Neuroradiologie : Les Mots des Pu

Publié le 16 May 2022 à 12:39


On entend souvent que la radiologie interventionnelle sera à l’avenir le seul mode d’exercice possible pour le radiologue, qu’en pensez-vous ?

Non, je ne partage pas complètement cet avis.

Certes, l’activité interventionnelle va continuer de s’étendre et la part qu’elle prendra en radiologie devrait être conséquente. Mais c’est à condition de considérer cette activité non pas uniquement sous l’angle de la réalisation du geste (aussi complexe soit-il) comme le ferait tout prestataire, mais bien en envisageant ce geste dans la globalité de la prise en charge des soins (consultations antérieures, organisation de l’activité, hospitalisation, suivi, etc.).

L’activité diagnostique a également un bel avenir. Dans les prochaines années, et si nous en saisissons l’opportunité, le radiologue sera considéré comme un élément pivot du parcours de soins, et ce pour diverses raisons. J’en citerai trois :

  • Actuellement, le radiologue est parfois le premier médecin que le patient consulte, à cause de la difficulté d’accès aux soins primaires ;
  • Les prises en charge médicales (diagnostiques et thérapeutiques) – lesquelles sont de plus en plus complexes et évoluent très rapidement – nécessitent un avis de synthèse et de concertation dont dispose le radiologue ;
  • L’imagerie est devenue incontournable dans le suivi de nombreuses pathologies ; de ce fait, le radiologue est amené à revoir très régulièrement son patient. 

Le radiologue devient alors un coordinateur clinique au centre de la maladie et est à même de retrouver ce lien singulier et fonctionnel avec le patient. Un radiologue est un médecin clinicien. Refuser cette place qui s’offre à nous serait extrêmement dommageable.

Vous-même êtes neuroradiologue interventionnel. Comment voyez-vous l’avenir de votre spécialité ? (IA, croissance de l’activité, projets de recherche, innovations, postes disponibles à la suite de l’internat)
À mon sens, cette spécialité offre des perspectives enthousiasmantes. La neuroradiologie interventionnelle est en pleine croissance et s’intègre dans l’une des révolutions thérapeutiques les plus importantes de ce siècle. Celle-ci s’articule autour : des activités mini-invasives guidées par l’image, de l’homme prothétique et des traitements ciblés. La neuroradiologie interventionnelle va également entretenir un lien majeur avec la robotique, qui se trouve en résumé être de l’IA équipée de bras articulés. Mais nous ne sommes encore qu’aux prémices de cette technique.

Le G4 lance son projet d’un « écosystème français de l’IA dédié à l’imagerie médicale »
indépendant des grands groupes. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Pour comprendre DRIM, il faut concevoir l’importance des données de santé quant à leur exploitation, dans notre système actuel. La communauté radiologique française produit environ 100 millions d’examens chaque année et dispose aujourd’hui de ces données pendant 5 ans. L’objectif de cet écosystème est de se rendre acteur de cette révolution numérique autour des bases-entrepôts de données et de la mise au jour de ces données. Dès lors, il s’agit d’être au coeur du développement de futurs programmes, d’algorithmes et d’applications en matière d’imagerie médicale.

D’autres pensent que le vrai risque pour l’avenir, c’est que nous nous sommes trop éloignés de nos patients et de nos correspondants cliniciens, toujours plus demandeurs de précisions dans les comptes-rendus (le fameux « de toutes façons, on ne lit pas vos CR »). En quoi l’IA pourrait-elle avoir une place dans la réappropriation de ce rôle central ?
Je ne pense pas que les correspondants cliniciens ne prennent pas connaissance des CR. C’est peut-être la vision que nous avons du CHU foisonnant d’hyper-spécialistes. La grande majorité de l’activité radiologique se produit en dehors du CHU. Et l’imagerie devenant de plus en plus complexe, multiple, etc., le CR est majeur pour le correspondant qui n’est pas en mesure d’examiner des centaines ou des milliers d’images. De même, fort heureusement, tous nos examens d’imagerie ne révèlent pas toujours d’anomalies ou de pathologies ; c’est en cela également que le CR est indispensable pour notre spécialité.

La conséquence, c’est qu’hormis quelques hyper-spécialistes, personne dans le corps médical, n’est en capacité d’apporter un regard contradictoire ou une deuxième lecture à nos examens : nous travaillons sans filet. Or, un grand nombre de nos erreurs ne sont pas imputables à un manque de compétences mais plus souvent à une inattention, une fatigue ou une interruption dans nos tâches… Rétrospectivement, elles sont assez inexplicables et liées dans la plupart des cas à notre environnement de travail. L’IA peut nous sécuriser dans nos contrôles et éviter ces impairs en jouant le rôle de deuxième lecteur. L’IA apporte un élément de sécurisation et de gestion des risques.

Je ne vois pas l’IA jouer le rôle de contremaître dans le but d’optimiser notre temps à l’infini, mais bien comme un assistant bienveillant vis-à-vis de notre activité. Le rôle central du radiologue n’est et ne sera pas en lien avec l’IA mais bien avec les points que je développe à la question 1.

Il nous faut aussi revoir profondément la conception de notre environnement et de notre organisation de travail, à l’instar du pilote de ligne ou du conducteur automobile : s’arrêter toutes les 3 heures, un vrai poste de travail par exemple. Car nous travaillons encore comme au temps de la radiologie analogique.

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°39

L'accès à cet article est GRATUIT, mais il est restreint aux membres RESEAU PRO SANTE

Publié le 1652697547000