
NaÎtre et renaÎtre à l’hôpital public
Il est urgent de redonner l’envie, la reconnaissance… et les moyens aux praticien.ne.s sages-femmes
Etre formé.e à l’hôpital, plus précisément en maternité, et choisir d’y rester, ne faut-il pas être un peu fou/folle pour le souhaiter aujourd'hui ?
Chaque jour, les étudiants, quelles que soient les disciplines, pallient le manque d’effectifs, voire remplacent les professionnels en sous-effectifs, pour tenter de sauver avec nous ce qui peut l’être.
Ils sont au coeur des services, confrontés à nos problématiques, partagent nos coups de stress, de peur, de colère, de joie. Nous ne pouvons rien leur cacher, et les étudiants en maïeutique voient jour après jour que les sages femmes, comme les autres personnels des hôpitaux vont mal. Ils voient qu’à l’hôpital, les moyens ne nous sont pas donnés, tant sur le plan des effectifs, que du matériel et de la charge administrative, pour pouvoir prendre soin des gens (Cure et Care) comme nous le souhaitons, comme ils le nécessitent, et encore moins pour pouvoir accompagner nos futur.e.s collègues comme ils le méritent.
Plus des 2/3 des maternités ont fermé en 50 ans. Le choix a été fait de privilégier les grosses, voire les énormes structures, ces usines à bébés qui ne satisfont ni les patients, ni les soignants, ni les futur. e.s soignants.
Ces 20 dernières années, nous n’avons cessé de tirer la sonnette d'alarme, sans être entendues. Aussi, plus que les hôpitaux “désertés”, c’est l'ensemble de notre profession qui perd de son attractivité jour après jour. Les 20_% de places vacantes en L2 maïeutique cette année en témoignent. Parce que nous sommes essentiellement des femmes qui nous occupons des femmes ?
Il est fondamental que l’exercice hospitalier offre aux sagesfemmes la reconnaissance qu’elles méritent : des effectifs révisés (les décrets de périnatalité datent de 1998), le même statut que les autres praticiens hospitaliers, des droits de formation adaptés, la possibilité effective de gérer les unités physiologiques (80 % des naissances), un salaire à la hauteur de nos responsabilités, la possibilité de partager notre temps entre hospitalier et libéral, entre clinique, enseignement et recherche.
L’hôpital reste centré sur lui-même, alors que nous, professionnels, savons si bien faire du lien avec nos patients et entre nous, quel que soit notre grade et notre mode d’exercice. Localement, des initiatives émergent, grâce à des professionnels qui ont encore la force d’affronter le carcan administratif qui nous asphyxie jour après jour. Elles méritent d’être facilitées, encouragées comme devraient l’être l’ouverture des plateaux techniques et des maisons de naissance. À défaut, les sagesfemmes continueront à quitter les maternités, dans lesquelles travailler à l’encontre de nos convictions devient plus difficile jour après jour.
Des maternités, des services continueront à fermer, cette fois par manque de sages-femmes, ce qui est un fait nouveau.
Car est-il besoin de rappeler encore que les vigies des maternités, ce sont bien les sages-femmes ? Que toute l’équipe passe une bonne garde lorsque nous n’avons pas besoin de faire appel aux médecins, et qu’ils peuvent se reposer en toute confiance.
Que nos gardes sont intenses, sans répit, que nos nuits avec heures doublées récemment nous rapportent 19,26 euros.
Que réanimer des nouveau-nés, dépister des pathologies, rassurer des femmes et des couples font partie de notre métier.
N'oubliez pas que la société de demain naît entre nos mains !
Camille DUMORTIER
Sage-femme
Présidente de l'ONSSF
Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°25