Nouvelle gouvernance des Instituts de formation Paramedicale : experience d’une coordination des instituts de formation

Publié le 30 May 2022 à 07:04

Depuis plusieurs mois une nouvelle gouvernance des instituts de formation paramédicaux publics, rattachés à des centres hospitaliers gestionnaires semble se mettre en place. Certains CHU ont sous leur responsabilité administrative plusieurs instituts, instituts de formation en soins infirmiers, des aides-soignants, en masso-kinésithérapie, de manipulateurs en électroradiologie médicale, de cadres de santé…

A l’occasion du départ en retraite d’un Directeur des soins, Directeur d’institut, la direction de l’organisme gestionnaire décide de nommer aux mêmes fonctions un cadre supérieur de santé de la filière. Le Conseil Régional a toute latitude pour promulguer l’arrêté de nomination sous couvert de la responsabilité de l’institut par un Directeur de soins, directeur d’un autre institut.

Cette situation peut être ainsi répétée autant de fois que le cas se présente pour aboutir à un regroupement des différents instituts, tous dirigés par un cadre de santé supérieur de la filière et sous couvert d’un unique Directeur de soins. Cette nouvelle entité peut prendre le nom de Coordination d’instituts sous la responsabilité d’un Coordonnateur général des instituts de formation.

Cette volonté affichée de regrouper les instituts de formation paramédicaux au sein d’une coordination est dictée par des raisons fonctionnelles et économiques. Dans une période d’économies budgétaires et de rationalisation des fonctionnements, ces décisions ne sont pas étonnantes. Il faut d’ailleurs remarquer que ce modèle tend à se généraliser dans de nombreuses institutions.

Cette nouvelle gouvernance des instituts publics doit malgré tout nous permettre de réfléchir aux avantages et inconvénients inhérents à ces bouleversements.

Certes, elle impacte l’évolution de carrière d’un certain nombre de cadre de santé qui voient le statut de Directeur de soins, directeur d’institut, progressivement disparaitre. Elle génère aussi une modification des champs de responsabilité du Directeur d’institut.

Par contre, elle ouvre un champ de réflexion intéressant sur les actions à mener en matière de formation, de pédagogie et d’échanges entre les professions paramédicales, qui étaient souvent « ghettoïsées » depuis plusieurs années.

Exemple d’une coordination d’instituts de formations paramédicales
Organisation de la Coordination
Un Directeur des soins est responsable de la coordination et assure la direction d’un autre institut en parallèle. Ses missions sont déterminées par son positionnement au regard de la direction du CHU, des instances régionales (Conseil Régional, ARS, DRJSCS) et de l’Université. Sur le plan stratégique et politique, il participe, en collaboration avec le Directeur de l’institut concerné, à la politique régionale de stages et à l’élaboration du projet général des instituts de formation au regard des choix institutionnels du CHU et du Schéma Régional des formations sanitaires et sociales.

Au niveau de la coordination, il détermine et développe les axes de réflexion interinstituts, il préside les différents jurys de sélection et de certification ainsi que les conseils pédagogiques et techniques.

Il participe aux commissions de suivi régionales et accompagne le processus d’universitarisation. Il veille à l’application des règles de sécurité et évalue les Directeurs d’instituts.

Il anime des réunions bimensuelles avec les Directeurs d’instituts au cours desquelles sont débattus les sujets touchant à la fois la coordination des instituts et chaque institut.

Sur le plan pédagogique, les directeurs d’institut mettent en œuvre le processus de sélection, le projet pédagogique, l’organisation de la formation initiale et de l’enseignement, conçoivent et organisent le système d’évaluation et de certification. Ils assurent la cohérence du processus d’alternance et le suivi de l’organisation des stages.

Sur le plan managérial, ils encadrent et évaluent les membres de l’équipe pédagogique et administrative, organisent, animent, coordonnent et assurent le suivi des réunions pédagogiques.

Sur le plan administratif, ils assurent le contrôle des dossiers et livrets scolaires ainsi que le suivi des étudiants en difficulté. Ils préparent et animent les instances (CAC intermédiaire, CP, CT, CVE).

Ils suivent les accidents du travail, les états de présence, les prises en charge et aides financières.

Ils rédigent le rapport d’activité, ils élaborent et réajustent le règlement intérieur et assurent la veille spécifique à leur domaine d’activités.

En collaboration avec le Coordonnateur général des instituts, ils déterminent les postulats pédagogiques (théories de l’apprentissage, évaluations) et effectuent le suivi des étudiants au regard de la dimension réglementaire.

Ils participent à la mise en place de la démarche qualité, des formations continues, des travaux et projets inter-instituts et au recrutement du personnel.

Les actions menées par la Coordination des instituts
La coordination des instituts est l’occasion de travaux entre les équipes pédagogiques et administratives. Des groupes de travail ont été constitués sur des thématiques communes. Chaque institut est représenté au sein de ces groupes par un ou plusieurs formateurs. Chaque directeur est référent d’un groupe sans participer nécessairement aux travaux de réflexion. Il existe ainsi un groupe « Démarche Qualité des instituts et de la formation », un groupe « Evaluation », un groupe « Recherche et Ecrits professionnels ». Chaque groupe mène une réflexion sur les sujets qu’il a choisis.

Deux demi-journées d’échanges sont organisées dans l’année.

Elles sont l’occasion d’informer l’ensemble des instituts de l’état des travaux, de présenter des actions pédagogiques originales ou de communiquer sur les formations suivies.

La coordination organise une fois par an une conférence sur un thème pouvant intéresser l’ensemble des instituts. En 2014, David Le Breton, anthropologue et sociologue, professeur à l’université de Strasbourg, est intervenu sur le thème de l’Anthropologie du corps ou « Comment les différentes cultures conçoiventelles et abordent-elles le corps humain et ses organes ? ».

C’est aussi par le biais de cette Coordination que s’organisent les actions de formation continue élaborées et assurées par les différents instituts.

Enfin, des groupes de travail ont permis la création d’outils en commun.
• Une page sur le site internet du CHU a été conçue pour présenter les différents instituts de la coordination.
• Un règlement intérieur commun a été élaboré dans lequel chaque institut a décliné ses particularités avant d’être validé en conseil pédagogique ou technique. A cette occasion, une procédure commune de gestion des absences injustifiées et une charte plagiat ont été validées.
• Un livret d’accueil à destination des étudiants est actuellement en élaboration.

D’autres projets sont en cours, particulièrement dans le cadre du développement de l’apprentissage par simulation, en collaboration avec la faculté de médecine.

Ces actions et outils communs devraient permettre de faciliter les échanges entre les différentes équipes et de bénéficier des expériences de chacun sur les plans pédagogique, administratif, et de gestion des moyens.

La mise en place de la coordination des instituts semble devenir un incontournable dans le paysage de la formation paramédicale initiale dans le secteur public. Elle doit être l’occasion de se questionner sur les avantages à tirer de cette nouvelle organisation.

Les échanges autour des expériences pédagogiques au regard des réformes de la formation initiale, les travaux de réflexion dans différents domaines en lien avec la formation (apprentissage par simulation, expériences d’évaluation à distance), l’élaboration de démarches et d’outils communs, ainsi que le partage d’actions, devraient permettre de réfléchir et d’évoluer dans nos pratiques pédagogiques pour former les professionnels répondant aux besoins en santé de la population de nos différents territoires.

Thierry GALLUCHON
Directeur de l’IFMK du CHU de Poitiers

            Article paru dans la revue “Syndicat National de Formation en Masso-Kinésithérapie” / SNIFMK n°6

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