Myocardite, Quand et comment faire une Biopsie Myocardique, quel traitement ?

Publié le 24 May 2022 à 17:51

La myocardite est une maladie caractérisée par un infiltrat de cellules de l’inflammation associé à une nécrose myocytaire d’origine non ischémique. Le diagnostic étiologique de myocardite inclut différentes formes classées selon le type de cellule infiltrant le myocarde : lymphocytaire, éosinophile, polymorphique, cellule géante ou sarcoïdose cardiaque.

Il est difficile d’estimer l’incidence réelle des myocardites, certaines formes de myocardites sont dites fulminantes et sont caractérisées par une atteinte très sévère d’installation rapide, avec une récupération généralement rapide et pouvant être partielle dans certains cas (15 % de dysfonction ventriculaire gauche persistante) (1). Dans une étude publiée en 2000, les formes fulminantes représentaient 10 % des myocardites aiguës et avaient un meilleur pronostic au long terme (2). Par ailleurs, les séries autopsiques évaluant les causes de décès de sujets jeunes jusque-là en bonne santé, ont fréquemment mis en évidence des stigmates histologiques de myocardite. Dans une série reprenant sur 25 ans, tous les cas de mort subite pour une cohorte de plus de 6 millions de jeunes militaires américains âgés de 18 à 35 ans, plus de 10 % des 126 individus décédés avaient une myocardite histologique (3).

Quelle est la place de la biopsie endomyocardique ?
D’après un groupe de travail de l’ESC (4), la présence de symptômes d’insuffisance cardiaque de novo (< 2 semaines) avec une dysfonction ventriculaire gauche sans dilatation ou la présence d’une CMD avec dysfonction VG de découverte récente doivent faire réaliser une biopsie.

A l’heure actuelle, les biopsies myocardiques même théoriquement indiquées sont très peu réalisées, en France notamment (5). Dans cette étude italienne s’intéressant à 57 patients traités par ECMO Veino-Artérielle (VA) pour une myocardite, seulement 26 % des patients ont eu une biopsie myocardique.

La Figure 1 résume ces indications. Il semble donc pertinent de réserver la biopsie au patient avec une histoire atypique sans récupération, et de surseoir à la biopsie en cas d’étiologie évidente associée à une récupération rapide.


Figure 1 : Résumé des indications de la biopsie endomyocardique dans un contexte de suspicion de myocardite (4)

Techniquement que faut-il demander en pratique ?
Il faut réaliser au moins 3 échantillons de 1 – 2 mm à fixer immédiatement dans une solution de 10 % de formol pour la microscopie optique et congeler des biopsies à -80° pour les PCR virales. La localisation de la biopsie sera guidée au mieux par l’IRM cardiaque, laquelle permet la mise en évidence des zones de rehaussement tardif sous-épicardique. Le taux de complications est estimé à 0,8 % quand le geste est réalisé par une équipe entraînée.

Une analyse immuno-histochimique doit être également pratiquée afin de caractériser l’infiltrat inflammatoire en utilisant un panel large d’anticorps monoclonaux et poly-clonaux (AC anti CD3, lymphocytes T, anti CD68, macrophages et anti HLA-DR). D’autres marqueurs utilisés dans le rejet de greffon cardiaque en immunofluorescence peuvent être utilisés comme le C3d et C4d et semblent être prometteurs afin de montrer une activation de l’auto-immunité dans les cardiopathies inflammatoires.

La réalisation de PCR afin de détecter de l’ADN ou ARN viral dans les cellules myocardique est également réalisable. Une charge virale dans le sérum doit alors être réalisée en parallèle. Le Tableau 1 montre la prévalence des causes virales dans les biopsies d’après une métanalyse (6). Cependant, il convient de toujours évaluer la balance bénéfices/risques de la réalisation des biopsies chez ces patients sévères, le plus souvent sous amines et/ou assistances cardiaques.


Tableau 1 : Prévalence des causes virales dans les biopsies endomyocardiques (6)

Traitement symptomatique à la phase aiguë
C’est le traitement symptomatique de l’insuffisance cardiaque ! Dans les cas les plus sévères avec une aggravation rapide de la FEVG, le rapprochement rapide d’un centre d’assistance et de greffe cardiaque doit être réalisé.

L’ECMO VA a prouvé son intérêt dans cette population particulière et doit être mise en place précocement avant l’apparition de lésions d’organes irréversibles. Dans une revue (7) décrivant 180 patients atteints de myocardite grippale dont 48 patients ont été assistés, la mortalité globale était de 33 % dans le groupe assisté et 35 % dans l’autre.

Traitement étiologique spécifique
Quelques principes généraux Il est surtout indiqué pour les formes chroniques.

  • Ces traitements ont une efficacité suggérée dans quelques études préliminaires, mais dont l’évaluation est à poursuivre (par des études multicentriques randomisées notamment).
  • Les myocardites s’inscrivant dans le cadre d’une maladie de système doivent bénéficier du traitement de cette maladie.
  • Les corticoïdes sont indiqués dans les sarcoïdoses cardiaques en présence de dysfonction cardiaque ou/et d’arythmie mais pas dans les myocardites virales
  • Le traitement immunosuppresseur doit être discuté en cas de myocardite non infectieuse documentée, réfractaire au traitement standard et sans contreindication aux immunosuppresseurs (infection virale documentée par PCR). Les immunosuppresseurs étudiés sont les corticoïdes, l’azathioprine, et la ciclosporine, pour les formes à cellules géantes et les myocardites actives auto-immunes (avec autoanticorps) (8–11). Il est suggéré un bénéfice pour l’association des corticoïdes et azathioprine dans les formes lymphocytaires sans matériel viral documenté à la biopsie (12).
  • Les immunoglobulines n’ont pas montré leur efficacité (13).

Myocardite lymphocytaire
Les immunosuppresseurs ont été étudiés dans les cas de myocardites à la fois chez l’animal et chez l’homme. Ainsi certains auteurs ont comparé l’association prednisone/ azathioprine ou prednisone/ciclosporine versus placebo associé au traitement de l’insuffisance cardiaque, sans bénéfice sur la mortalité ou l’amélioration de la FEVG. Les myocardites étaient prouvées histologiquement selon les critères de Dallas (8).

Dans un article de 2003 paru dans Circulation, 90 % des patients avec une myocardite active non virale et des anticorps anti coeur dans le sérum, répondaient au traitement immunosuppresseur ; à l’inverse 85 % des patients avec une myocardite virale ne présentaient pas de réponse au traitement (9). Une étude réalisée par la même équipe en 2009 parue dans l’European Heart Journal (TIMIC study), randomisée, comparant chez des patients atteints d’une myocardite lymphocytaire non virale chronique (documentée par biopsie), un traitement par corticoïdes et azathioprine (88 % des 43 patients) versus placebo, permettrait une amélioration significative de la FEVG et une diminution du volume télédiastolique.

Dans le groupe placebo, 2 patients étaient décédés et 2 étaient transplantés, aucun dans le groupe immunosuppresseur (12). Ces données sont également confirmées à long terme (14).

Ceci suggère donc qu’un traitement immunosuppresseur pourrait être bénéfique dans les myocardites chroniques lymphocytaires non virales avec anticorps anti-coeur dans le sérum. Les anticorps anti-coeur dont la pathogénicité reste à déterminer pourraient néanmoins jouer un rôle. Dans cette hypothèse, un traitement par immunoglobulines pourrait être utile. Dans un essai randomisé contre placebo chez des patients souffrant d’insuffisance cardiaque (de découverte récente) dont seulement 16 % présentaient des signes histologiques de myocardite (15), il n’avait pas été retrouvé d’efficacité des immunoglobulines.

Myocardite virale documentée : à la phase aiguë le virus est détruit rapidement, il n’est donc pas recommandé d’utiliser d’antiviraux. Certaines études montrent pour le virus de la grippe que l’oseltamivir peut être utilisé, cependant ce sont des études non randomisées et rétrospectives (7). En revanche l’utilisation de corticoïdes ou anti-inflammatoire non stéroïdiens semble plutôt délétère d’après des données expérimentales (16, 17).

A la phase chronique, les antiviraux spécifiques peuvent être utilisés en cas de documentation par une biopsie d’une activité virale, on peut citer comme exemple l’interferon beta comme traitement immunomodulateur pour les entérovirus, les adénovirus, le parvovirus B19 ou le valganciclovir pour l’HHV6/8 (18).

Myocardite à éosinophiles
La corticothérapie reste dans les myocardites à éosinophiles le traitement de référence à raison de 0.5/1 mg/kg initialement avec une cible en relais entre 5-10 mg/jour, associé évidemment à l’arrêt du toxique imputable en cas de myocardite d’hypersensibilité. L’efficacité de la réponse peut aller jusqu’à 85 % selon les études (19). L’hyperéosinophilie sanguine permet de suspecter le diagnostic mais ne doit pas être utilisée comme marqueur de suivi. Dans le cas des vascularites (granulomatose éosinophilique avec polyangéite, polyangéite microscopique et granulomatose avec polyangéite) les traitements de référence doivent être utilisés. Dans le cas des parasitoses compliquées de myocardites à éosinophiles, un traitement antiparasitaire doit être réalisé.

Myocardite à cellules géantes
Il s’agit d’une forme habituellement sévère de myocardite dont les particularités sont l’absence de récupération et la fréquence des troubles du rythme et des troubles conductifs.
Dans une étude (Cooper 1997) (19), les patients traités par corticoïdes, aziathropine et ciclosporine avaient un bien meilleur pronostic que ceux non traités. Ces résultats ont été retrouvés en 2008 par la même équipe chez des patients traités par corticoïdes et ciclosporine (10). Dans une étude s’intéressant au cas les plus graves (patient sous assistance cardiaque) (21), la mortalité était élevée et les survivants étaient transplantés sans aucun cas de récupération.

Myocardites associées aux pathologies autoimmunes
Dans les myocardites associées aux pathologies auto- immunes, le traitement repose alors sur le traitement spécifique de la maladie.

Myocardites associées aux immunothérapies
De nouvelles thérapies utilisées en oncologie et en hématologie, les anticorps inhibiteurs du point de contrôle CTLA-4 des lymphocytes T (nivolumab…), ont récemment été décrites comme responsables de myocardites.

Conclusion
Même si les risques de complications d’une biopsie sont faibles, ce geste doit être réservé aux patients les plus sévères, ne s’améliorant pas au bout de quelques jours ou chez lesquels une cause non lymphocytaire est suspectée, par exemple en cas d’arythmies ventriculaires ou de troubles conductifs de haut degré évocateurs de myocardite à cellules géantes. Ce geste doit être exclu si la cause est évidente (prélèvement respiratoire positif pour la grippe) ou si le patient récupère rapidement et complètement.

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  • Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°10

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