réalisée en routine n’est plus recommandée (classe III) et se doit d’être discutée au cas par cas, réservée aux volumineuses masses thrombotiques.
En ce qui concerne la stratégie d’anticoagulation, la bivalirudine se voit dégradée de classe I à IIa en l’absence de réelle efficacité démontrée sur le risque hémorragique et est désormais recommandée uniquement comme traitement de renfort en cas de no-reflow ou de complication thrombotique. A l’inverse, l’Enoxaparine en alternative à l’héparine, est upgradée (classe IIa).
Enfin, le cangrelor, nouveau traitement antithrombotique non disponible en France, intègre les recommandations et peut être prescrit en l’absence d’administration préalable d’inhibiteur du P2Y12.
Revascularisation complète de toutes les lésions sur la même hospitalisation ?
En ce qui concerne la stratégie de revascularisation, alors qu’il y a 5 ans les recommandations européennes statuaient contre la revascularisation complète, le praticien peut désormais considérer la revascularisation complète après une évaluation individualisée (classe IIa) suite aux essais cliniques tels que PRAMI, CULPRIT ou DANAMI-3-PRIMULTI. Le consensus d’experts recommande par ailleurs une revascularisation complète en cas de choc cardiogénique (classe I), dans l’attente d’essais randomisés tels que CULPRIT-SHOCK.
Gestion de la fibrinolyse
En ce qui concerne la fibrinolyse, une nouveauté est la prescription d’une demi-dose chez les patients de plus de 75 ans (classe IIa). Par ailleurs, le traitement anti agrégant plaquettaire dans les suites évolue avec un relai du clopidogrel possible par un inhibiteur plus puissant du P2Y12 à 48h.
Prise en charge à long terme
Comme il est précisé également dans les recommandations sur la prescription de la double antiagrégation plaquettaire (DAPT), le ticagrelor peut désormais être prescrit jusqu’à 36 mois (IIb) à 60 mg 2 fois par jour associé à l’aspirine chez les patients tolérant la DAPT sans complication hémorragique et avec un facteur de risque ischémique. Recommandation faisant suite à l’essai PEGASUS-TIMI-54.
Enfin, l’accent est également mis sur la prévention secondaire avec l’association d’un second médicament diminuant le LDL-cholesterol en cas de dosage supérieur à 0,7 g/L malgré la dose maximale de statine tolérée. Des essais tels que IMPROVE-IT pour l’Ezetimibe ou FOURIER pour l’Evolocumab sont cités
Résumé des nouveautés ESC 2017
Article paru dans la revue “ Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF n°02