News : le décret gouv

Publié le 30 May 2022 à 19:11

Un peu d’huile dans les rouages


Dr Jean-Michel Badet
SNPHCHU - Vice-Président INPH

La Loi de Modernisation du système de santé publiée le 26 janvier de cette année contenait des améliorations de la gouvernance hospitalière (Article 195).

ERNANCE CME

Le décret n°2016-291 du 11 mars 2016 publié au JO du 13 mars (1) permet la mise en application de ces améliorations qui devront être mises en œuvre dans les 6 mois

  • Le service revient en première place des structures constitutives des pôles.
  • La CME se prononce sur la cohérence médicale de l’organisation en pôles.
  • Les chefs de service seront nommés sur proposition du président de CME après avis du chef de pôle et non plus l’inverse. Après nomination, une formation leur est proposée.
  • La CME établit son règlement intérieur et définit librement son organisation.
  • Le directeur perd l’initiative s’il souhaite mettre fin aux fonctions d’un chef de service.
  • Le règlement intérieur de l’établissement doit définir les principes de fonctionnement des pôles mais aussi les relations entre chef de pôle et chef de service en particulier pour :
    • La recherche clinique et l’innovation ;
    • L’enseignement ;
    • La qualité et la sécurité des soins ;
    • La permanence des soins ;
    • La prise en charge médicale, son organisation, sa coordination et son évaluation ;
    • La gestion des ressources humaines ;
    • L’autorité fonctionnelle au sein des services ;
    • La formation et l’évaluation des fonctions de chef de service ;
  • Ce point est un nouvel article du Code de Santé Publique (R.6146-9-2) Il va être le guide de toutes les futures relations entre chef de pôle et chef de service au sein des établissements.

    Ce décret n’apporte pas beaucoup de nouveauté par rapport au contenu de la Loi promulguée le 26 janvier de cette année.

    L’INPH s’est beaucoup investie pour faire progresser cet article de la Loi qui améliore la gouvernance hospitalière et limite un peu les effets délétères de la Loi précédente dite HPST

    Nous aurions souhaité aller plus loin en particulier sur la gouvernance au plus près des praticiens en redonnant au chef de service l’autorité fonctionnelle que l’organisation en pôles lui a enlevée.

    La Loi HPST avait voulu faire disparaitre un symbole de l’organisation hospitalière, le service. Il retrouve enfin sa place, place qu’il n’avait d’ailleurs jamais quittée dans le langage de nos patients.

    Tout aussi symboliquement, la nomination du chef de service se fait sur proposition du président de CME et non du chef de pôle. Le chef de service est en lien avec la communauté médicale et non en subordination au chef de pôle.

    Le projet médical retrouve sa place pour la cohérence de la construction des pôles. A la CME de faire respecter cette ré médicalisation.

    La CME reprend une place plus importante et l’édition de son règlement intérieur sera un temps fort des prochains mois. Il faut en faire un document de démocratie interne, véritable charte des bonnes pratiques institutionnelles.

    Il en est de même du règlement intérieur de l’établissement qui doit faire l’objet d’une large consultation de tous les PH car il va concerner votre exercice quotidien et sera un document de référence en particulier en cas de conflit au sein d’un service, d’un pôle ou de l’établissement.

    A vous de vous saisir de ces outils de démocratie, avec l’aide de vos représentants syndicaux au niveau local et régional. Nous serons là pour répondre aux questions que vous ne manquerez pas de vous poser.

    Votre liberté de parole, de prise de position passe par votre indépendance. C’est en adhérant à l’un des syndicats constitutifs de l’INPH que vous trouverez les moyens d’exercer cette liberté et cette indépendance.

    L’INPH, par son action, a permis de remettre de l’huile dans la pipette !!! A vous de graisser les rouages !

    Dr Jean-Michel Badet

    UNIVERSITÉS ET TERRITOIRES : ENJEUX, RISQUES, CHANCES

    Pr Henry COUDANE
    Professeur de Médecine Légale et
    Droit de la Santé, Université Nancy
    Chirurgien des Hôpitaux
    Doyen Honoraire

    1° Introduction
    Il y a plus de 10 ans un rapport de novembre 2005 (2005/103) effectué par l’Inspection générale de l’Administration de l’Education nationale et de la Recherche mettait en exergue les contributions des collectivités territoriales à l’effort national en matière de recherche et développement : l’exemple rapporté concernait le plateau de Saclay qualifié de véritable « territoire d’exception ».

    L’actualité plus récente a permis l’émergence de 13 nouvelles régions. La division par 2 du nombre de régions soutient l’image d’une France qui se réorganise avec comme corolaire des compétences redistribuées et de nouveaux objectifs à atteindre. Les nouvelles régions sont légitimes à partir du moment où elles ont les moyens pour mener des actions en termes d’aménagement du territoire, de développement économique et de formation professionnelle.

    2° Le contexte politique
    Le 19 août 2013, le Président de la République a souhaité que soit engagée une démarche prospective, visant à définir une stratégie à 10 ans pour la France. Pendant plusieurs mois, débats, et contributions ont alimenté ce projet. Le rapport « Quelle France dans dix ans ? » a été remis au président de la République et au Premier ministre le 25 juin 2014. Parmi les 10 axes d’intervention des dix prochaines années figure un chantier intitulé « une économie décloisonnée et ouverte sur le monde ». En effet, la France ne peut pas « rester à l’écart des mutations économiques, scientifiques, technologiques et sociales qui transforment la planète ». Ce rapport propose de « développer des écosystèmes territoriaux en prenant appui sur le potentiel d’entraînement des métropoles ». La place des universités dans ces écosystèmes comme moteur de croissance est importante : celles-ci présentent des avantages compétitifs par l’innovation, de la recherche et du développement et surtout elles concentrent la majorité des dépenses françaises de R&D. Si la France concentre 4 % du volume global mondial de dépenses de recherche (1 300 milliards au niveau mondial), il est alors nécessaire d’évoquer le concept de concentration des moyens et d’articulation des acteurs pour « ne pas disperser les moyens ».

    3° Innovation et universités
    Mohamed Harfi, chargé de mission au département Travail-Emploi de France Stratégie, qui a réalisé cette étude a présenté les conclusions du rapport « Quelle France dans 10 ans ? », sous l’angle de l’innovation et des universités ; il précise que « Notre modèle d’innovation linéaire existe toujours mais l’innovation a changé. Elle est aujourd’hui en interactions, entre les acteurs, en réseau, très ouverte dans certains domaines. La chaîne de valeur mondiale se fragmente, ce qui est une conséquence de la concurrence entre les différents segments et les politiques économiques de chaque pays. Quand on fait une analyse de la localisation des activités de recherche et de production au niveau mondial, on observe des « ensembles d’acteurs publics et privés qui interagissent en vue de produire ou d’innover ». En France, ceux-ci devraient tirer la croissance nationale vers le haut. Toutefois il met en exergue un risque : « si cela n’est pas canalisé, les métropoles pourraient se développer en isolats, ne diffusant pas assez l’innovation autour d’elles. Les métropoles doivent donc être des facteurs de développement à renforcer. Il faut lever les barrières et atténuer les effets négatifs de leur développement. Le maintien de la cohésion nationale doit être assuré en évitant la concurrence entre métropoles au profit de la complémentarité et en suscitant l’émergence d’une intelligence collective autour de l’intérêt commun ».

    4° Les Schémas Régionaux d’ESR (SRESR)
    Les Schémas Régionaux d’enseignement supérieur et de la recherche (SRESR) ont été confiés aux régions dans le cadre de la loi ESR. Les régions gèrent aujourd’hui les crédits européens (Feder, etc.), chacune ayant mis en place une stratégie de spécialisation « en prenant en compte les problématiques territoriales mais aussi économiques ». Le financement de l’innovation est en train de changer de façon considérable, notamment avec les partenariats tissés entre les régions et la BPI (banque publique d’investissement). Parallèlement, le dispositif national de recherche évolue en parallèle des dispositifs territoriaux, couplant régions et métropoles, à travers un concept très franco-national qui a de l’avenir pour peu que les systèmes de constructions méthodologiques des dossiers trouvent une fluidité qui puisse sublimer le jacobinisme centralisateur et les intérêts locaux qui restent probablement encore si dépendants des aspects culturels et historiques de la politique régionale… « Les collectivités sont des partenaires actifs dans la mise en place des politiques d’ESR ». Toutefois des investissements sont nécessaires pour permettre à l’immobilier universitaire d’évoluer avec son époque et d’offrir « des équipements de vie étudiante conformes aux objectifs stratégiques de notre pays ». Cela implique de nouvelles modalités visant à une efficience accrue, par l’intermédiaire de circuits simplifiés, et une refonte des stratégies nationales, régionales et locales de l’innovation.

    5° Le Patrimoine universitaire
    Lors d’un colloque intitulé « Universités et Territoires » à la CPU qui s’est déroulé le 08/04/2015, Simone Bonnafous, Directrice générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle au ministère de l’ESR, a salué l’idée de rassembler ainsi élus, associations de villes et d’agences d’urbanisme, représentants de l’Université et du MESR. Elle a critiqué la notion « du triste tableau du paysage universitaire français » et s’est appuyée sur ses nombreuses visites de sites pour dresser un bilan plus modéré. Si la superficie du parc universitaire français est excessive aujourd’hui au regard des besoins, si une vétusté existe bel et bien parfois, les chantiers de rénovation existent sur tous les sites. Or, « à force de pleurer sur les amphithéâtres qui fuient, on finit par donner une image très dégradée de l’Université française ». Il ne s’agit donc ni de nier les efforts encore à accomplir, ni d’occulter les réelles avancées et réalisations efficaces. Ainsi, dans le contexte d’une concurrence internationale très forte, il y a une amélioration du patrimoine universitaire, due à la fois à l’État et aux collectivités locales. Dans le cas de l’effort de l’État, précisément, il ne fut longtemps mesurable que via le CPER (contrat état plan région) – la part État du précédent ayant été chiffrée à 1,6 milliard d’euros environ. Aujourd’hui, en plus de ce dernier, on trouve d’une part les intérêts des dotations campus pour les sites disposant de telles dotations, à hauteur de 15 à 20 millions par an (Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, etc.). Au total, un milliard de ces intérêts viendront en supplément des 840 millions du CPER. D’autre part, la dévolution du patrimoine, si elle ne concerne aujourd’hui que trois universités, permettra à ces établissements d’obtenir 131 millions d’euros de dotation spécifiques sur la période du CPER. Avec ces trois outils, la somme totale s’élève à 1,9 milliard d’euros. On note donc une réelle diversification des outils, afin de lancer de grandes opérations (comme à Lyon), mais aussi des études et des travaux de rénovation intermédiaires, moins importants mais contribuant à la qualité de l’insertion des établissements sur le territoire. Plusieurs questions se posent néanmoins aujourd’hui : l’avenir de la dévolution du patrimoine, « éminemment responsabilisant », « l’investissement sur l’immobilier étant un investissement sur le futur » ; le maintien d’une politique de rationalisation, de meilleur usage des mètres-carrés (y compris en abandonnant ou reconvertissant, à la suite d’une nécessaire concertation, un certain nombre de sites) ; la question du retour de prix de cession, enfin, puisqu’aujourd’hui une grosse part du produit de cession revient au désendettement de l’Etat, un choix compréhensible mais très démobilisateur pour les établissements.  « Mme Bonnafous a par ailleurs fait part de son intérêt pour les montages financiers innovants avec le soutien de la CDC, en particulier pour la réhabilitation énergétique du patrimoine ». (Cf. bibliographie colloque 04/08/2015 Universités et Territoires)

    6° PIA et territoire
    Thierry Francq, Commissaire général adjoint à l’investissement, a rappelé lors du colloque d’avril 2015 qui réunissait Universités, Mesr et responsables politiques territoriaux, que le Commissariat utilise des jurys internationaux qui ont eu une approche très exigeante dans l’attribution des PIA (projets d’investissement d’avenir), ce qui est aussi une manière « de diffuser un peu plus les investissements sur le territoire français ». De manière générale, le Commissariat a conscience que le succès de l’ensemble des opérations soutenues par le PIA tient beaucoup à l’organisation territoriale. L’innovation se joue désormais dans les territoires, à l’image des régions qui ont souvent modulé leurs budgets en fonction des PIA attribués. Pour le moment, le PIA 3 en est plutôt au stade de l’idée. Les PIA ont été jusqu’à maintenant un effort d’investissement « dans l’économie de l’intelligence », même en pleine période de crise. Tout le monde espère que cela soit mobilisé au mieux afin que cela crée des emplois. Le PIA 3 pourrait être un élément permettant de « finir le travail des PIA précédents. Mais il devra sûrement y avoir « des liens plus forts avec les régions, dans le cadre des réformes de la loi NOTRe ». Il y a par exemple un lien évident à faire entre les SATT des universités et les incubateurs soutenus par les régions. Il faut aussi ancrer ces outils dans les territoires, qui se distingueront en fonction des gouvernances propres qui seront mises en place ».

    A l’INPH cela fait longtemps que nous nous sommes saisis du concept d’intelligence collective (drapeaux régionaux des participants au MAG7)

    A l’INPH cela fait longtemps que nous nous sommes saisis du concept d’intelligence collective (Drapeaux Régionaux des Participants au MAG7)

    Le maintien de la cohésion nationale doit être assuré en évitant la concurrence entre métropoles au profit de la complémentarité et en suscitant l’émergence d’une intelligence collective autour de l’intérêt commun

    7° Conclusions
    La nouvelle organisation territoriale constitue probablement un nouveau paradigme pour l’innovation universitaire car des concepts nouveaux tels les écosystèmes d’innovation se développent et s’épanouissent davantage au niveau des métropoles. Si la gestion du patrimoine universitaire reste un problème, il faut toutefois retenir que l’augmentation des étudiants dans les universités françaises est d’environ 2 % par an. Par ailleurs les universités françaises restent très attractives dans l’accueil des étudiants puisqu’en en 2014, la France occupait la 3ème place du classement mondial derrière les Etats-Unis et la Grande Bretagne avec pour particularité l’accueil de nouvelles nationalités, les étudiants chinois représentant derrière les étudiants marocains le contingent désormais le plus important. L’organisation territoriale doit prendre en considération ces éléments nouveaux pour que formation, accueil, vie universitaire soient réellement décentralisés.

    Il suffit de prendre en 2016 le métro parisien pour voir fleurir des annonces publicitaires mettant en exergue les qualités de certaines universités provinciales pour comprendre la concurrence à laquelle se livrent désormais les universités dans ce concept de territorialité…

    Force est de constater que la notion de « territorialité » est un nouveau mode d’organisation probablement en phase avec la concurrence mondiale ; il faut souhaiter que cette territorialité trouve une place et un fonctionnement efficaces qui évitent à la fois et la tentation du jacobinisme centralisateur et les picrocholines querelles régionales ou interrégionales plombées par le poids de l’histoire. Enfin, il faut évoquer l’aspect financier qui reste très dépendant de la situation économique nationale et dont les circuits restent au minimum complexes et parfois opaques. Quant à l’organisation de la recherche, de l’enseignement du secteur santé, elle reste engoncée dans la célèbre ordonnance de 1958 qui mériterait peut-être d’être adaptée aux nouvelles dispositions législatives de la territorialité universitaire… Mais il s’agit probablement là, d’une autre équation de Schrödinger à résoudre…

    L’auteur PU-PH ne déclare aucun conflit d’intérêt dans la rédaction de cet article.

    Bibliographie
    1° Rapport 2005/103, nov. 2005 Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche
    2° Documentations accessibles sur le site http://www.universites-territoires.fr/ en particulier le N° 106 à partir duquel ce texte a été réalisé.

    Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH7

    L'accès à cet article est GRATUIT, mais il est restreint aux membres RESEAU PRO SANTE

    Publié le 1653930708000