L'ISNI s'oppose à toute forme de coercition à l'installation des médecins que ce soit en médecine générale ou dans une autre spécialité. La liberté de s'installer est fondamentale. Et si l'État faisait confiance à ses médecins et futurs médecins plutôt que les contraindre?
Les internes s'installent dans les territoires qu'ils connaissent
Nous savons que la coercition, ça ne fonctionne pas. Elle a été mise en place dans d'autres pays comme en Allemagne. L'effet est à l'opposé de celui escompté : cela fait fuir les médecins qui quittent le pays!, observe Killian L'Helgouarc'h, président de l'ISNI. Nous considérons que l'État doit faire davantage confiance aux médecins qui travaillent déjà et à ses futurs médecins, ajoute-t-il. Nous travaillons déjà tous en équipe entre médecine de ville et hôpital, avec les autres professionnels de santé et les paramédicaux .
Les arguments ne manquent pas pour s'opposer à la coercition d'installation : vague de départs en retraite précoces, déconventionnement, refus de s'installer. Ce projet de loi instaurerait un système qui verra disparaître la médecine libérale, qui est pourtant un des piliers de notre système de santé, avait averti François Braun, alors ministre de la Santé, en juin 2023. Qui voudrait perdre sa liberté de choisir où exercer en fonction de son projet de vie professionnel et personnel tissé depuis des années? Qui voudrait s'installer dans un territoire qu'il ne connaît pas, loin de sa famille, de son conjoint, de son cercle amical et recommencer sa vie sociale à zéro? Les internes s'installent dans les territoires qu'ils connaissent : là où ils sont nés, où ils ont vécu, où ils se sont sentis bien lors de leurs stages. C'est une question tout simplement humaine et ce n'est pas propre à la médecine!, fait remarquer Killian L'Helgouarc'h. Par ailleurs, l'installation est aussi liée à son attractivité, que ce soit le tissu économique du territoire pour l'évolution professionnelle du conjoint, les écoles, les modes de garde pour les enfants, les transports ou l'offre culturelle. Car les jeunes médecins qui s'installent sont âgés entre 27 et 32 ans, nombreux sont ceux déjà en couple, avec des enfants ou des projets de vie de famille.
Le prétexte éculé du désert médical
La désertification médicale est brandit comme une menace en termes de santé publique. Or, les études sur la répartition des médecins et des autres professionnels de santé et paramédicaux montrent que le maillage du territoire par les médecins n'est pas moins bon que les infirmiers ou les pharmaciens alors que ces deux dernières professions sont contraintes en termes d'installation. Les déserts médicaux ne sont qu'un symptôme d'une maladie diagnostiquée depuis longtemps, dixit Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre (UFML), interrogé par le journal Les Échos en juin 2023.
D'ailleurs, la France entière n'est-elle pas un désert médical? Ce n'est pas une question de répartition mais du nombre de médecins par habitants. Il en manque. C'est un fait. Mais nous ne sommes pas responsables des décisions politiques des trente dernières années!, rappelle, pour sa part, le président de l'ISNI.
Il existe plusieurs systèmes de régulation de la médecine de ville. La France a choisi de la réguler en amont de l'installation, par le biais du numerus clausus et des ECN.
Intensité des dispositifs de régulation au niveau de la formation et de l'installation des médecins.
Source : Frontier Economics et Ylios
Source : Les conditions d'installation des médecins de ville en France et dans cinq pays européens de l'ONDPS, 2015.
C'est une solution simpliste de croire qu'il suffi t d'obliger les médecins à s'installer dans un territoire pour régler le problème de l'accès aux soins...
Depuis 2005, l'État, les collectivités territoriales et l'Assurance Maladie multiplient les dispositifs d'incitation à exercer dans des zones sous-dense dès l'entrée en études de médecine : aides à l'installation et aux études, exonération d'impôts et de charges sociales ; CESP… En 2016, l'Assurance Maladie tente d'appâter les jeunes médecins avec une aide de 50.000 euros avec ses contrats démographiques. En contrepartie exercer 4 jours par semaine pendant 5 ans sur le territoire tout en participant au dispositif de permanence des soins ambulatoires. Entre 2017 et 2022, le bilan fut mitigé : 4 685 contrats actifs fi n 2021 avec un impact sur la démographie médicale limité pour un budget de 94 millions 1. Qui parle de l'effet secondaire de telles mesures? Celui du turn-over des médecins dans ces zones, au détriment de la qualité des soins pour les patients…C'est une solution simpliste de croire qu'il suffit d'obliger les médecins à s'installer dans un territoire pour régler le problème de l'accès aux soins. Les enjeux vont bien au-delà!, déclarait Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, en janvier 2021. Plus de 4 ans après, nous piétinons toujours face à la volonté politique de contraindre les jeunes médecins. Ne voyez-vous pas qu'une telle mesure conduira à la fuite des jeunes médecins vers le privé ou à l'étranger alors même que nous manquons de médecins?
1.Aides à l'installation des médecins : 94 millions d'euros en quatre ans, une efficacité remise en question, le 19/07/2022, par Aveline Marques, Egora.com
Note: Les bornes des classes de densité ont été définies à partir de la densité moyenne, augmentée ou diminuée de 10 %. Champ, Pharmaciens actifs en officine de moins de 70 ans, ayant au moins une activité en France métropolitaine ou dans les DROM. Source/ RPPS, INSEE, traitement DREES.