Non, faire payer "les lapins" ne résoudrait en rien à l'accès aux soins, bien au contraire

Publié le 31 Oct 2022 à 09:59

 

Une pétition a été récemment lancée à l'initiative de médecins souhaitant faire payer les rendez-vous non honorés.

Nous rappelons d'ailleurs à toutes fins utiles, qu'il est illégal actuellement de faire payer tout acte n'ayant pas été réalisé, que le rendez-vous ait été annulé ou non, et ce quel que soit le délai avant le rendez-vous de l'annulation, aussi bien pour une consultation médicale que paramédicale.

Nous nous opposons fortement aux paiements des "lapins" pour plusieurs raisons. Les raisons des annulations, des oublis peuvent être variées. N'oublions pas que les patientes elleux aussi vivent dans un monde avec extrêmement de contraintes : monde du travail, garde des enfants, problème familial de dernière minute, maladies diverses, etc. De nombreux écueils peuvent amener à ne pas pouvoir honorer un rendez-vous médical. En juger ne fait qu'affaiblir la relation de soin. De même, les oublis sont également possibles d'autant plus pour ceux qui ont été pris de nombreux mois à l'avance.

On rajoutera de plus qu'il n'est pas toujours évident de joindre le(a) praticien(ne). En effet, combien de médecins ont des secrétariats qui répondent rapidement au téléphone ? Qui ne sont plus externalisés, pour lesquels il faut attendre longuement, réitérer son appel, pour pouvoir joindre quelqu'un ? Dans ce cadre, vouloir annuler un rendez-vous est un obstacle supplémentaire, n'est-il donc pas parfaitement compréhensible que le(a) patient€ finisse par abandonner à joindre le médecin pour annuler ? Reconstruire une relation de confiance soignant(e)/ soignée nous apparaît comme beaucoup plus approprié, constructif, positif contrairement à la logique de la culpabilisation, de la faute, qui ne fera qu'encore plus abîmer cette relation.

Si ce genre de mesures était mise en place, quelles seraient les conséquences de ces frais supplémentaires ? Cela impacterait évidemment les plus précaires qui ne peuvent se permettre de payer ces frais, ce qui freinerait d'autant plus l'accès aux soins. Les plus aisés n'en seraient pas gênés, pouvant se permettre ces paiements. Cette logique rajouterait donc un frein supplémentaire à l'accès aux soins de tous(tes).

La pétition affirme que c'est une "dérive consumériste du soin qui impacte chaque jour l'organisation du soin et l'activité des médecins de ville." Or, les annulations de rendez-vous permettent parfois de rattraper un peu le retard, de répondre aux courriers/mails, et laissent rarement les médecins dans l'ennui. Certes, on ne va pas dire que c'est agréable les "lapins", bien au contraire, mais c'est pas non plus source d'une extrême désorganisation, ne laissant pas le médecin désœuvré.

Et si tant est que cela le laissait ainsi, cela montre encore une fois les limites de la tarification à l'acte. En effet, bien qu'il soit argué que cette mesure serait pour l'accès aux soins, la pétition demande le versement non pas à la sécurité sociale, comme d'aucun l'ont défendu, mais bien au médecin. C'est donc une question de manque à gagner pour le(a) dit(e) médecin qui est mise en avant. Ceci ne serait plus un problème dans le salariat, n'ayant pas d'impact sur les revenus (qu'on rappelera conséquent).

Nous souhaitons insister sur le fait qu'évidemment, si possible, il faut annuler le rendez-vous à l'avance pour permettre de laisser des créneaux libres à d'autres personnes ; néanmoins, ce n'est pas toujours si simple et faire payer ces consultations ne fera qu'aggraver l'accès aux soins des personnes les plus précaires.

Nous appelons à construire de meilleures conditions de soins, d'accès aux soins, de meilleures relations soignant(es)/soigné(es), avec plus de confiance, de disponibilité, d'écoute et moins d'inégalités dans la relation.

 Le SNJMG

Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°34

 

Publié le 1667206743000