Naître et renaître à l'hôpital public

Publié le 01 Feb 2023 à 15:33

 

NaÎtre et renaÎtre à l’hôpital public

Il est urgent de redonner l’envie, la reconnaissance… et les moyens aux praticien.ne.s  sages-femmes

Etre formé.e à l’hôpital, plus précisément en maternité, et choisir d’y rester, ne faut-il pas être un peu fou/folle pour le souhaiter aujourd'hui ?

Chaque jour, les étudiants, quelles  que soient les disciplines, pallient  le manque d’effectifs, voire  remplacent les professionnels en  sous-effectifs, pour tenter de sauver  avec nous ce qui peut l’être

Ils sont au coeur des services,  confrontés à nos problématiques,  partagent nos coups de stress, de  peur, de colère, de joie. Nous ne  pouvons rien leur cacher, et les  étudiants en maïeutique voient  jour après jour que les sages femmes,  comme les autres personnels  des hôpitaux vont mal.  Ils voient qu’à l’hôpital, les moyens  ne nous sont pas donnés, tant sur  le plan des effectifs, que du matériel  et de la charge administrative,  pour pouvoir prendre soin des gens  (Cure et Care) comme nous le souhaitons,  comme ils le nécessitent,  et encore moins pour pouvoir accompagner  nos futur.e.s collègues  comme ils le méritent. 

Plus des 2/3 des maternités ont  fermé en 50 ans. Le choix a été  fait de privilégier les grosses, voire  les énormes structures, ces usines  à bébés qui ne satisfont ni les patients,  ni les soignants, ni les futur.  e.s soignants.

Ces 20 dernières  années, nous n’avons cessé de tirer  la sonnette d'alarme, sans être entendues.  Aussi, plus que les hôpitaux  “désertés”, c’est l'ensemble de  notre profession qui perd de son  attractivité jour après jour. Les 20_%  de places vacantes en L2 maïeutique  cette année en témoignent.  Parce que nous sommes essentiellement  des femmes qui nous occupons  des femmes ? 

Il est fondamental que l’exercice  hospitalier offre aux sagesfemmes  la reconnaissance qu’elles  méritent : des effectifs révisés (les  décrets de périnatalité datent de  1998), le même statut que les  autres praticiens hospitaliers,  des droits de formation adaptés,  la possibilité effective de gérer  les unités physiologiques (80 %  des naissances), un salaire à la  hauteur de nos responsabilités,  la possibilité de partager notre  temps entre hospitalier et libéral,  entre clinique, enseignement  et recherche.

L’hôpital reste centré sur lui-même,  alors que nous, professionnels,  savons si bien faire du lien  avec nos patients et entre nous,  quel que soit notre grade et notre  mode d’exercice. Localement, des  initiatives émergent, grâce à des  professionnels qui ont encore la  force d’affronter le carcan administratif  qui nous asphyxie jour  après jour. Elles méritent d’être  facilitées, encouragées comme devraient  l’être l’ouverture des plateaux  techniques et des maisons  de naissance. À défaut, les sagesfemmes  continueront à quitter les  maternités, dans lesquelles travailler  à l’encontre de nos convictions  devient plus difficile jour après  jour.

Des maternités, des services  continueront à fermer, cette fois  par manque de sages-femmes, ce  qui est un fait nouveau.

Car est-il  besoin de rappeler encore que  les vigies des maternités, ce sont  bien les sages-femmes ? Que toute  l’équipe passe une bonne garde  lorsque nous n’avons pas besoin  de faire appel aux médecins, et  qu’ils peuvent se reposer en toute  confiance.

Que nos gardes sont intenses,  sans répit, que nos nuits  avec heures doublées récemment  nous rapportent 19,26 euros.

Que  réanimer des nouveau-nés, dépister  des pathologies, rassurer des  femmes et des couples font partie  de notre métier.

N'oubliez pas que la société de  demain naît entre nos mains !

 

 

 

 

Camille DUMORTIER

Sage-femme

Présidente de l'ONSSF

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°25

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